Or de la Banque Nationale: suite du feuilleton

Or de la Banque Nationale: suite du feuilleton

Dans la deuxième semaine de session à Berne. Le conseil national a traité de l’or «excédentaire» de la BNS, suite au refus simultané par le peuple en 2002 de l’initiative de l’UDC affectant ce capital à l’AVS, comme du contre-projet – que nous avions soutenu – répartissant ses revenus entre les cantons, l’AVS et la Fondation Suisse solidaire.1 Au final, une majorité du Conseil national – gauche et UDC – a voté pour l’affectation de ces recettes pour deux-tiers à l’AVS et pour un tiers aux cantons. Radicaux et PDC défendant l’affectation de deux tiers de cette somme aux cantons et d’un tiers à la Confédération, sans contribution à l’AVS. Le Conseil des Etats doit encore se prononcer dans uner prochaine session. Nous publions ici l’intervention de Pierre Vanek dans ce débat… (réd)

Réd: Nous nous battons pour défendre les recettes des collectivités et contre la politique des caisses vides, pourquoi ne pas s’être rallié tout simplement à l’attribution des 500 millions par an de revenus aux collectivités publiques, cantons et Confédération?

PV: Certes, nous sommes de farouches défenseurs des recettes des collectivités publiques. Notamment en combattant les cadeaux aux riches, à répétition que toutes les majorités de droite pratiquent avec acharnement. En nous mobilisant dès juillet dernier contre le paquet fiscal, refusé le 16 mai, nous avons contribué à maintenir des montants significatifs de recettes fiscales. A Genève par exemple, cela représentait environ 140 millions de coupes fiscales que nous avons évitées et qui auraient contribué à l’offensive sans précédent de la droite en faveur du démantèlement des services publics et des conditions de travail des salarié-e-s de l’Etat et du secteur subventionné. Mais justement, en allouant aux cantons des recettes supplémentaires qui «tombent du ciel» – en apparence du moins – comme c’est le cas de celles en provenance de l’or de la BNS, on court le risque que ces montants soient affectés… à de nouvelles réductions d’impôts! Rappelons – pour prendre l’exemple genevois toujours – que malgré la situation budgétaire genevoise difficile, il y a pour des centaines de millions de coupes fiscales, proposées sous forme de loi de projets de loi de la droite, qui sont en attente dans le «pipe-line» législatif. Ainsi, il nous a paru plus cohérent de soutenir l’affectation de ces rentrées prioritairement à l’AVS.

Au nom du groupe «A gauche toute!», j’aimerais rappeler quelques réalités. Dans ce débat autour de l’or de la BNS on discute de 20 milliards et de 500 millions de francs par an. Une première chose à dire dans cette enceinte – même si c’est désagréable pour certains – c’est que ces montants ne tombent pas du ciel, que la fortune en question est le produit de l’exploitation des salarié-e-s, en Suisse et à l’étranger, et des peuples des pays du Sud notamment. Cela demandait à être rappelé!

Sur les 500 millions dont on nous propose une large palette d’affectations, mais en particulier l’AVS, il faut dire aussi, pour remettre ce débat en perspective, que ce sont des montants bien modestes, cela ne représente par exemple que le 10% de ce que l’on dépense chaque année – inutilement! – pour l’armée.

Même si ces 500 millions étaient affectés à 100% à l’AVS (ou à l’AI dont on nous assez ressassé ces derniers temps qu’elle avait besoin d’un apport financier urgent) ce serait une contribution très limitée. Rappelons que le 0.8 % d’augmentation de la TVA pour l’AI – impôt dégressif et antisocial refusé le 16 mai – devait rapporter 2.3 milliards par an soit de l’ordre de cinq fois ce montant.

Si l’on faisait «simplement» fonctionner le mécanisme ordinaire – et bien plus social – des cotisations proportionnelles aux salaires, pour atteindre une rentrée de l’ordre de ces 500 millions que nous discutons dans cette séance, ce sont moins de 2 pour mille supplémentaires qu’il faudrait prélever du côté des employeurs et sur les salaires..

Par ailleurs, ce sont des ressources bien supérieurs qui seraient nécessaires pour que l’AVS réponde à son mandat constitutionnel, objectif qu’à droite vous avez refusé dans le débat que nous venons d’avoir sur le programme de législature, privant ainsi les travailleurs-euses de ce pays d’un droit pourtant en principe acquis… comme vous avez refusé en matière de retraites la priorité au premier pilier, à l’AVS, que proposait ma camarade d’«A gauche toute!» Marianne Huguenin.

