Crise du logement: cherche-t-on à évacuer le débat?

Crise du logement: cherche-t-on à évacuer le débat?

Jeudi 27 mai, 9h30, une trentaine de policiers en tenue anti-émeute évacuent l’Hôtel Carlton, situé dans le quartier des Pâquis, déjà vidé de ses occupants. Près de cinquante personnes se retrouvent ainsi à la rue sans que la moindre alternative ne leur soit proposée. Composé de plus de 120 studios, tous équipés de salle de bains et cuisine, habitable de suite, l’Hôtel Carlton se prêterait idéalement au logement de personnes à bas revenus. L’immeuble, propriété de la Fondation de valorisation des actifs de la BCGe, a été vendu pour 15300000 CHF le 22 avril 2004 à un investisseur privé ayant pour but d’en faire un hôtel quatre étoiles. L’affectation de ce bâtiment au logement estudiantin avait pourtant été envisagée par le Grand Conseil, qui n’a pas retenu cette piste. Les autorités ont ainsi choisi d’engranger des millions pour rembourser les déficits creusés par la mauvaise gestion des avoirs de la BCGe plutôt que d’adopter une politique active de création de logement.

La transaction ayant été effectuée, seules deux solutions subsistent: soit le rachat de l’immeuble au prix de vente par les autorités municipales ou cantonales en vertu du droit de préemption que leur confère la loi, soit le lancement d’un référendum cantonal pouvant, en cas de succès lors de la votation populaire, annuler la vente. Le prix du bâtiment pourrait alors être revu à la baisse. Le collectif Carlton, soutenu par les partis de l’Alternative, syndicats et associations, a, dans un premier temps, sollicité des autorités qu’elles fassent usage de leur droit de préemption, demande rejetée tant par la Ville que par le Canton, notamment en raison du prix, soi-disant prohibitif. Pourtant, outre l’affectation des 120 studios au logement, le collectif envisageait de faire de ce lieu un centre culturel au cœur du quartier des Pâquis. Cet espace offre en effet la possibilité de créer un restaurant autogéré, une crèche, une galerie d’exposition, etc. Aucune discussion n’a été possible malgré l’insistance du collectif désireux d’établir un dialogue.

Face à l’intransigeance des autorités, et du Conseil d’Etat en particulier, le référendum a été lancé par le collectif Carlton. 7000 signatures doivent être récoltées d’ici au 9 juin, dernier délai.1

Dans le contexte de grave crise du logement que connaît actuellement Genève, il est légitime de s’étonner de l’inconsistance de la stratégie mise en œuvre par les autorités. Exception faite de la volonté clairement affichée du Procureur général Zappelli d’en finir rapidement avec les logements alternatifs à loyers modérés (Rhino, Hôtel California, etc.), la politique du logement semble stagner. Le seul projet avancé par le Président du DAEL, Laurent Moutinot, pour pallier la crise réside dans l’agrandissement de la Cité universitaire. Ceci permettra la création de 200 logements pour étudiants uniquement, d’ici 2006 au plus tôt. 200 logements pour étudiants d’ici deux ans au mieux, est-ce la réponse du Conseil d’Etat au désarroi de milliers de personnes, étudiantes et non étudiantes, dans le besoin urgent de trouver un logement?

De telles circonstances exigeraient d’adopter une politique active et volontariste en envisageant avec sérieux toutes les possibilités d’agrandir le parc de logements afin d’offrir des solutions concrètes et immédiates. La population genevoise devrait s’inquiéter de l’immobilisme dont font preuve les autorités face à un problème aussi prioritaire que le logement. D’ores et déjà, de nombreuses personnes, collectifs, partis et syndicats se mobilisent et fustigent cette attitude irresponsable. La manifestation du 22 mai dernier pour une politique sociale du logement est le premier acte d’actions grandissantes à venir2.

Les membres du collectif Carlton, plus révoltés que découragés par leur expulsion, restent déterminés à poursuivre leur action. Ils appellent à signer le référendum suspensif de la vente de l’hôtel et invitent la population genevoise à s’associer à leur lutte pour une politique sociale et active du logement.

Le logement est un droit, sortons-le des lois du marché et des mains des spéculateurs!

Marc GUÉNIAT
Sylvie BURGNARD
Membres du Collectif Carlton

  • Référendum disponible sur www.solidarites.ch
  • Une manif est notamment déjà prévue en septembre.