Une autre Europe est possible! Une autre gauche est nécessaire!

Une autre Europe est possible! Une autre gauche est nécessaire!

Les 10-11 novembre, solidaritéS participait à la septième Conférence de la Gauche anticapitaliste européenne (GA-CE) à Paris à la veille du Forum Social Européen. Les partis et mouvements suivants y ont adopté la déclaration dont nous publions de larges extraits (version intégrale sur www.solidarites.ch): Parti socialiste écossais (SSP, Écosse), Alliance Rouge-Verte (RGA, Danemark), Ligue communiste révolutionnaire (LCR, France), Bloc de gauche (BE, Portugal), Alliance socialiste (SA, Angleterre), Parti socialiste des travailleurs (SWP, Angleterre), Parti socialiste (SP, Angleterre), Parti socialiste (SP, Irlande), La Gauche/Dei Linke (Luxembourg), Espacio Alternativo (EA, Espagne), Zutik (Pays Basque), Gauche unie et alternative (EUiA, Catalogne), solidaritéS (Suisse), Parti de la liberté et de la solidarité (ÖDP, Turquie). Etaient en outre présents avec statut d’invités permanents, le DSP (Australie), Refondation communiste (Italie), Synapismos (Grèce) et, pour la première fois, le Parti communiste autrichien, comme aussi le regroupement des «Amis de la gauche anticapitaliste européenne» d’Allemagne.


Un échange a eu lieu sur la perspective à terme d’un «parti européen de la gauche anticapitaliste», démarche qui fera l’objet de nouveaux contacts entre organisations intéressées. L’unanimité s’est dégagée pour dire NON au projet de Constitution européenne néolibérale et antidémocratique, pour contribuer ensemble à la renaissance du mouvement social et syndical et pour lutter pour une autre Europe, des peuples, démocratique, sociale et pacifique. Contre les soutiens sociaux-démocrates ou verts à l’Europe-puissance impérialiste, contre l’autre face de la médaille constituée par le «réduit national» mondialisé de Blocher, la voie anticapitaliste et internationaliste esquissée à Paris offre la perspective d’imposer nos revendications sociales et de concrétiser nos espoirs d’un monde meilleur qui exigent l’émergence d’une nouvelle force politique et sociale large et pluraliste, à l’échelle de notre pays, mais aussi de ce continent. Une «autre Europe» est possible, mais une autre gauche est nécessaire, en Suisse comme en Europe! (pv)


Pour la première fois depuis 20 ans, une contre-offensive est lancée pour arrêter les désastres qui nous menacent: les guerres, la politique néolibérale, le désastre écologique. Des millions de travailleurs-leuses, jeunes et vieux, organisés dans une multitude d’associations, syndicats, partis ou non-organisés ont, par centaines de milliers, voire par millions, occupé la rue, déclenché des grèves de masse, paralysé parfois l’appareil d’Etat. En trois ans, l’atmosphère a changé. Un autre monde est possible. […] Ce soulèvement planétaire pour une paix générale a pris, en Europe, le caractère d’un plébiscite continental: face à l’UE, une autre Europe, par en bas, par la révolte des exploité-e-s et opprimé-e-s dans tous les pays-membres. Le Grand Capital européen n’y est pas trompé: les attaques redoublent dans tous les pays-membres et sur tous les terrains, malgré cette opposition forte et de plus en plus cohérente.

Non à la Constitution des multinationales! Oui à une autre Europe: des peuples, démocratique, sociale et pacifique!

Quinze gouvernements vont bientôt imposer, à huis clos, une Constitution à 450 millions d’habitant-e-s! La Convention, triée sur le volet, s’est substituée à un vrai processus constituant, basé sur un mandat provenant de la souveraineté des peuples d’Europe. […] Cette Constitution est dangereuse.


