Christian Ferrazino pour une mobilité alternative
Christian Ferrazino pour une mobilité alternative
Christian Ferrazino revient sur la polémique liée à son absence, en sa qualité de Maire de Genève, à linauguration du Salon de lautomobile. Entretien.
Tu as refusé de participer à linauguration du Salon de lauto, ce qui est tout à fait inhabituel pour un Maire de Genève. La députée libérale Janine Hagmann, relayée par la presse quotidienne, taccuse ainsi de «cracher dans la soupe». Comment expliques-tu ce geste symbolique fort?
En fait, cela revient à poser la question du rôle dun-e élu-e: doit-il se plier, sans autre alternative possible, aux usages en place, au seul motif que ces usages existent depuis longtemps? Doit-il sincliner devant le pouvoir de largent, le pouvoir économique devant dicter sa loi au pouvoir politique? En loccurrence, jai fait le choix de la cohérence considérant que le rôle dun homme ou dune femme politique est avant tout de défendre de manière convaincante et le plus clairement possible la politique pour laquelle il-elle a été élu-e. Cest dailleurs dans cet esprit que javais proposé à la Direction du Salon de lauto de my rendre à plusieurs reprises si un Forum sur la mobilité douce était organisé durant cette manifestation. La contradiction nétant apparemment pas de mise à cette grande messe de la voiture, jai donc décidé de ne pas my rendre. A noter que le gouvernement de la Ville de Genève, dans sa majorité, na pas souhaité parrainer cette manifestation. Doù un certain déchaînement de la droite genevoise. Il faut dire que celle-ci est toujours plus prompte à critiquer la politique engagée et volontariste de la majorité rose rouge verte, en matière de mobilité douce, quà formuler des solutions davenir permettant de conserver et daugmenter la qualité de vie à lintérieur de nos quartiers. Quant à Madame Hagmann, elle aurait été mieux inspirée de déverser son courroux sur le lien particulièrement choquant et révoltant qui est fait entre les femmes et les voitures!
Parallèlement à louverture du salon, tu tenais une conférence de presse pour annoncer la fermeture de certaines rues à la circulation automobile, ce qui a été perçu comme une provocation par les milieux pro-voiture. Peux-tu rappeler les principales étapes de ton action, depuis cinq ans que tu sièges au Conseil Administratif, en matière de promotion des transports publics, du vélo ou de la marche à pied en ville?
Depuis les années 60, notre ville a été façonnée par et pour le trafic automobile, qui na donc cessé daugmenter au fil des ans. Lhomo-automobilis a donc été incité (et lest encore aujourdhui!) à utiliser sa voiture pour la plupart de ses déplacements. Or, en milieu urbain, la voiture individuelle est un moyen de transport bien peu approprié pour faire de sa ville un lieu où il fait bon vivre. Mon action vise donc à aménager le domaine public en tenant mieux compte des besoins des différents usagers. Cela consiste à libérer de lespace pour les piétons ainsi que pour les transports publics (80 personnes peuvent être transportées par un bus, 120 personnes par un méga-bus, plus de 200 personnes par un tram!).
Cela consiste également à penser différemment lespace public, trop souvent appréhendé comme un simple lieu de passage. Ne devons-nous pas considérer nos quartiers aussi comme des espaces de communication, de rencontre? Et réaliser des aménagements en conséquence, afin de répondre aux revendications légitimes des habitants? Plusieurs aménagements récents de rues et de places dans les quartiers de Plainpalais, des Eaux-Vives, des Pâquis et de Sécheron illustrent cette volonté.
Lhebdomadaire dannonces tous ménages GHI mène une campagne systématique de dénigrement de ton activité, aussi grossière que malhonnête. Récemment, il sen prenait aux aménagements provisoires que tu mets en oeuvre pour réduire le trafic automobile en ville. Peux-tu expliquer comment ces aménagements ont été décidés et en quoi ils sinscrivent dans une perspective de participation citoyenne accrue?
Ce qui déplait fortement au GHI et à certains élus de droite, cest que tous mes projets daménagement, du plus petit au plus grand, sont régulièrement débattus en assemblée de quartier, afin de permettre la plus large participation citoyenne. Ces séances de concertation mamènent dailleurs souvent à réviser les projets proposés ou à en formuler de nouveaux. Comme jenregistrais parfois des craintes, alimentées par tel ou tel préjugé, je me suis dit que le mieux serait de permettre de tester, par une expérience grandeur nature, un aménagement différent, animé par un autre état desprit que celui qui avait présidé à laménagement actuel de ce lieu. Cest précisément lobjectif poursuivi par la démarche des aménagements éphémères. Le débat devient concret: on peu se faire une idée en fonction dune expérience réelle et des réponses peuvent être apportées tout au long du processus daménagement éphémère, ce qui permet un véritable débat entre voisins qui ne se connaissaient pas forcément au préalable. Petit à petit le spectateur se transforme en acteur…
Entretien réalisé par la rédaction