Allpack à Reinach (BL): immigré(e)s en grève face à la droite

Allpack à Reinach (BL): immigré(e)s en grève face à la droite

Depuis le 25 novembre, les employé(e)s de l’entreprise Allpack AG sont entrés dans une grève illimitée. Ils n’acceptent pas la dégradation massive de leurs conditions de travail qui leur est proposée. Les représentant(e)s de l’UDC et du PRD au gouvernement cantonal tentent par tous les moyens de briser la grève et la résistance.


Le nouveau dirigeant de l’Allpack AG, Môssieu Scheitlin, qui a acheté l’entreprise en janvier 2003, a l’habitude de se rendre à l’usine en plastronnant dans l’une de ses nombreuses limousines de luxe, histoire de bien faire voir sa richesse à ses employé(e)s. En même temps, il n’a cessé de s’attaquer à leurs conditions de travail. Celui qui osait se défendre et protester était licencié à bref délai.

Patron ou négrier?

Les conditions de travail sont ainsi devenues bien plus pénibles qu’avant le rachat de l’entreprise. Sans consultation préalable, les salarié(e)s apprenaient au dernier moment qu’ils devaient faire des heures supplémentaires ou travailler le samedi, voire le dimanche. L’emballage d’un antibiotique pour bovins provoquait éruptions cutanées, inflammations oculaires, douleurs stomacales et nausées. Pour des raisons de coûts, l’entreprise avait renoncé aux mesures de protection prescrites contre ces poussières nocives, que l’on retrouvait aussi sur les bonbons Ricola, les chocolats Frey et le chewing gum antitabagique de Novartis, puisque l’entreprise ne respectait pas les prescriptions élémentaires en matière d’hygiène et de manipulation des médicaments.


La goutte qui fit déborder le vase, ce furent les nouvelles propositions de dégradation massive des conditions de travail que la direction présenta aux salarié(e)s, menace de licenciement à l’appui. Ces derniers devaient accepter la suppression du 13e salaire, une diminution d’une semaine des vacances, une augmentation d’une heure de l’horaire hebdomadaire (de 40 à 41 heures), une flexibilisation complète de l’horaire de travail, avec introduction de l’horaire annualisé, une réduction de 13 à 8 semaines du congé maternité et l’augmentation de 10% de la part de l’assurance perte de gain à leur charge. Celui qui n’avait pas signé ce nouveau contrat jusqu’au 25 novembre à 12 heures serait licencié. Le 25 novembre au matin, la majorité des travailleurs et travailleuses ont donc déclenché une grève illimitée. Les grévistes exigent que l’entreprise retire ses propositions et annule tous ses licenciements et qu’elle négocie une convention collective de travail avec le syndicat comedia.


Depuis le mardi 25 novembre, les femmes en grève (la grande majorité des grévistes sont des immigrées) et leurs collèges masculins bloquent efficacement l’accès à l’entreprise, avec le soutien de nombreux syndicalistes de comedia et d’autres organisations syndicales. Et selon ce qui deviendra bientôt une tradition, dans la région bâloise, après les grèves dans deux blanchisseries (Zentralwäscherei et Grosswächerei Aare), des centaines de militant(e)s de la gauche renforcent les piquets de grève. Ecolier(e)s, apprenti(e)s, syndicalistes retraité(e)s et militants politiques des différents partis de gauche prennent la relève à partir de 5 heures du matin, sous la pluie et dans le froid, devant la porte d’entrée de cette PME de la zone industrielle de Reinach et se réchauffent autour des feux de bois. Cette forme d’action permet aux forces actives de la gauche de discuter politiquement ou plus personnellement. La mobilisation publique fut suffisamment forte pour que le travail cesse en bonne partie dans l’Allpack.

La droite qui cogne

Le boss de l’entreprise ne pouvait cependant pas accepter ce blocage et mobilisa donc ses amis et sympathisants des partis bourgeois au gouvernement. Vendredi passé, il a fait venir l’inspectorat des denrées alimentaires. Lors de la visite de l’usine, à laquelle participa une délégation des grévistes, le patron, aux abois, chercha à démontrer que les médicaments et les autres produits se détérioreraient si le travail ne reprenait pas immédiatement, sans pourtant en apporter la preuve. Cela n’empêcha pas le chef du département cantonal de l’économie, un UDC, d’entendre cet appel au secours: une autorisation pour travail de nuit fut accordée en un seul jour, afin que ce pauvre patron puisse récupérer les pertes de production causées par la grève. Cette autorisation est toutefois actuellement bloquée, car le syndicat comedia a immédiatement déposé un recours suspensif. Ce moyen épuisé, la conseillère d’Etat radicale et cheffe de la police a alors envoyé ses troupes ce lundi 2 décembre. Elles se sont violemment frayées un passage à travers le piquet de grève, cognant sur quelques participant(e)s extérieurs à l’entreprise. Voir ainsi un gouvernement cantonal envoyer sa police avec le mandat explicite de mettre fin à une grève constitue une première helvétique.


Urs DIETHELM


Quand la police joue les brise-grève

Les images rappellent l’engagement de la police
britannique contre les mineurs en grève dans la
Grande-Bretagne durant les années 80. A cette
époque, le gouvernement Thatcher voulait mettre à
genoux leur syndicat, afin de faire passer sa législation
antisyndicale. Les mêmes scènes se sont
répétées lundi passé, lorsque 40 policiers en tenue
anti-émeute s’en sont pris à la résistance non-violente
des grévistes et de leurs sympathisant(e)s,
afin d’ouvrir une brèche pour les briseurs de grève.
Trois femmes blessées ont dû être amenées aux
urgences après l’intervention de la police. Pour
l’une d’entre elles, souffrant de problèmes de dos,
on ne sait pas encore si elle conservera des séquelles
de cette intervention, les grenadiers de la police
cantonale l’ayant, malgré sa mise en garde, brutalisée
dans cette région du corps. Trente-cinq personnes
ont été arrêtées par la police, qui a procédé aux
vérifications d’identité.

Malgré l’intervention de la police, les grévistes ont
décidé de poursuivre la grève et de continuer à bloquer
l’entreprise. A l’étonnement général, le matin
suivant, les forces de l’ordre n’étaient pas présente
et les piquets de grève purent à nouveau fonctionner.

Le gouvernement de Bâle-Campagne a justifié l’intervention
antigrève de la police. Pour lui, la grève
est certes un droit, mais le recours aux piquets de
grève pour bloquer une entreprise constitue une
atteinte à la sécurité. Il se réserve donc le droit d’intervenir
à nouveau.

Après les gros titres critiques de la presse et les
images accusatrices des grenadiers en action diffusées
par la télévision locale, il semble toutefois
faire provisoirement preuve de plus de retenue.
Une raison de plus de soutenir activement cette
grève.

(ud)