Les maçons contre la flexibilité, interview


Les maçons contre la flexibilité


Début mai, à Zurich, conférence professionnelle des travailleurs de la construction du Syndicat de l’industrie et du bâtiment (SIB). A l’ordre du jour, le cahier de revendications pour le renouvellement de la Convention collective nationale de travail du secteur principal de la construction. Significatif! les délégué-e-s ont refusé les compromis de la direction sur l’horaire de travail.


Depuis le dernier et difficile renouvellement, qui avait vu un conflit dur entre la gauche syndicale et la direction nationale du SIB, cette conférence a mis en lumière la présence de positions différentes notamment sur les thèmes de la flexibilisation et des horaires de travail. Ceux qui ont contesté les thèses de la direction syndicale, en partie favorable à la flexibilisation, sont les camarades organisés autour du «Manifeste SIB» depuis le dernier Congrès d’octobre 2000.1 Sur cette conférence professionnelle et plus largement sur les perspectives du renouvellement de la CCNT, nous nous sommes entretenus avec Pietro Carobio, syndicaliste de la section SIB du Nord vaudois et animateur du «manifeste SIB».


Quelle appréciation peut-on tirer de cette conférence professionnelle?


La discussion a été particulièrement bonne et une série de revendications n’ont pas provoqué de grandes divergences. A l’inverse, la question de l’horaire de travail a polarisé la discussion. Entre ceux qui veulent aller dans le sens d’accepter malgré tout les exigences de majoration de la flexibilité avancées par le patronat et ceux qui, au contraire, pensent qu’il faut donner un signal clair contre celle-ci et pour un retour à une organisation du temps de travail qui permette un contrôle.


Quel bilan a été fait des différentes formes de flexibilisation introduites ces dernières années?


Les heures variables ont dans les faits éliminés les heures supplémentaires. Mais pas dans le sens que l’on n’en fait pas. Simplement dans le sens qu’on ne les reconnaît et paie plus comme telles. La possibilité donnée aux employeurs de modifier les horaires selon leurs exigences (modifiable de jour en jour) conduit le travailleur à fortement augmenter la période pendant laquelle il se trouve à disposition de son patron (en restant sur le chantier en attendant la fin des intempéries). Et cette mise en disponibilité qui, selon nous, représente du temps de travail n’est pas reconnue comme telle. Tout ceci a engendré une perte totale de contrôle sur l’organisation du temps de travail. Le calcul apparaît toujours plus compliqué et impossible à vérifier.


Qu’avez-vous proposé et quelle discussion s’en est suivie?


Notre proposition est simple : nous demandons l’abolition des heures variables et l’introduction du principe d’un horaire maximum journalier de huit heures durant lequel le travailleur est à disposition de l’employeur. Cela peut sembler étrange, qu’à l’aube du troisième millénaire, nous en soyons encore à ce point, mais c’est la revendication la plus communément admise par les travailleurs. Ceux-ci veulent avoir à nouveau un cadre strict et précis à l’intérieur duquel doit s’inscrire l’horaire individuel. Et ils veulent obtenir que cet horaire ne varie pas d’un jour à l’autre selon les exigences de leur patron ou des variations météorologiques. La direction nationale a tenté de proposer deux modèles qui ménagent la chèvre et le chou.


D’un côté, en proposant une augmentation de la flexibilité en échange d’une meilleure définition de quelques règles, de l’autre en réécrivant les règles actuelles de façon un peu plus précises. Ces variantes se sont affrontées a une volonté de la majorité des délégués d’aller vers des règles plus précises, simples et vers l’abolition des heures variables. Ainsi, le principe des huit heures par jour a fait l’objet d’un accord des délégués. Il est significatif que sur ce point la direction ait été battue, bien qu’elle ait invoqué un parallélisme entre ces propositions et l’initiative de l’USS sur le temps de travail. En dépit de ce rappel, elle n’a pas réussi à emporter la majorité des délégués. Ceci devrait nous pousser à réfléchir sur l’avenir de cette initiative.


Qu’avez-vous décidé dans le cas des augmentations salariales au mérite pour l’année prochaine?


La revendication du SIB sera de 250 francs pour tous. D’après la consultation qui a été menée par le syndicat, il apparaît clairement que la majorité des travailleurs est favorable à l’augmentation générale des salaires et s’oppose au salaire au mérite. Nous espérons que cette position sera maintenue jusqu’à la fin des négociations. Ceci dépendra essentiellement de notre capacité de mobilisation.


Comment vois-tu la mobilisation pour le renouvellement de la CCNT?


La situation s’annonce difficile pour plusieurs raisons. Avant tout en raison de la volonté claire de la direction nationale de maintenir un profil bas, de chercher à éviter un quelconque affrontement contre le patronat et de trouver un accord dans la continuité avec le passé. Cette attitude, et c’est un deuxième aspect, est dictée par le fait que la direction nationale du SIB a désormais intégré la crise qui touche de façon incontestable de nombreuses sections du SIB et qui les rend incapables de promouvoir une mobilisation et une présence active parmi les travailleurs. Cependant, il vaut la peine de l’ajouter, ceci ne provient pas du fait que les soi-disantes conditions objectives ne le permettent pas. En effet, nous avons eu ces derniers mois beaucoup de signaux qui montrent que, même dans une situation considérée comme difficile, il est possible, si un certain travail syndical est réalisé de se mobiliser. Tout ceci ne doit pourtant pas nous décourager. Nous devons continuer à nous battre afin que le syndicat retrouve la voie de la mobilisation directe. Si le syndicat montre une volonté réelle de se battre et avance des revendications, qui correspondent aux besoins des travailleurs, il n’y a pas de doute qu’il rencontrera une forte mobilisation.



  1. solidaritéS N°111 du 4 juillet 2000

* Interview reprise du journal Solidarietà du 17 mai 2001. Notre traduction de l’italien.