Violences conjugales. le jour nouveau se fait attendre

Violences conjugales. le jour nouveau se fait attendre

L’hymne vaudois proclame gaillardement «Vaudois! un nouveau jour se lève», affirme que les «droits de l’homme sont vainqueurs» et souhaite «que la voix d’un sexe charmant à nos guerriers le fasse entendre». Les violences conjugales contemporaines tendraient à prouver que la «voix d’un sexe charmant» n’a pas vraiment été entendue par «nos guerriers» domestiques.

Il y a quelque temps de cela, une enquête préparatoire réalisée pour le Bureau de l’égalité établissait la réalité des violences conjugales dans le canton de Vaud. Sans établir de statistique détaillée, elle attestait que, du juge d’instruction aux services de police en passant par les institutions d’accueil, le phénomène était bien présent1. Ainsi, en 1999, Le Foyer Malley-Prairie avait hébergé 214 femmes et 236 enfants, alors que durant la même période le Centre LAVI (Loi fédérale sur l’aide aux victimes d’infraction) traitait 130 situations de femmes victimes de violence conjugale. Un an plus tard, une enquête réalisée au service des urgences du CHUV faisait apparaître que 11,4% des patients admis dans ce service déclaraient avoir subi des violences. Un chiffre dix fois supérieur à celui des constats de coups et blessures. Dans ce cadre, 82,6% des violences domestiques concernaient des femmes.

Le rapport préparatoire ne proposait pas de passer à un niveau supérieur de relevé statistique. L’urgence devait concerner d’autres priorités, comme la formation du personnel en charge de la question, la coordination des efforts de prévention, etc. Cela d’autant plus que les enquêtes statistiques précises et fiables sont coûteuses en temps et en moyens. Ne serait-ce que pour prendre en compte et corriger des biais comme celui-ci: «Les populations avec un haut niveau socio-économique trouvent les ressources nécessaires à une prise en charge au sein du réseau des praticien-ne-s privé-e-s (avocat-e-s, médecins, psychothérapeutes) et échappent ainsi aux statistiques de routine des services. Par contre les populations a faible niveau socio-économique d’une part recourent aux services publics et d’autre part sont souvent déjà en contact, pour une autre raison avec un service social (aide sociale, SPJ, chômage, etc.). Cette situation explique la visibilité souvent accrue de la violence conjugale au sein des populations économiquement vulnérables, marginalisées ou migrantes. Les données les plus robustes montrent toutefois que la violence conjugale est présente dans toutes les catégories socio-économiques.» (p. 11).

La recherche dans le domaine n’est du reste pas très choyée. Une étude de l’Université de Fribourg évalue le coût de la violence conjugale à 133 millions par an pour le système de santé suisse. S’y ajoutent 187 millions pour la justice et la police et approximativement 72 millions pour les services sociaux. Foyers et centres spécialisés représentent 9 millions. A comparer aux 150000 misérables francs attribués alors à la recherche!2

Une situation qui devrait rapidement changer, puisque selon les déclarations officielles, d’ici à 2007, les actes de violences domestiques et sexuelle devront être un problème identifié. A cette date, leur fréquence devra être réduite de 25%3. Chiche, Monsieur Merz? A moins de vouloir mériter définitivement le sobriquet de Monsieur Schmerz…

Daniel SÜRI

  1. M.-Cl. Hofner et S. Siggen, Violence conjugale dans le canton de Vaud, Institut universitaire de médecine sociale et préventive, Unité de Prévention et Bureau de l’égalité entre femmes et hommes, Lausanne, février 2001, 47 pages.
  2. A. Godenzi, C. Yodanis, Erster Bericht zu den oekonomischen Kosten der Gewalt gegen Frauen, Université de Fribourg, 1998.
  3. N. Viens-Python, M.-Cl. Hofner, «La violence à l’égard des femmes: un problème qui concerne le praticien?», Médecine & Hygiène, 2457, 5 novembre 2003.