Paroles de femmes

Marche mondiale – New York


Paroles de femmes


Le 17 octobre 2000, six femmes vivant en pays de conflit s’adressaient à New York aux représentantes des délégations nationales à l’ONU. Nous reproduisons les interventions de ces femmes témoignant de la réalité de leurs pays, l’Afghanistan, la Palestine, le Kurdistan, le Rwanda, l’ex-Yougoslavie et la Colombie. Un des moments les plus émouvants de la Marche.


Mathilde Kayitesi – Rwanda


Je suis Mathilde Kayitesi et je parle avec l’expérience très douloureuse du Rwanda et de la région des Grands Lacs, de l’incapacité de la communauté internationale de gérer des conflits qui a conduit au crime le plus ignoble de l’humanité,le génocide.(…)


Nous ne représentons aucun pays, ni tendance politique ou religieuse. Nos témoignages et revendications sont au nom de toutes les femmes qui vivent la guerre. Je voudrais me référer à plusieurs pays africains qui, tout comme d’autres pays du monde, souffrent en ce moment des impacts de la guerre. Des pays comme l’Angola, le Burundi, le Sierra Leone, la République démocratique du Congo, le Liberia, le Soudan, l’Ethiopie, et l’Erythrée.


Je tiens à souligner l’importance cruciale de l’application immédiate des résolutions du Conseil de Sécurité, spécifiquement celles dénonçant le commerce illégal d’armes et de diamants. L’exploitation continue de nos peuples et de nos ressources naturelles au profit des multinationales des pays riches est renforcée par l’utilisation immorale mais légalement permise d’armes et de la violence.


Nous conjurons tous les pays membres de respecter leurs engagements de la Charte des Nations Unies, de la Déclaration Universelle des Droits de la Personne, des nombreuses résolutions des assemblées des Nations Unies des décennies passées.


Mayada Abasssi – Palestine


Je parle en tant que femme palestinienne dont le peuple subit aujourd’hui, comme depuis 52 ans, des violations de droits et une répression extrêmes.
Il faut mettre un terme immédiat au sang versé en Palestine par le gouvernement et l’armée israéliens. En deux semaines, 102 Palestinien-ne-s, y compris 20 enfants, ont été tués et plus de 3000 personnes ont été blessées, parmi lesquelles des dizaines d’enfants rendus aveugles.


L’armée israélienne utilise un armement sophistiqué, notamment des blindés et des missiles lancés par hélicoptère, contre la population civile. Des colons armés attaquent les villages et terrorisent leurs habitant-e-s.


Nous sommes indignés par un soi-disant processus de paix qui ne prend pas en compte les droits fondamentaux des Palestinien-ne-s et qui continue à renforcer l’occupant dans sa confiscation de nos terres pour édifier des colonies de peuplement supplémentaires, dans la destruction de nos maisons, l’emprisonnement de nos fils et maris, et la mainmise sur nos lieux sacrés.
Nous exigeons que l’ONU utilise tous les moyens à sa disposition pour contraindre Israël au respect du droit international et de ses résolutions concernant le peuple palestinien, comme vous le faites pour d’autres Etats, mettant ainsi fin à l’impunité totale avec laquelle Israël viole les droits humains légitimes de mon peuple. Votre politique de deux poids – deux mesures, doit cesser. Nous exigeons que la communauté internationale assure la protection du peuple palestinien.


L’occupant doit se retirer des territoires palestiniens occupés depuis 1967, y compris Jérusalem Est. Seule une paix juste permettra aux deux peuples, palestinien et israélien, ainsi qu’à tous les habitant-e-s du Moyen Orient de vivre et de prospérer.


Nazand Begikhani – Kurdistan


Je suis une femme kurde qui apporte le message de millions de femmes, privées de leurs droits humains de base, dans toutes les parties du Kurdistan, mais qui résistent et qui luttent pour un monde meilleur. Les femmes kurdes, comme toutes celles qui vivent de telles situations, sont sujettes simultanément à toutes les formes de discrimination: raciale, ethnique, religieuse, sociale, économique et de genre.


