1,15 million de femmes en colère devant la Maison Blanche
1,15 million de femmes en colère devant la Maison Blanche
Le 25 avril dernier, 1,15 million de femmes se sont rassemblées sur le National Mall de Washington, devant la Maison Blanche et le Capitole, pour sopposer à la politique réactionnaire de Bush sur les questions relatives à lavortement. Lampleur de cette mobilisation lune des plus massives de lhistoire états-unienne montre leffervescence croissante de lopposition à lactuel président des Etats-Unis, contre sa politique internationale impérialiste, mais aussi contre sa politique intérieure liberticide et ultraconservatrice.
Les «marches pour le droit de choisir» ont régulièrement mobilisé de nombreuses militantes, mais jamais une telle affluence navait été atteinte. En 1992, la plus massive de ces marches navait réuni «que» 750000 personnes. Comme lexplique simplement Gloria Feldt, une des organisatrices de lévènement: «Il y a un temps pour manifester et ce temps est venu. Le droit des femmes au libre choix est menacé.»
Attaque frontale contre le droit à lavortement
Cest en 1973 qua été reconnu par la Cour suprême des Etats-Unis (décret Roe vs Wade) le droit à lavortement. Deux lois remettant en cause ce droit ont été récemment promulguées, à linitiative directe du Président qui na jamais caché sa sympathie pour les milieux opposés aux IVG. Le 5 novembre 2003, George Bush signait la législation interdisant de fait lavortement tardif, alors même que Richard Kopf, juge fédéral du Nebraska, sétait publiquement interrogé sur la constitutionnalité de ce texte. Selon le Président, il sagit de réinstaurer en Amérique «une culture de vie» en «défendant lenfant innocent» «victime» depuis de nombreuses années dune «terrible forme de violence»
Pour célébrer ce durcissement de la politique US sur la question de lavortement, une cérémonie réunissant 400 parlementaires et opposants aux IVG a été organisée dans une bâtiment fédéral portant opportunément le nom dun certain Ronald Reagan, connu lui aussi pour ses accointances avec les milieux chrétiens réactionnaires militant violemment contre lavortement. Dans les faits, la loi signée par Bush il y a six mois interdit toute procédure dIVG effectuée au deuxième ou troisième trimestre de grossesse et ne prévoit aucune exception si la santé de la mère est en danger.
Le second texte, qui a été voté le 25 mars dernier par le Sénat (un mois après la Chambre des Représentants), reconnaît au ftus une personnalité juridique propre, distincte de celle de la mère, en cas de violence commise sur celle-ci. Ainsi, les conservateurs et la droite religieuse, qui militent depuis des années pour la reconnaissance de la personnalité juridique du ftus, viennent dobtenir gain de cause. Malgré le fait que la loi soit, pour linstant, restreinte dans son application, les milieux de défense du droit à lavortement dénoncent linstauration dun principe légal particulièrement dangereux, remettant en cause le droit fondamental des femmes à disposer de leur corps. En poussant un peu plus loin ce principe on peut imaginer voir des praticien-ne-s et des femmes ayant eu recours à une interruption volontaire de grossesse, condamnés dans certains Etats à la peine capitale pour homicide volontaire
Enfin, il faut aussi rappeler que la politique anti-IVG de Bush sest également traduite par une suppression des fonds fédéraux alloués aux agences de planning familial évoquant lavortement avec leurs patientes.
La colère gronde
Face à cette politique nauséabonde, les 1400 organisations présentes à Washington le 25 avril dernier ont donné un sérieux avertissement au Président, déjà affaibli par les scandales à répétition de sa politique irakienne. Les nombreuses jeunes femmes présentes, notamment des féministes du collectif Radical Women clamant des slogans tels que: «Retirez vos rosaires de nos ovaires», sont un signe réjouissant de la vitalité et du renouvellement du mouvement féministe états-unien. Par ailleurs, de nombreuses personnalités étaient présentes, dont Hillary Clinton, vantant les mérites des démocrates en général, et du candidat à la présidence John Kerry en particulier, sur la question de lavortement Cest oublier un peu vite linaction de Bill Clinton sur ce dossier et surtout le fait quen mars dernier, 47 élus démocrates ont voté avec les républicains en faveur de la reconnaissance du statut juridique propre du ftus
Parmi les nombreux artistes présents, lactrice Whoopi Goldberg sest exprimée face à la foule, un cintre en fer à la main, dénonçant le risque den revenir à des pratiques barbares par une politique tendant de plus en plus à criminaliser lavortement. La chanteuse folk Ani DiFranco a donné un concert sur le National Mall de Washington. Connue pour son engagement féministe et émancipateur, elle sest toujours particulièrement mobilisée sur la question de lavortement. Une de ses chansons est dailleurs devenue un hymne des mouvements de défense de lIVG. «Hello Birmingham», sur lalbum To the Teeth, évoque la sombre affaire du Dr. Barnett Slepian, obstétricien assassiné en 1998 à Buffalo, NY, ville où vit la chanteuse. Ayant elle-même subi une interruption volontaire de grossesse à 18 ans, Ani DiFranco dénonce la haine et la violence irrationnelles de la droite chrétienne, qui rajoute une crainte et une pression terribles à un moment déjà particulièrement douloureux à vivre pour les femmes.
Dautres artistes, comme Indigo Girls et Moby, se sont joints à ce mouvement civique exemplaire qui doit nous inciter à rester constamment attentifs aux les questions liées au droit à lavortement, à lheure où, en Europe aussi et particulièrement en France, il est attaqué.
Erik GROBET