Travailleuses sans statut légal et travail domestique

Travailleuses sans statut légal et travail domestique

Un appel signé à ce jour par une trentaine d’organisations et associations très diverses (associations féminines et féministes, syndicats, associations actives dans le développement, partis politiques, etc.) a été rendu public le 28 avril. Il prend position sur deux questions importantes et rarement mises en évidence ensemble, puisqu’il se prononce pour le partage du travail domestique entre hommes et femmes et pour la régularisation collective des personnes sans statut légal.

Le collectif du 14 juin qui a été créé en automne 1990 pour organiser la grève des femmes du 14 juin 1991 dans le canton de Genève, coordonne depuis les actions féministes. En mars 2003, il a choisi comme thème principal pour la Journée Internationale des femmes «femmes d’ici, femmes d’ailleurs, même sol – mêmes droits». A l’issue de cette mobilisation, le Collectif 14 juin s’est réuni régulièrement avec le groupe femmes du Collectif des travailleuses et travailleurs sans statut légal. Ces discussions ont montré les liens entre la situation des femmes du monde dit développé et celles des pays moins riches. Le développement actuel du néolibéralisme d’une part, et, d’autre part, le système patriarcal qui perdure partout dans le monde, pèsent lourdement sur les vies des femmes du Nord et du Sud.

Le texte de l’appel est le fruit des nombreuses séances de travail qui ont eu lieu depuis le 8 mars 2003. Nous en publions un large extrait ci-dessous mais le texte intégral peut être obtenu en s’adressant au Collectif 14 juin (6, Terreaux-du-Temple 1201 Genève). Les organisations qui souhaitent ajouter leur signature à celles déjà récoltées seront les bienvenues car cette action est loin d’être terminée.

Les constats

Traditionnellement, le travail de reproduction a été dévolu aux femmes (éducation et soins aux enfants, ménage, soins aux malades et aux personnes âgées, etc.).

Le niveau de formation et le taux d’activité professionnelle des femmes se sont fortement accrus ces dernières années. Les femmes souhaitent avoir une vie active en dehors de leur foyer et bénéficier d’une véritable indépendance économique.

Le nombre important de familles monoparentales et de personnes isolées a créé de nouveaux besoins qui ne sont pas comblés par les services publics.

On observe une forte augmentation de personnes très âgées requérant des soins lourds et une présence constante. Toutefois, le nombre de places en EMS est insuffisant et les services d’aide et de soins à domicile ne couvrent pas l’intégralité des besoins.

Le nombre de places dans une institution de la petite enfance ou une famille d’accueil est notoirement insuffisant, alors que l’insertion professionnelle des femmes se maintient lorsqu’elles ont des enfants en bas âge…

Les femmes se sont battues pour le développement d’un Etat social qui assure une partie des tâches que les femmes accomplissaient hier bénévolement (par exemple : prise en charge des enfants d’âge pré-scolaire, des personnes âgées ou malades, etc). Les coupes dans le budget des collectivités publiques menacent de nombreuses prestations sociales et mettent en péril la survie des infrastructures qui ne répondent déjà que partiellement aux besoins de la population.

Les emplois dans le secteur de l’économie domestique comblent une partie des besoins sociaux de la population qui ne sont actuellement pas assurés autrement (gardes d’enfants à domicile, soins aux personnes âgées ou dépendantes, ménage, repas, etc.).

Au niveau mondial, la globalisation de l’économie et les politiques économiques néo-libérales entraînent un accroissement du fossé entre pays riches et pays pauvres. Il en résulte une augmentation des flux migratoires. Les femmes des pays pauvres,… sont de plus en plus nombreuses à émigrer à la recherche d’un travail et de meilleures conditions de vie.

Le travail dans le secteur de l’économie domestique est en grande partie assuré par des personnes sans statut légal, dont plus de 90% sont des femmes en provenance d’Asie, d’Amérique latine, du Maghreb ou d’Afrique.

La législation suisse n’autorise pas la prise d’emploi de personnel non qualifié en provenance des pays hors de l’Union européenne. Cette impossibilité touche tout particulièrement le secteur de l’économie domestique. Elle crée ainsi un secteur de l’ombre et rejette dans la clandestinité des dizaines de milliers de personnes, dont une majorité de femmes.

La clandestinité aggrave encore cette situation, en favorisant l’exploitation et la discrimination de ces femmes (isolement, salaire indécent, absence de couverture sociale et d’accès aux soins médicaux, chantage à la dénonciation, violence, harcèlement sexuel et viol, logement dans la promiscuité, peur de faire valoir ses droits devant les tribunaux, insécurité permanente liée à la peur d’être expulsées, etc.).

Les objectifs poursuivis

  • Régularisation collective des personnes sans statut légal, par l’octroi de permis de séjour et de travail, car leur activité répond à des besoins sociaux non satisfaits;
  • D’ici là, arrêt immédiat des expulsions des personnes sans statut légal travaillant en Suisse;
  • Garantie de l’accès aux soins médicaux pour ces personnes, et levée des obstacles à la formation professionnelle (apprentissage) pour leurs enfants mineurs résidant en Suisse;
  • Refus catégorique du projet de nouvelle Loi fédérale (LEtr) sur les étrangers, et modification de la législation suisse actuelle en matière d’immigration;
  • Octroi de permis de travail pour la main d’œuvre immigrée dans le secteur de l’économie domestique;
  • Réglementation du secteur de l’économie domestique dans le but d’y faire régner des conditions de travail dignes et respectueuses des personnes;
  • Adaptation des infrastructures publiques aux besoins sociaux, car elles sont insuffisantes et ne garantissent pas les conditions d’un réel droit au travail pour les femmes;
  • Création des conditions permettant un partage équitable des tâches éducatives, ménagères et de soins entre femmes et hommes (harmonisation des horaires scolaires et professionnels, la réduction de la durée hebdomadaire de travail, et une hausse significative des bas salaires) , afin de faire en sorte que chacun et chacune puisse disposer de temps à consacrer aux tâches de reproduction et de soins aux personnes proches.

Marina DECARRO