Clara Zetkin: différentes, mais égales

Clara Zetkin: différentes, mais égales

Les femmes ont été les protagonistes de l’une des rébellions sociales les plus importantes du XXe siècle. Nos luttes pour le droit de vote, pour le droit au divorce, pour la maternité volontaire et d’autres revendications spécifiques font partie d’un vaste mouvement mondial (non-achevé) pour l’émancipation des femmes. (…) Un bilan objectif de l’histoire contemporaine ne saurait sous-estimer l’importance considérable d’un mouvement comme celui des femmes, qui englobe la moitié de la population, bouleversant en profondeur tout le système des relations humaines, établi depuis des millénaires. En effet, les femmes ne remettent pas en cause uniquement le régime de domination de classes, mais aussi celui de sexe, qui repose sur l’hégémonie du patriarcat. Dans cette longue histoire de lutte pour notre émancipation, il faut rappeler le 146e anniversaire de la naissance de Clara Zetkin, combattante inébranlable pour les droits des femmes travailleuses, pour le socialisme et contre la guerre impérialiste.


Clara Zetkin (1857-1933) a été une dirigeante importante du Parti social-démocrate allemand, organisatrice de sa section féminine. En 1891, elle fondait la revue Die Gleichheit (l’Egalité), qu’elle dirigea jusqu’en 19171: cette revue, reçue par 125000 abonnées, devint l’un des journaux les plus connus de l’époque et obtient, en 1907, le statut d’organe officiel de l’Internationale des femmes socialistes.

Femmes et politique

Clara Zetkin, grâce à Die Gleichheit, s’efforçait de changer la mentalité des sociaux-démocrates mâles, créant des cercles de femmes qui participaient à l’activité interne du parti. Après l’abolition des lois empêchant l’activité politique des femmes allemandes, en 1908, elles étaient entrées massivement dans un parti, dont la composition avait été jusqu’ici fortement masculine.


Le nombre de femmes affiliées au SPD tripla en deux ans. Elles n’étaient pas pour autant réellement intégrées à l’activité du parti, ni leurs revendications prises en compte dans la propagande et les activités des socialistes. Elles allaient devoir attendre jusqu’en 1919 pour obtenir le droit de vote, après la fin de la longue et pénible guerre de 1914.

«Guerre à la guerre»

Cette année-là, Clara Zetkin adhérait au groupe Spartakus où, avec ses amis Rosa Luxemburg et Karl Liebknecht2, pour combattre la guerre dans laquelle son pays s’était engagé. Courageu-sement, elle n’hésita pas à affronter la direction du SPD, lorsque celle-ci votait les crédits de guerre avec la bourgeoisie allemande, dès le début de la première guerre mondiale.


Dans sa lutte contre la guerre impérialiste, elle allait lancer un appel aux femmes socialistes pour une conférence internationale (la troisième) qui se réunit en mars 1915 à Berne, en présence de 70 femmes venues de 8 pays européens. La guerre impérialiste y fut condamnée par la célèbre consigne «Guerre à la guerre». Ceci explique que Clara Zetkin ait été emprisonnée cette même année,comme Rosa Luxemburg, ce qui l’empêcha de participer activement à la lutte. L’année suivante, elle fut interdite de parole en public et exclue du Parti social-démocrate allemand.

Pour une journée internationale des femmes

Mais Clara Zetkin est surtout connue pour avoir été l’une des socialistes européennes qui, au début du siècle passé, avait proposé d’instaurer un jour d’hommage aux femmes ouvrières qui avaient donné leur vie pour exiger de meilleures conditions de travail. En 1910, plus de 100 déléguées étaient venues de 17 pays pour assister à la 2e rencontre internationale des femmes socialistes à Copenhague. Parmi elles, Clara Zetkin et Kathy Duncker – représentantes du Parti social-démocrate allemand – présentèrent la proposition de commémorer une journée internationale des femmes.


Les raisons d’une telle proposition étaient évidentes aux yeux des femmes socialistes. Durant les années antérieures, de nombreuses grèves d’ouvrières et d’ouvriers s’étaient produites aux Etats-Unis et en Europe. En 1908, par exemple, 40000 couturières de grandes fabriques nord-américaines s’étaient mises en grève pour réclamer le droit de se syndiquer, de meilleurs salaires, la réduction de la journée de travail et l’abolition du travail des enfants.

Unité contre le nazisme

Avec d’autres femmes, comme la Russe Alexandra Kollontaï, Clara Zetlin sut comprendre l’importance d’organiser les femmes travailleuses pour revendiquer la justice et l’égalité. D’autre part, l’organisation annuelle du 8 mars par les femmes socialistes du monde entier soutenait une revendication fondamentale: le droit de vote. De fait, dans beaucoup des premières manifestation de la «Journée internationale des femmes», l’une des principales revendications c’était la pleine citoyenneté avec le suffrage féminin.


En 1918, Clara Zetkin devint membre du premier comité central du Parti communiste allemand (KPD), qu’elle représenta au Reichstag (Parlement) de 1920 à 19323. Sa dernière intervention fut un appel à l’unité contre la montée des nationaux-socialistes (nazis). Quand ceux-ci prirent le pouvoir en 1933, elle s’exila en Union Soviétique, où elle mourut peu après.


D’après Adela RECK et Malena VIDAL
(Traduction: Hans-Peter RENK
)

  1. Elle en fut révoquée par la direction du SPD pour son entrée à l’USPD (Parti socialiste indépendant, regroupant les divers secteurs opposés à la guerre).
  2. Paul Fröhlich, Rosa Luxemburg, Paris, L’Harmattan, 1999 ; Karl Liebknecht, Militarisme, guerre, révolution, Paris, F. Maspero, 1970
  3. Gilbert Badia, Clara Zetkin, féministe sans frontières, Paris, les éditions ouvrières, 1993. Cet ouvrage fait notamment le point – sur la base d’une correspondance «déclassifiée» après la réunification allemande, dont disposait l’Institut de marxisme-léninisme du SED (parti dirigeant de la République démocratique allemande) – sur les divergences entre Clara Zetkin et la direction stalinienne du KPD et de l’Internationale communiste, notamment pendant la «3e période», ultra-gauche et ultra-sectaire de l’internationale (1929-1933).