Elles font l’expérience au quotidien de toutes les formes de violence telles que le génocide, la destruction massive de villes et villages, l’emprisonnement, la déportation, l’assimilation forcée, les viols, au nom d’Etats-Nations qui gouvernent les différents parts du Kurdistan. Elles sont aussi sujettes à et ont à combattre la violence domestique: meurtres pour l’«honneur», mutilations, mariages précoces et forcés. Cette réalité est l’expression la virulente de la violence et des discriminations subies par les femmes de minorités différentes du monde entier.


Solidairement avec elles, nous demandons que l’ONU prenne les mesures suivantes, en impliquant activement les femmes:



  1. Agir immédiatement pour mettre fin à la guerre et à toutes formes de violence au Kurdistan.
  2. Assurer la justice, la démocratie, la paix et le respect des identités humaines, culturelles, linguistiques et politiques
  3. Exercer des pressions sur les Etats qui gouvernent les différentes parties du Kurdistan pour que ceux-ci:

    a. ratifient et mettent en pratique sans réserves les accords internationaux relatifs aux droits de la personne

    b. fournissent les ressources nécessaires pour re-construire, compenser et s’excuser pour les pertes infligées par la guerre

  4. Mettre en place des mécanismes permettant aux femmes de déposer plainte contre tout Etat qui viole conventions et protocoles internationaux.
  5. Exercer des pressions pour mettre sur pied des actions en faveur du développement des femmes et pour qu’une part du budget découlant de la résolution 987 de l’ONU aille à des programmes «femmes», en particulier en faveur des veuves d’Anfal et des familles déportées au Kurdistan irakien.

Fahima Vorgatts- Afghanistan


Les régimes extrémistes et les dictatures sont le terreau fertile où se renforcent mutuellement commerce d’armes et gros intérêts économiques. Nulle part ailleurs, ce mélange toxique n’est-il plus évident, avec ses effets dévastateurs contre les femmes, qu’en Afghanistan. Les femmes afghanes, comme celles de pays tels que la Birmanie, l’Algérie, le Soudan, l’Iran, sont privées de leurs droits humains.


En Afghanistan , il leur est interdit de rechercher l’assistance la plus élémentaire sur le plan de la santé, elles sont privées de possibilités éducatives, de liberté de mouvement et contraintes à vivre dans des conditions infrahumaines. Plus concrètement, elles sont battues ouvertement dans les rues, lapidées et brûlées à mort. Je suis ici comme voix de millions de femmes afghanes et d’autres à travers le monde qui sont abandonnées par les Nations Unies et ses Etats membres.


Nous exigeons:



  1. que toutes ventes ou transports d’armes en direction de l’Afghanistan et d’autres pays qui violent les droits humains les plus élémentaires de leurs citoyen-ne-s soient stoppées immédiatement;
  2. que les régimes illégaux et extrémistes comme celui des Talibans ne soient pas reconnus politiquement;
  3. que tous les auteurs de violations des droits humains soient mis en accusation devant le Tribunal Pénal International;
  4. que des mesures pratiques soient mis en œuvre immédiatement pour rétablir les femme dans leurs droits qui sont des droits humains.


Quiconque se proclame défenseur de la justice, de la paix, de l’égalité et du développement doit soutenir la lutte des femmes à travers le monde entier contre les extrémistes de toute espèce ou religion.


Erika Papp – Yougoslavie


Je représente toutes ces femmes de Serbie et de la Vojvodine qui ont courageusement mené à terme une campagne préélectorale des femmes en Yougoslavie. Je parle aussi au nom de toutes ces femmes dans le monde qui s’opposent à la répression et qui – avec un espoir et un engagement invincibles – travaillent à combattre la pauvreté. Notre campagne, en Serbie, a mobilisé un grand nombre de femmes et réalisé une contribution importante aux changements auxquels nous aspirons tant. Mais, après plus d’une décennie de guerres et de sanctions, les leçons sont claires et applicables à tous les pays dans des situations similaires. L’isolement d’un pays ne fait que renforcer les dictatures jusqu’auboutistes.


De tels régimes génèrent la peur, la haine, l’intolérance et débouchent sur des conflits multiples et complexes qui facilitent le profit des spéculateurs de guerre, le développement d’une économie de type mafieux et le trafic d’armes et de drogue à une grande échelle. Massacres de masse et génocides complètent souvent et de manière dramatique ce tableau.


