Bombardier licencie, quelle réponse syndicale?

Bombardier licencie, quelle réponse syndicale?

Au cours des derniers douze mois seulement, ce sont 5700 places de travail qui ont été rayées de la carte dans le Nord ouest de la Suisse, écrit la BaslerZeitung du 18 mars qui ne s’en était pas alarmée jusqu’ici. L’annonce de la fermeture de l’usine Bombardier à Pratteln, avec 520 salarié-e-s laissés sur le carreau, fait parte de ces licenciements de masse
destinés à l’amélioration des taux de profits. Les syndicats manquent de perspective et sont paralysés…

L’EuroAéroport de Bâle-Mulhouse licencie, l’UBS ferme des services entiers, la fabrique de papier ELCO à Alschwil, la Johnson Container, Intercontainer-Interfrigo, le trust chimique néerlandais DSM ou des secteurs spécialisés de CIBA jettent des centaines de femmes et d’hommes à la rue. L’annonce de la fermeture de Bombardier à Pratteln est le cas le plus récent de ce type. Comme conséquence de cette vague de licenciements, ce sont des milliers de salariées et de salariés de la région qui vont s’annoncer aux bureaux de chômage et qui doivent encaisser de lourdes pertes de revenus.

Des négociations secrètes

Les syndicats semblent avoir accepté ces licenciements comme «contraintes du marché» et ne laissent voter par le personnel que des résolutions de protestation inoffensives, sans développer de résistances directes afin d’empêcher les licenciements.

Effrayante et en même temps significative, est par exemple la réaction de la FTMH à la fermeture de Bombardier à Pratteln. Quand en novembre 1999, Adtranz, propriétaire jusqu’à lors de l’usine en question annonça sa fermeture, les travailleurs-euses concernés et leurs soutiens sont descendus dans la rue, à Pratteln, Liestal et Berne… Aujourd’hui par contre, la FTMH menait des négociations secrètes sur le déroulement des licenciements, un mois déjà avant la communication publique officielle de la décision de fermeture. Après celle-ci, plutôt que de mobiliser les travailleurs-euses concernés contre la fermeture de leur usine, elle ne fût que déplorée et les licenciements acceptés comme inéluctables. La défense de «places de travail suisses» et l’appel en faveur du «Standort Nordwestschweiz» ne s’était en 1999 déjà, pas traduite par un réel succès et l’usine n’a pu être enfin sauvée que par sa reprise par le groupe canadien Bombardier.

Pourtant, à cette époque il était déjà prévisible que le recul lié au démontage des transports publics et à la vague massive de privatisations des entreprises publiques de transports dans l’espace de l’Union Européenne (Directive de l’UE 91/440) feraient baisser massivement le volume des commandes et les prix des véhicules ferroviaires.

Qu’une question de temps…

C’est pourquoi ce n’était qu’une question de temps, jusqu’à ce que le groupe Bombardier, selon une logique d’entreprise capitaliste, réagisse par des restructurations, des externalisations et des licenciements pour faire supporter les conséquences de cette crise à ses employé-e-s.

Ce qui est nouveau, par contre, c’est le degré auquel l’idéologie néolibérale a, ces dernières années, étendu son emprise sur les gouvernements et les partis sociaux-démocrates. Si en 1999 les représentants des autorités locales faisaient encore des promesses (sans suites) pour le sauvetage des places de travail à Pratteln, on n’entend aujourd’hui de leur part que regrets navrés. Les représentants du PS, qui avec leur conseiller fédéral Leuenberger et le patron des CFF Weibel, sont aux leviers de commande de la politique ferroviaire helvétique, trouvent comme leurs collègues bourgeois, que c’est le marché qui réglera tout ça et qu’en conséquence il faut bien que des gens soient mis à la rue.

Le syndicat FTMH a pourtant eu trois ans, depuis l’annonce de la fermeture de ce qui était l’usine Adtranz à Pratteln, pour élaborer avec les employé-e-s des autres filiales du groupe Bombardier en Europe, une stratégie commune pour la défense des places de travail. En Allemagne par exemple, les travailleurs-euses, avec le syndicat IG-Metal, ont mené une grève couronnée de succès contre les licenciements à Amersdorf. Aujourd’hui cependant, la transnationale Bombardier peut licencier 6600 personnes en Grande-Bretagne, en Allemagne, en Suède et en Suisse… sans faire face à aucune action commune contre ses plans de restructuration à l’échelle mondiale.

En conséquence de ce manque de travail commun sur le plan international et des œillères de la défense des avantages concurrentiels de la «place» économique helvétique, il manque au syndicats toute perspective d’alternative radicale au diktats du marché qui exige – comme les actionnaires – des entreprises «amaigries» et génératrices de plus de profits.

Quelles réponses apporter?

Le 9 juin 2001, 25000 syndicalistes de gauche manifestaient à Paris, avec comme mot d’ordre central l’interdiction des licenciements, ceci afin de s’opposer aux licenciements massifs chez Danone et Marks & Spencer. Leurs exigences, simultanément à une résistance combative dans les entreprises étaient une réduction drastique du temps de travail (semaine de 30 heures), et une revendication tournée vers l’avenir d’une nouvelle répartition du travail socialement nécessaire. Un concept proposé dans ce sens: la création d’un fonds, alimenté par les entreprises faisant des bénéfices, avec comme but de conserver des places de travail socialement utiles, par exemple dans les transports ferroviaires. A contre-courant des visées néolibérales de privatisation il y a une nécessité urgente, pour des raisons écologiques, de développer les transports publics et collectifs. Les employé-e-s dont les places de travail ne devraient pas être conservées – du point de vue de l’utilité sociale de leur activité – dans des secteurs comme le nucléaire, l’armement, le transport aérien, recevraient par ce fonds une garantie du payement de leurs salaires et une formation pour leur reconversion dans d’autres domaines d’activité.

A la place de la mondialisation sans issue d’une logique de concurrence de «places» économiques concurrentielles, il y a de nombreuses perspectives alternatives prometteuses d’avenir pour notre résistance. Des revenus assurés et du travail pour tous et toutes sont des droits qui ne doivent pas êre sacrifiés sur l’autel du marché capitaliste!

Urs DIETHELM