Luc Gilly a quitté le parlement, interview


Luc Gilly a quitté le parlement


En mars dernier, Luc a dû quitter le Grand-Conseil pour des raisons de santé. Il a également cessé temporairement son activité de secrétaire du Groupe pour une Suisse sans Armée (GSsA). Nous lui donnons ici la parole et lui souhaitons un prompt rétablissement.

Luc, toi qui a été une des chevilles ouvrières du GSsA depuis de nombreuses années, quel regard portes-tu sur le travail parlementaire d’un mouvement comme solidaritéS ?


Il y a des tas de gens qui font un super boulot, malheureusement, tout se passe souvent trop vite et le relais avec le monde associatif, qui est d’ailleurs un des aspects qui m’a attiré à solidaritéS, ne peut pas toujours se faire de façon optimale. Tout le monde sait que la politique, ce n’est pas juste le parlement, mais on manque de temps, on bosse beaucoup trop. Il faudrait que solidaritéS se donne les moyens de mener une activité politique extra-parlementaire beaucoup plus intense. Mais lors qu’il y a des assemblées, il y a peu de gens qui sont prêts à se mouiller, à s’engager. Ça finit trop souvent par revenir sur les députés qui n’ont pas le temps de tout faire. On parle de diminution du temps de travail, de bien-être, de loisirs… et on fait tout le contraire dans nos propres vies. Il existe des gens, comme Deccaro, Pagani ou Spagnoli qui mènent une lutte exemplaire sur le front syndical mais il en faudrait plus. solidaritéS doit se développer, doit grandir. On a connu un grand succès lors de la création du mouvement, on a vécu des belles élections, mais maintenant, il semble que le soufflé retombe un peu. Il faut réfléchir aux moyens à mettre en œuvre pour être attractifs politiquement pour de nouvelles personnes. Le journal, par exemple, est de très bon niveau, mais il n’est pas assez accessible pour beaucoup de gens. Il faudrait réfléchir, en parallèle au journal, à avoir, par exemple quatre tous-ménages propres de solidaritéS par années qui soient simples et percutants.


Justement, parlons de l’avenir de solidaritéS par rapport aux nouveaux mouvements sociaux ?


Je suis un peu pessimiste dans la situation actuelle, parce qu’on manque de gens et que le soutien de solidaritéS prend trop souvent la forme de discours et pas assez d’action. On devrait pouvoir faire plus, être toujours plus présent sur le terrain. Mais il faut qu’on se développe. Il faudrait déjà qu’il y ait qu’un seul front large à la gauche du PS. L’Alliance de Gauche a été une très bonne initiative, mais elle repose aujourd’hui sur quelques personnes, très compétentes, il faut en élargir la base. On peut critiquer le PdT sur bien des points, mais je pense que les accords sont bien plus nombreux que les désaccords. Et puis le PdT, bien qu’il ait encore le frein à main sur certaines questions du fait de son histoire, de son passé, n’a pas dérivé comme le PS par exemple, je les respecte pour ça, pour leur ténacité. Je n’ai pas de réponse toute faite, la question n’est pas simple, mais il me semble qu’en réunissant tout le monde dans un mouvement, on aurait beaucoup plus de force et on perdrait moins de temps dans toutes ces petites bagarres stériles et démoralisantes. Il y a beaucoup de gens qui soutiennent l’Alliance de Gauche, mais qui ne comprennent pas très bien ce qui se passe.


Que tires-tu de tes sept années de législatif ?


Le principal, c’est d’avoir acquis une meilleure connaissance du système politique suisse, ce qui est important pour nos actions politiques. Mais il faudrait absolument repenser le fonctionnement du parlement et des commissions, pour pouvoir bosser plus correctement et plus sérieusement. Il y a une grande discussion à mener. Pourquoi, par exemple, ne pas avoir une séance hebdomadaire durant la journée, comme cela se passe dans d’autres cantons, plutôt que d’avoir ces plénières qui n’en finissent jamais le soir? Politiquement, il faut aussi bien voir que sans l’Alliance de Gauche, le PS et les Verts auraient souvent été tentés à mener une politique beaucoup plus centriste. On a été la principale force de résistance durant les années du gouvernement monocolore de droite et, aujourd’hui encore, la présence au parlement d’une force de gauche qui soit réellement combative est très importante. La question n’est pas de dire que le PS genevois serait un parti de droite sans l’AdG, mais il semble évident qu’il aurait moins de courage.


Pour terminer, quel regard poses-tu sur l’avenir du GSsA, à l’heure ou certains pensent qu’il ne lui reste que quelques mois à vivre ?


C’est clair qu’on est dans une période difficile et que les campagnes sont de plus en plus lourdes, parce qu’elles reposent sur de moins en moins de personnes. Je suis un peu inquiet pour l’avenir après le vote sur nos initiatives fédérales, mais il faut absolument tout faire pour que persiste un mouvement pacifiste et antimilitariste en Suisse. Regarde la politique de Bush ou de l’OTAN, il est clair qu’on a encore de nombreuses luttes à mener, ce d’autant plus que l’antimilitarisme n’est pas assez présent dans les réflexions et les luttes contre la mondialisation. Il faut aussi qu’on repense nos moyens de luttes. Les initiatives ne sont pas forcément les seules voies dans lesquelles on doit s’engager. Il faut peut-être qu’on s’inspire de la créativité des nouveaux mouvements sociaux.



  • Propos recueillis par Erik Grobet