Contre Blocher et le capital, électriser... la résistance!

Contre Blocher et le capital, électriser… la résistance!

Jo Lang rappelle à juste titre ci-contre le Livre blanc de De Pury comme «programme du Capital». Pourtant, son avis selon lequel les partisans de ce programme n’auraient remporté jusqu’ici qu’un «certain» succès et seraient confrontés à un bilan peu satisfaisant – dégrisant – est discutable.


En matière d’attaque aux services publics par exemple l’opération de démantèlement des PTT, de privatisation des télécoms, et de démontage du service postal a fonctionné, malgré la résistance de terrain de noyaux d’habitant-e-s contre la fermeture de telle ou telle poste. En matière d’énergie, si nous avons gagné une bataille contre la Loi sur le marché de l’électricité, le Conseil fédéral peut impunément annoncer un clone de cette loi néolibérale pour 2004 et s’appuie sur le Tribunal fédéral pour légitimer la marchandisation de ce bien vital. En matière de retraites ou d’assurance-maladie, l’âge de la retraite des femmes a été élevé, les rentiers et les assuré-e-s se font piller… L’assurance-maternité a été refusée en votation populaire. Les licenciements sont banalisés, le chômage croit. La loi sur le travail a été «assouplie»… La précarité explose. En matière de finances publiques, le «frein à l’endettement» a été plébiscité et les cadeaux aux plus riches se chiffrent en milliards… Les lois sur les étrangers et sur l’asile sont durcies dans un sens raciste…


Tout ceci est le fruit de la difficulté à enclencher une résistance syndicale et populaire à la hauteur. Bon nombre des victoires néolibérales ont été remportées parce que la résistance était minée de l’intérieur par des appels «à limiter les dégâts». Pratiquement toute la gauche et les verts ont par exemple au parlement voté la LME du social-libéral Leuenberger parce que la loi était présentée comme un moindre mal, par rapport à une libéralisation «sauvage».


Le poison de la division dans les rangs des travailleurs-euses par la xénophobie et le racisme distillé par les blochériens a indéniablement fonctionné. Ainsi, pour le Capital le dispositif d’un Conseil fédéral acquis au néolibéralisme – se parant à l’occasion de quelques oripeaux modernistes – et mis sous pression de l’extérieur par les ultralibéraux – néoconservateurs et xénophobes blochériens – a fort bien fonctionné.


Certes les éléments de résistance que met en valeur Jo Lang sont prometteurs, mais pas au point de faire de l’entrée de Blocher au Conseil fédéral un «recours» indispensable. Il faut relever au passage que l’impopularité de Couchepin et sa reconduction simultanée sans problèmes, avec les voix du PS, au gouvernement, sont plutôt un indice de faiblesse de l’opposition.


Certes, l’UDC est un parti bien plus dangereux que les radicaux ou le PDC du fait de sa capacité de mobilisation et de son audience populaires. Mais celles-ci n’auraient pas disparu – au contraire peut-être – avec un Blocher «arrêté» sur le seuil du Conseil fédéral. La «synergie» infernale que décrit Jo Lang, tournait à plein sans qu’il soit au gouvernement. La puissance de feu de Blocher et de ses troupes ne sera pas «offerte au Capital» à partir de son entrée au gouvernement, elle lui était acquise de longue date. Et un élément de la synergie perverse au service du Capital, qui lui permet d’accomplir son programme, est absent de la démonstration de Jo Lang, c’est le discours social-libéral, dont un Leuenberger par exemple est le chantre éloquent et qui reste une carte dans le jeu bourgeois.


Jo Lang a raison de relever le signal fort que représente l’inscription du secret bancaire, et ainsi du droit pour les riches de voler la collectivité, dans la Constitution, mais la décision du National à ce sujet à été prise sans que Blocher n’ait franchi la porte du Conseil fédéral. Au contraire – et ce fut triste à voir – le ralliement à la légitimité du secret bancaire à été un prix à payer par notre amie Micheline Calmy-Rey pour son entrée au gouvernement fédéral…


La logique de la position de Jo Lang est de se placer – pour sa démonstration – du point de vue des bourgeois qui jouent en effet aujourd’hui la carte Blocher-Merz. Et de penser qu’au parlement il était important de voter Metzler comme moindre mal, comme obstacle aux plans du Capital. Or comme instrument docile de celui-ci Madame Metzler était parfaite. Sa politique face aux immigré-e-s aurait été comme jusqu’ici, non seulement largement dictée par Blocher, mais a aurait eu encore le surcroît de «légitimité» de pouvoir se vendre comme un antidote à Blocher, plus «raisonnable» quand aux réponses aux «bonnes questions» que pose selon elle le populisme de droite.


Et comment appeler le PS à quitter le gouvernement et à rallier un front d’opposition si on a jugé important d’y envoyer une Ruth Metzler?


Quant à nous, nous avons préféré avoir une position claire et cohérente: pas une de nos voix pour un représentant des partis bourgeois! Position certes plus difficile à faire entendre qu’un ralliement à la politique du moindre mal. Mais un tel ralliement n’est-ce pas un doigt dans l’engrenage social-démocrate traditionnel, qui sape la crédibilité de toute perspective de résistance et dont le sommet a été atteint au lendemain de l’élection par la présidente du PSS qui expliquait dans Le Temps que son parti va «continuer à défendre des projets sociaux […] et nous verrons comment nous pourrons obtenir des majorités au Conseil fédéral»?


Pierre VANEK