Premièrement, elle consacre la primauté absolue du marché; elle interdit légalement toute entorse à la propriété privée et aux rapports marchands. Et elle refuse légalement de prendre en compte les acquis sociaux, imposés sur le plan national par un siècle et demi de luttes ouvrières: les droits sociaux fondamentaux, les lois sur les conditions de travail, les conventions collectives, la présence et intervention syndicales au sein des entreprises, le droit de grève, le droit d’association… Alors que le fonctionnement du Capital est centralement appuyé et institutionnalisé, les normes du Travail restent décentralisées sur le plan national et deviennent obsolètes sur le plan européen! […]


Deuxièmement, la contrainte budgétaire (inscrite dans les critères de Maastricht) réduit radicalement les allocations sociales et empêche une politique économique publique. A partir de là, la privatisation systématique des services publics et de la sécurité sociale devient «inévitable», car «impayables». Le Capital industriel et financier y trouve un vaste terrain très lucratif. Les super-riches s’enrichissent. Les couches populaires en pâtissent: les travailleurs-euses, la jeunesse, les chômeurs et précaires, les femmes, le immigré-e-s. L’inégalité sociale n’a jamais été aussi forte depuis 50 ans.


Troisièmement, la Constitution confirme son caractère semi-despotique antidémocratique: le vrai pouvoir politique reste dans les mains des gouvernements (Conseil européen) et subsidiairement la Commission. La Banque Centrale Européenne est totalement indépendante, sans transparence, et n’a de comptes à rendre à personne. Le Parlement européen n’est pas comparable à un parlement national […] Cette Constitution ne reconnaît pas la réalité plurinationale de certains Etats de l’UE, qui au nom du principe de «l’intégrité territoriale» nient le droit de «l’autodétermination des nations sans Etat». […]


Quatrièmement, la Constitution ne reconnaît pas les droits de citoyenneté, y compris le droit de vote, pour les «ressortissants de pays tiers en séjour dans les Etats-membres».


Cinquièmement, l’UE et ses pays-membres sont désormais légalement obligés de renforcer leurs capacités militaires et d’agir en étroite coopération avec l’OTAN. Cette obligation légale ouvrira la manne pour le complexe militaro-industriel. C’est la voie vers un militarisme à l’européenne. […]

La responsabilité des partis sociaux-démocrates européens

Aucune personne ou organisation se réclamant de la gauche, ne peut être d’accord avec le contenu de cette Constitution. Pourtant la social-démocratie européenne et les partis verts ont déjà pris parti: pour eux ce sera OUI. Certes, disent-ils, tout cela n’est pas parfait, mais c’est un moindre mal et on peut l’améliorer.


Trois justifications sont avancées pour avaler cette pilule amère: l’UE serait un progrès par rapport au passé, et «donc» la défaire c’est tomber dans le nationalisme, les guerres européennes, etc. L’UE et surtout sa Commission défendent «le communautaire» «donc» cela aide le mouvement syndical européen; l’UE doit devenir une force économique, politique et, «donc», militaire dans le monde et faire «contre-poids» aux USA.


Ce «moindre mal» ronge la politique comme un cancer. En son nom, les partis sociaux-démocrates avaient avalé le programme néolibéral des patrons européens et l’évolution de plus en plus régressive de l’UE. En l’appliquant au gouvernement, ils ont démoralisé monde du travail et mouvement syndical. Ils se sont eux-mêmes profondément discrédités en perdant la confiance des couches populaires. […] Aujourd’hui, au nom du moindre mal, ils veulent imposer une Constitution qui est un pistolet sur la tempe des peuples et du monde du travail. […]


Aujourd’hui, dans l’opposition, ils essayent d’effacer leur bilan désastreux. Mais le monde du travail, les femmes, les jeunes, les immigré-e-s, n’ont pas oublié la douleur que les PS leur ont infligée. Blair et Schröder, aujourd’hui au pouvoir, sont là pour nous rappeler quelle est leur véritable politique social-démocrate. Les principaux partis écologistes de l’UE leur ont emboîté le pas. Fischer, ministre allemand des affaires étrangères, et Cohn-Bendit, organisateur au parlement européen, luttent pour aligner tout le courant «vert» derrière la politique néolibérale et l’Europe-puissance.

