Fonction publique: une asphyxie programmée

Fonction publique: une asphyxie programmée

Près de 10000 personnes sont descendues dans la rue à Lausanne le 27 novembre, malgré une pluie glaciale. Convoquée par les associations du personnel, la Fédération des sociétés de fonctionnaires (FSF), le Syndicat des Services Publics (SSP) et la Fédération SUD, la manifestation affirmait une forte détermination: le budget nouveau du Conseil d’Etat doit être clairement refusé: «le budgelet nouveau, on n’en veut pas! Il est acide, il est amer» clamaient les participants autour d’une grande bouteille estampillée «Broulis, mise en bourrique au Château».


A la fin de septembre dernier, le Conseil d’Etat a rendu public son projet de budget 2004, qui annonce un véritable plan d’austérité prévu dans le cadre d’une «planification financière» 2003-2007, qui envisage une série de coupes importantes dans les dépenses jusqu’en 2007. Le budget 2004 n’est que la première étape visant à diminuer de 236 millions le financement des prestations publiques! La «symétrie des sacrifices» évoquée par le gouvernement est révélatrice: 103,5 millions doivent être trouvés aux dépens du personnel et des prestations (87%), alors que les 13 % restants (16 millions) seraient obtenus par de nouvelles recettes fiscales.


Dans l’immédiat, c’est une attaque aux salaires, avec la suppression de l’indexation. C’est la liquidation de 100 postes par année pendant 3 ans dans l’administration, et des coupes budgétaires dans tous les départements.

«Le ciel pleure sur le social»

La journée a été marquée par une très forte mobilisation et de nombreuses grèves des salarié-e-s des institutions sociales subventionnées et des foyers. Précédée par une assemblée générale des travailleurs-ses du secteur social le 30 octobre dernier et préparée depuis de nombreuses semaines, cette journée traduisait l’indignation et la colère: en effet 16 millions d’économies supplémentaires dans le secteur social subventionné et la santé parapublique auront des conséquences désastreuses, qui pourraient ressurgir à long terme sous une forme d’autres coûts sociaux bien plus insidieuse. A cela vont s’ajouter les diminutions de subventions de la Confédération (OFAS), dont environ 2,6 millions pour l’enseignement spécialisé et 5 à 7 millions pour les institutions pour adultes. Pour un organisme comme l’Espérance à Etoy, par exemple, cela représente 10 à 15 postes en moins sur une effectif de 342 collaborateurs.


Les usagers-ères de ces institutions ne s’y sont pas trompés, puisqu’ils se sont rendus en nombre au bureau administratif de la Pontaise (BAP) avec les éducateurs-trices et les patients-tes et qu’ils ont signifié leur mécontentement face aux coupes budgétaires. Les portes du BAP sont restées fermées aux manifestants, symbole de la morgue des autorités vaudoises, mais les slogans ont tout de suite fusé: «Rochat, t’en fais pas, on reviendra».

Tous les secteurs sont touchés

Fermeture d’un foyer

Premier à passer à la trappe: le foyer pour enfants de Romainmôtier va être fermé. Ce foyer regroupe des enfants qui ont des difficultés d’intégration sociale. Il occupe 9 personnes (6 postes et demi) et bénéficie d’une subvention cantonale de 800000 francs par an. Actuellement sur 11 enfants, 6 sont placés par les Services du Tuteur Général; ces enfants sont en danger dans leur développement. Les disperser et les rattacher à d’autres structures aurait des effets totalement néfastes sur leur projet de vie. Actuellement une pétition est en cours pour s’opposer à cette fermeture. Cette coupe budgétaire comme d’autres dans ce secteur remet en cause un droit constitutionnel fondamental, celui d’obtenir de l’aide dans les situations de détresse (article 12 de la constitution fédérale)

(pi)

Au CHUV plus de deux cents employé-e-s, infirmier-e-s ont scandé leur colère. «Nous ne fonctionnons plus que comme des équilibristes» affirme l’une d’entre elles. Là aussi la qualité des soins est en danger.


Dans le secteur de l’enseignement, de nombreuses manifestations de protestation ont eu lieu dans les établissements, soit sous forme de grèves et de récréations prolongées, le port d’habits noirs, des banderoles sur les établissements, des lettres d’explications aux parents, etc.


Rompant avec leur image de chaussettes à clous, les gendarmes dénonçaient l’effet boule de neige que pouvaient avoir les restrictions prévues dans le social. Les gens abandonnés par le secteur socio-éducatif pourraient ne plus revenir à une vie normale, entraînant une augmentation de la délinquance et de la violence. La journée de mobilisation a aussi été marquée par des arrêts de travail ou des protestations dans l’administration et à la Bibliothèque cantonale universitaire. Enfin, à l’Université, une assemblée regroupant plus de 400 personnes a décidé de mesures d’action et le soutien à la manifestation.


Les employé-e-s de la Ville de Lausanne ont invité les salarié-e-s à porter toute la journée un autocollant qui dénonce les politiques d’austérité de nos gouvernements. Eux aussi sont confrontés à un paquet de mesures d’austérité, concocté par la Municipalité rose-verte, qui aggraveront encore les conditions de travail et de salaire et remettront en cause les prestations offertes à la population.

Un message sans équivoque

Chacun à sa manière a dénoncé la politique d’austérité du Conseil d’Etat et a refusé clairement les mesures d’économies prévues au budget 2004. Les salariés-e-s de ce canton ont, avec le soutien des usagers-ères, marqué leur attachement à un service public de qualité et à des prestations qui ne doivent pas être dévalorisées. C’est un nouveau pas dans la lutte contre l’austérité; le mouvement a mûri, les salarié-e-s ont fait la preuve qu’ils ne laisseront pas passer de telles attaques sans réagir. Réconfortant, vu les perspectives.


Pierrette ISELIN