Dans la plupart des cas la communauté internationale hésite, la structure du Conseil de Sécurité conduit à l’immobilisme et – si intervention internationale il y a – celle-ci risque de contribuer au règne des dictateurs. L’impunité de ces dictateurs ne doit pas être tolérée et, à cette fin, un système de justice doit être introduit avec un principe de réparation et pas seulement d’accusation.


A cette fin un vrai concept démocratique doit être réinventé, qui comprenne la vision féminine d’un ordre mondial de respect et de sécurité humains. Ce processus devrait comprendre des réformes vitales et la démocratisation du Conseil de sécurité, à commencer par l’élimination du droit de veto. Les groupes de femmes doivent être réellement impliqués en tant que partenaires dans ce travail.


Marta Buritica, Colombie


Les femmes de Colombie, les femmes du monde entier ne veulent plus faire d’enfants pour qu’ils partent à la guerre. Nous dénonçons la double morale qui implique les guerres dans nos pays, nous voulons dire tout haut la responsabilité des organismes internationaux, de la politique internationale, des Nations Unies et du Conseil de Sécurité.


La double morale fait partie du silence complice face à l’industrie de l’armement, une des plus rentables des pays industrialisés, un négoce global et productif, mais aussi immoral, légitimé par la société marchande. Ainsi, l’industrie de la mort voyage de pays en pays, générant conflits de religions, ethniques, pour la terre et politiques pour se nourrir d’eux. Ainsi, pendant que l’on parle de Droits Humains, la guerre s’intensifie, exacerbant les conflits. Face à cette réalité, l’aide humanitaire remplit son rôle en empêchant que les populations ne succombent totalement et en plaidant pour la paix. Le trafic illégal d’armes fait aussi partie du jeu, lié au narcotrafic, au trafic des femmes et des enfants pour le commerce du sexe. C’est pourquoi nous les femmes proposons de lutter pour la destruction de l’industrie de la mort, celle des armes et déclarons que nous ne voulons plus mettre au monde des enfants destiné à la guerre, de la vulgaire chair à cannons, que nos filles et nos fils ne veulent pas avoir des armes comme jouets, qu’ils veulent avoir à la place une flûte, un seau et une pelle ou un télescope pour que s’expriment leur créativité et leur imagination, pour rêver d’un monde meilleur, de conditions sur lesquelles nous pourrons imaginer et construire nos idéaux de partage dans la paix.




Une lecture indispensable


par Hélène Bregani*


Denise Fromaigeat et Gabriella Wennbust ont conçu et réalisé, sous l’égide de l’OCIRT à Genève, un ouvrage en tout point remarquable intitulé Souffrance psychologique au travail, Guide dans les méandres du harcèlement psychologique.


Aisé à lire, clair, bien documenté, bien présenté, cet ourage expose, explique et discute en une centaine de pages divisée en 7 chapitres ce que chaque travailleur et travailleuse ainsi que chaque chef-fe de service et chef-fe du personnel a intérêt à savoir: le harcèlement psychologique, c’est quoi? Ça se passe comment? Comment le dépister? Comment réagir? Que dit la loi?


A partir d’exemples propres à montrer à la fois la diversité et l’analogie des situations, les auteures nous donnent à voir et à comprendre qu’on peut être victime ou complice de harcèlement psychologique au travail sans le savoir et que le harcèlement psychologique, on en souffre insidieusement en silence, on en tombe malade, parfois, gravement , on peut en mourir. Il est donc impératif d’apprendre à le reconnaître, à le nommer et à le combattre. Pour ce faire, il faut bien évidemment mettre des mots sur cette souffrance individuelle qui signe non pas tant un problème d’ordre intime et privé, mais bien un désordre social qui engage la responsabilité de l’entreprise, qu’elle soit publique ou privée. Grâce aux auteures, Souffrance psychologique au travail, c’est chose faite et bien faite. On est gui- dé par elles dans les mé- andres du harcèlement psychologique au travail pour en sortir et s’en sortir.


* Féministe, membre du collectif du 14 juin.