La renaissance du mouvement social et syndical

Le mouvement altermondialiste a brisé cette longue impasse de 20 ans, et crée une alternative pour la gauche et une perspective d’émancipation. […] Ce mouvement, d’emblée international est devenu, en peu de temps, une référence dans la société et un point de ralliement pour une multitude de forces sociales et d’organisations. Il a donné naissance, à l’échelle planétaire, à un mouvement anti-guerre sans précédent dans l’histoire. Il a, en même temps, posé les bases d’un nouveau mouvement social européen. […]

Les élections européennes de 2004

La Constitution de l’UE nous concerne tous-toutes. Mais l’UE évite à tout prix la seule et vraie mesure: que les peuples d’Europe décident sur l’Europe! Certains gouvernements craignent même la tenue d’un référendum! En réalité, l’UE mise tout sur les élections européennes de juin 2004 pour faire passer son projet en contre-bande. Nous disons: chiche! Nous transformerons les élections européennes de juin 2004 en une vaste campagne de mobilisation contre la Constitution réactionnaire et régressive de l’UE et en faveur d’une autre Europe: contre la politique néolibérale et pour un programme anticapitaliste; contre la guerre impérialiste et le militarisme européen et pour la paix et le désarmement général, à commencer dans nos propres pays.


Pays par pays, nous proposons de constituer une alternative anticapitaliste forte, large et pluraliste défendre les revendications et les perspectives du mouvement social européen. […] Une autre gauche est nécessaire!

Il faut une nouvelle force politique: anticapitaliste et européenne

Face à la droite traditionnelle de plus en plus agressive et réactionnaire, face à une extrême-droite raciste et liberticide, face à la gauche social-libérale dévouée aux projets de la classe dominante, il faut une alternative politique qui corresponde à aux aspirations la gauche sociale anticapitaliste. C’est aux dizaines de milliers d’hommes et de femmes, jeunes et vieux, travailleurs-euses et citoyen-ne-s engagés dans le mouvement et les mobilisations, de bâtir cette nouvelle force anticapitaliste et pour la transformation radicale de la société. Personne ne le fera à leur place. […]


Il faut travailler ensemble sur une base radicale, unitaire et pluraliste. La Gauche AntiCapitaliste Européenne veut y contribuer sans arrogance. […] Nous sommes dans le mouvement social et altermondialiste, depuis le début, pour le construire et le renforcer. Notre projet reflète les différentes forces qui inspirent le mouvement social: anticapitaliste et écologiste, anti-impérialiste et anti-guerre, féministe et citoyenne, antiraciste et internationaliste. Comme alternative au capitalisme: une société socialiste et démocratique, autogérée et par en bas, sans exploitation du travail et oppression des femmes, basé sur le développement durable face à un «modèle de croissance» qui menace la planète. Comme stratégie, une orientation sociale centrée sur la vie quotidienne des travailleurs et travailleuses. Pour chacun-e: un emploi plein et stable, un salaire décent, un revenu de remplacement viable (en cas de chômage, de maladie ou invalidité, de retraite), le droit à un logement, à une éducation et formation professionnelle, des soins de santé de qualité. Pour cela il faut renverser la politique néolibérale et rompre avec le capitalisme: (re)développement des services publics, une refonte du budget de l’Etat et une redistribution des richesses du Capital vers le Travail; bref: pour réaliser ses objectifs sociaux, prendre toutes les mesures anticapitalistes nécessaires y compris la substitution de la propriété sociale à la propriété privée.


Seule une nouvelle force politique et sociale de masse et à l’échelle de notre continent sera capable d’imposer nos revendications sociales et nos espoirs d’un monde meilleur. Une «autre Europe» est possible, mais une autre gauche européenne est nécessaire.


Déclaration de la Septième Conférence de la Gauche anticapitaliste européenne (GACE)