Pour faire mieux, amplifier les mobilisations

Budget cantonal 2001


Pour faire mieux, amplifier les mobilisations


Nous publions ici l’intervention générale pour l’ADG de notre camarade Bernard Clerc lors du budget 2001 au Grand Conseil genevois.


Après plus de 10 ans de budgets déficitaires, voici enfin venu le temps d’un budget légèrement bénéficiaire. Ce fait, à lui seul, indique bien la profondeur de la crise que notre canton a traversé et qui laisse encore aujourd’hui de nombreuses séquelles dont souffrent de larges couches de la population. En effet, la reprise de la croissance depuis trois ans ne doit pas nous faire oublier les 13 500 demandeurs d’emploi, dont 8 500 chômeurs, et les 10 000 personnes assistées qui regardent passer le train de la reprise en se demandant bien quand, enfin, ils pourront y monter. Car pour l’ADG, la croissance ne se mesure pas à l’aune des indices boursiers et des taux de progression du P.I.B., mais à celle de la capacité des individus à vivre de manière autonome, dans la dignité et la liberté. Or il faut bien constater que le développement de la société à deux vitesses se poursuit malgré et en dépit de la reprise économique. Pour de nombreux habitants de ce canton, la croissance c’est pour les autres et la liberté c’est celle du capital de générer du profit. Pour celles et ceux «d’en bas» c’est toujours l’angoisse du lendemain, les fins de mois difficiles et parfois la perte d’identité.


Hypocrisie de la droite


La droite de ce parlement refuse le budget qui nous est présenté aux motifs essentiels que l’endettement est trop élevé et que 400 postes seront créés l’an prochain. Il est piquant de constater que ceux-là même qui ont porté l’endettement à plus de 9 milliards, en gouvernant seuls pendant quatre ans et majoritairement le reste du temps, se lamentent sur l’endettement du canton, alors qu’ils sont parvenus à ce brillant résultat en supprimant plus de 1 500 postes dans le secteur public, en remettant en cause des prestations sociales et les salaires des employés de la fonction publique, lesquels ont perdu près de 13% de leur pouvoir d’achat depuis 1991. Le rapporteur de minorité à un sens aigu de la comparaison puisqu’il va même jusqu’à confronter la dette genevoise avec celle de l’Etat bulgare! Il ne lui est pas venu à l’idée de comparer les conditions de vie lamentables dans lesquelles se trouve la majorité de la population de ce pays avec celles que connaissent les habitants de notre canton.


Aujourd’hui la droite hurle aux loups en matière d’endettement, elle qui n’a pas hésité à couper dans les recettes de l’Etat par les dysfonctionnements qu’elle a tolérés à l’administration fiscale et qui nous ont valu la perte de centaines de millions de francs. Mais cela n’a pas suffit, en proposant une baisse des impôts de 12% et la suppression du droit des pauvres, l’Entente est parvenue à supprimer 320 millions de recettes par an. Cela ne la satisfait d’ailleurs pas puisque d’autres projets sont agendés en matière de droits de succession et d’impôts sur les personnes morales pour un montant d’environ 70 millions. Dès lors, l’ADG ne peut accepter les larmes de crocodile de la droite en matière d’endettement. Contrai-rement au Conseil d’Etat, nous ne croyons pas qu’il sera possible de réduire la dette de 500 millions en 2001.


Répondre aux besoins sociaux


Ce qui est sûr, par contre, c’est que nous y serions largement parvenus si les baisses d’impôts n’étaient pas intervenues. Mesdames et Messieurs les députés de l’Entente, vos critiques sur l’endettement ne sont pas seulement malvenues, elle sont tout simplement indécentes. Ce que vous ne supportez pas c’est que l’Alternative, sous la pression de l’endettement que vous avez créé, se refuse à mener une politique d’austérité et de réduction du rôle de l’Etat qui est votre unique objectif.


C’est dans ce sens d’ailleurs que vous critiquez la création de 400 postes de travail attribués pour l’essentiel à des secteurs prioritaires comme l’enseignement, les E.M.S., l’aide à domicile et les hôpitaux. Nous prenons note que pour vous, la création d’emplois est un scandale. Nous vous suggérons de le dire à celles et ceux qui aujourd’hui encore se trouvent sans emploi. Nous prenons note que pour vous, maintenir la qualité de l’enseignement est une aberration. Nous prenons note enfin que pour vous, l’accompagnement des personnes âgées à domicile ou en E.M.S. ne mérite pas les moyens nécessaires au maintien des prestations. En ce qui concerne l’ADG, nous sommes fiers d’avoir contribué à répondre, partiellement d’ailleurs, à ces besoins. Nous ne souffrons d’aucun complexe de culpabilité lorsqu’il s’agit de satisfaire les besoins sociaux non marchands qui se manifestent. Pour nous, le sort d’une nonagénaire en chaise roulante dans un E.M.S. passe avant le niveau d’endettement et les inquiétudes des investisseurs sur la part du secteur public au regard du P.I.B.


Les moyens existent


A l’heure où le magazine «Bilan» nous apprend que les 300 personnes les plus riches de Suisse ont une fortune cumulée de 420 milliards, montant largement supérieur à toute la richesse produite dans notre pays en une année, n’attendez pas de nous que nous considérions le niveau des dépenses de notre canton comme exagéré. Lorsque nous constatons que ces «super-riches» ont vu leur fortune progresser de 46 milliards en un an, nous pensons qu’il y a largement de quoi financer les dépenses publiques. Lorsque nous nous apercevons que les 47 «super-riches» genevois ont une fortune de 53 milliards, on se demande bien pourquoi le total de la fortune imposable dans notre canton n’atteint que 42 milliards. A l’heure où la Confédération vient, une nouvelle fois, de faire des cadeaux fiscaux par la suppression du droit de timbre et où nombre de cantons et de communes baissent leurs impôts, nous n’avons aucune raison de ne pas tenter de répondre aux besoins de la population.


C’est pourquoi les députés de l’ADG voteront ce budget. Nous sommes conscients qu’il n’est pas totalement satisfaisant du point de vue des multiples demandes émanant des habitantes et des habitants de ce canton. Mais nous savons aussi qu’un budget est le reflet des rapports sociaux existants dans la société. Nous disons donc aux citoyennes et aux citoyens de Genève que la satisfaction des besoins collectifs passe par la mobilisation des principaux intéressés et qu’ils doivent tourner le dos à la mode actuelle de la baisse des impôts, qui, d’une manière ou d’une autre, se retourne, à terme, contre les intérêts de la majorité de la population.