Il y a donc des ressources qu’il fau trouver dans la fiscalité directe, progressive et sociale, et «simplement» dans le fait de faire fonctionner le système de l’AVS lui-même avec ses cotisations proportionnelles aux salaires, système bien plus social que cette TVA dont le Conseil fédéral annonce déjà qu’il va tenter, pour la deuxième fois en quelques mois, de l’augmenter à nouveau.

Pour en revenir au débat immédiat, les un-e-s demandent un effort pour la formation2, les autres une augmentation des allocations familiales, d’autres veulent soutenir l’AVS… Du point de vue des besoins des gens, des besoins sociaux, il est absurde d’avoir à opposer ces tâches… Le débat sur le programme de législature l’a bien montré, tant que règnera dans cette enceinte une majorité pour qui prime la soif de profits accru des détenteurs du capital, il est oiseux de penser que ces besoins pourront être correctement satisfaits. Le «besoin» que cette majorité cherche à assouvir c’est d’enrichir encore ceux qui le sont déjà, d’enchaîner les «allégements budgétaires» successifs et sans fin au détriment du social et des services publics…

Alors nous n’avons pas voulu inventer une nouvelle proposition, avec une alchimie particulière de priorités quant à la redistribution des revenus de ce capital.

Nous avons hésité entre deux propositions: celle consistant à affecter directement ces montants au remboursement de la dette des collectivités publiques.3 Pourquoi? Parce que cette dette – volontairement entretenue à coups de cadeaux fiscaux successifs aux nantis – à droite vous en avez besoin, pour justifier vos coupes antisociales. Un éminent professeur de l’université de Saint-Gall l’avouait hier dans les colonnes de l’AGEFI: «Je crains que le désendettement, en soi souhaitable, diminue la discipline budgétaire en raison des incitations politiques à dépenser d’avantage»4 disait-il, bel aveu du rôle de la dette pour justifier les programmes d’austérité!

20 milliards pour spéculer… ou investir dans le logement?

Le texte proposé par le Conseil fédéral, retenu par la majorité de la commission du Conseil national, et accepté par le plus grand nombre des minorités à gauche comme à droite, prévoit le transfert du produit de la vente de l’or de la BNS dans un fonds, dont on dit seulement dans la loi qu’il sera «juridiquement indépendant» et constitué par le Conseil fédéral par voie d’ordonnance, ceci sans que le parlement ne pose de condition aucune quant à sa gestion.

«A Gauche toute!» par l’entremise de notre camarade Pierre Vanek a proposé un amendement – refusé! – reprenant l’une des propositions d’une initiative parlementaire déposée en septembre 2002 par le conseiller national ADG Christian Grobet, demandant de fixer dans la loi les règles du jeu quant à l’investissement du capital dont sera doté le fonds. Ceci en demandant que celui-ci serve «un but social utile, à savoir la construction de logements répondant aux besoins prépondérants de la population…» plutôt qu’à des investissements aléatoires dans les actions de sociétés privées avec tous les risques, tant financiers qu’éthiques que représentent ce genre de placement… même si cette «contrainte» devait limiter les rendements attendus. (réd)

Mais, au final, nous nous sommes ralliés à l’affectation de ces recettes au fonds de compensation de l’AVS, en particulier cette affectation permettra, de mettre enfin un terme à la démagogie distillée par l’UDC sur cette question qui met en avant depuis des années cet or comme une panacée… et élude les vrais problèmes…

Pierre VANEK

  1. V. à ce sujet «Or de la banque nationale – 2x OUI à la solidarité internationale, à l’AVS» in solidaritéS No 13 du 30.8.2002.
  2. La proposition du PS était axée sur le fait de d’allouer u tiers des revenus disponible à une «offensive en faveur de la formation cordonnée à l’échelle nationale», les Verts proposant une affectation de l’ensemble «au financement des allocations familiales.» En fait, vu les rapports de force, la seule affectation qui pouvait être majoritaire était celle au fond de compensation AVS.
  3. Proposition défendue par une minorité hétéroclite comprenant des radicaux, libéraux et verts.
  4. Interview de Jörg Baumberger dans L’AGEFI du 7.06.04.