A gauche toute! Et maintenant?

A gauche toute! Et maintenant?

Dès ce printemps, solidaritéS avait pris contact avec les organisations politiques de la gauche alternative des autres cantons, engagées concrètement dans la lutte contre la xénophobie et le racisme, contre le démantèlement de la prévoyance sociale et la privatisation-libéralisation des services et des monopoles publics, mais aussi contre la guerre impérialiste, afin de se mettre d’accord sur un programme d’action en dix points, sans concession au social-libéralisme, pour les élections fédérales de cet automne. Il en est résulté l’appel «A Gauche toute!», publié dans nos colonnes (n° 30, 2 juillet 2003).


Tout comme l’AdG à Genève, «A Gauche toute!» visait à former un front électoral capable de rassembler, sur ce terrain au moins, les forces qui s’opposent aux politiques néolibérales. On connaît la suite… A Genève, Pierre Vanek a été élu, mais l’AdG a perdu un siège, suite notamment à la défection des Indépendants et à l’effondrement électoral du PdT; le POP vaudois en a gagné un, grâce à l’excellent résultat de nos camarades, qui ont été à deux doigts de l’emporter; enfin, Alternative Liste a manqué de peu le sien. Cela fait trois élus, alors qu’il en aurait fallu cinq pour former un groupe parlementaire. L’élection de Jo Lang sur la liste de l’Alternative Socialiste Verte de Zoug n’était donc pas de nature à modifier cette situation. L’ASV zougoise vient d’ailleurs d’annoncer sa participation à la fraction parlementaire des Verts.


Nous n’avons jamais fondé le lancement de l’appel «A gauche toute!» sur un pronostic électoral. La possibilité d’obtenir un groupe était en effet aléatoire et nous le savions. Nous allons donc poursuivre les contacts avec toutes les forces désireuses de renforcer l’action commune sur la base des objectifs fondamentaux du programme «A Gauche toute!». Au-delà, nous continuerons à débattre, mais aussi à favoriser des convergences ponctuelles, avec des représentant-e-s des socialistes et des verts, à chaque fois qu’ils accepteront, même du bout des lèvres, de se situer sur le terrain de la lutte contre l’exploitation, le néolibéralisme, la xénophobie, le racisme et la guerre. En même temps, nous nous battrons pour favoriser et soutenir toute expérience syndicale qui visent à mobiliser les salarié-e-s pour défendre leurs intérêts, sans conditionner leurs objectifs à la recherche d’un terrain d’entente avec les patrons.


Mais rien ne serait plus faux, que de renoncer aux orientations élémentaires de l’appel «A Gauche toute!», pour nous contenter de jouer les mauvaises consciences impuissantes des directions de l’USS, des verts et des socialistes, au risque de perdre la nôtre… A ce propos, la récente rencontre des partis gouvernementaux au «Café des Amis» (sic) à Berne, afin de rabibocher la formule magique, dont Christianne Brunner s’est faite la porte-parole, se passe de tout commentaire. Ne parlons pas non plus de la proposition des verts de composer un gouvernement de «centre gauche» avec le PDC et le PSS… et l’appui de la majorité des Chambres. S’ils ont largement profité électoralement des forces mobilisées par l’altermondialisme et le mouvement anti-guerre – en particulier en Suisse allémanique – celles-ci auront tôt ou tard à juger sur pièces, comme en Allemagne, la véritable politique de ce parti, par exemple dans les exécutifs cantonaux.


En même temps, solidaritéS entend renforcer la construction d’une organisation politique nationale fédérative, une «Alliance Socialiste», réunissant dans un même cadre démocratique les forces anticapitalistes, féministes et socialistes, actives au plan cantonal, issues aussi de différentes générations politiques. Les groupes de solidaritéS en Suisse romande et de SoAL-Solidarität en Suisse alémanique, en dépit de leurs différences, sont décidés à faire des pas dans cette même direction. Nous disposons de militant-e-s bien implantés, d’un bimensuel romand diffusé à 5000 exemplaires, ainsi que d’un bulletin alémanique; d’une crédibilité, liée à un engagement de longue haleine, et que reflète ici et là, de façon déformée, nos résultats électoraux. Nous avons établi une Coordination nationale et organisons des forums socialistes nationaux ouverts, deux fois par an, pour débattre de questions de fonds. Nous avons des élu-e-s dans les parlements genevois, neuchâtelois, et au Conseil National.


Tout ceci est peu de chose, mais c’est un point de départ significatif. Nous lançons donc un appel à tous/toutes les militant-e-s et les groupes intéressés au renforcement d’un tel potentiel pour qu’ils nous rejoignent. Nous avons certes des acquis, mais aussi de nombreuses carences. Il ne s’agit donc pas d’adhérer à un mouvement tout fait, bardé de certitudes, donneur de leçons, mais de contribuer à développer ensemble une réflexion programmatique indispensable, des échanges ouverts, dans le respect des opinions différentes, mais aussi un engagement et une action au quotidien, sur le terrain des luttes sociales.


Jean BATOU