Lénine: nouvelle biographie

Lénine: nouvelle biographie

Autrefois objet d’un culte pharaonique – le fameux mausolée construit à Moscou sur l’ordre de Staline… –, Lénine n’a pas bonne presse aujourd’hui. Les analyses bâclées lui attribuent la responsabilité non seulement des fautes du bolchévisme au pouvoir, mais de l’évolution ultérieure de l’URSS La démonologie remplace l’hagiographie (comme le montre la biographie commise par le général Volgokonov, ex-responsable politique de l’armée soviétique). L’histoire n’y trouve pas son compte…

Auteur de nombreux ouvrages sur l’histoire de l’URSS, du bolchévisme et du mouvement ouvrier, Jean-Jacques Marie livre une biographie enrichie par l’ouverture des archives soviétiques depuis la «perestroïka». Il permet ainsi de se plonger dans l’histoire du «parti bolchévik réellement existant», des conceptions fondamentales de Lénine sur la révolution russe et des rapports complexes et contradictoires de Lénine avec Staline (qu’il laissa devenir secrétaire général du parti, avant de le regretter…) et Trotsky (auquel il s’opposa violemment durant la discussion de 1920/1921 sur la «question syndicale», avant de faire bloc avec celui-ci contre la bureaucratisation du parti et de l’Etat). Jean-Jacques Marie rappelle utilement que le fondateur de l’Etat soviétique avait perdu, en janvier 1924, le contrôle du parti qu’il avait fondé en 1903, face à une caste bureaucratique émergente. Cet ouvrage offre donc une documentation solide pour un débat et un bilan nécessaires d’une expérience révolutionnaire, qui a marqué le XXe siècle.

Autre contribution: un dossier «Que faire… de Lénine?», paru dans la revue Commune, no 33 (mars 2004), avec des contributions multiples (dont celles de Michel Vovelle, «Lénine jacobin», Georges Labica, «Ilitch 2004», Luciano Canfora, «Les dilemmes moraux de Lénine»). La revue Commune – fondées par des courants oppositionnels du PCF considérés comme «nostalgiques» du défunt «camp socialiste» – ouvre ses colonnes à Michael Löwy («Lénine contre Staline, la question nationale»). Autre approche hétérodoxe: Michel Paraire réhabilite l’Opposition ouvrière du Parti bolchévik en 1920-1921, avec un texte intitulé «Kollontai et la gauche de Lénine».

Enfin, pour comprendre le contexte de la révolution russe et de la guerre civile durant les années 1918-1921, on ne saurait omettre l’ouvrage indispensable et incontournable de Victor Serge, L’an I de la révolution russe (Paris: Ed. La Découverte, 1997), avec une préface de l’ancien dirigeant du POUM espagnol, Willebaldo Solano.

Hans-Peter RENK