Medienhilfe ou comment contrer la propagande en ex-Yougoslavie!

Medienhilfe ou comment contrer la propagande en ex-Yougoslavie!

Durant les années nonante, les médias ont été utilisés dans les Balkans comme une arme de guerre à part entière. Leur instrumentalisation par les régimes nationalistes a été préparée méthodiquement et a favorisé l’éclatement des différents conflits armés, puis leur brutalité. Créée il y a plus de dix ans, en réaction à ces déchaînements bellicistes, l’organisation Medienhilfe, basée à Zurich, soutient les médias indépendants en ex-Yougoslavie, afin qu’ils puissent jouer leur rôle d’observateurs critiques de la société.


Dès leur arrivée au pouvoir, les autorités nationalistes issues de la décomposition de l’ex-Yougoslavie se sont attachées à contrôler étroitement les médias afin de disposer d’un outil susceptible de participer à la réalisation de leurs objectifs politiques, affichés ou cachés. Durant des années, les informations diffusées par la majorité des médias ont consisté en exhortations nationalistes dirigées contre certains groupes ethniques. Ce phénomène atteignit son plus haut degré d’application en Serbie mais les autres pays devenus indépendants suite à l’effondrement du régime socialiste yougoslave mirent en place des politiques médiatiques similaires. A titre d’exemple, les médias serbes contrôlés par le pouvoir désignaient généralement les Croates comme un peuple «génétiquement génocidaire» et les Bosniaques musulmans comme des «combattants du djihad». Quant à eux, les médias croates ou bosniaques ont aussi utilisé des qualificatifs dénigrant les Serbes (ex: «terroristes tchetniks»). Le recours à ce type de stigmatisation ne pouvait que renforcer les préjugés mutuels. Les télévisions, les radios et la presse devinrent, pour le pouvoir, un outil de propagande et de manipulation des peuples. Elles préparèrent un terrain favorable à la montée des tensions interethniques et représentèrent une arme de guerre à part entière lorsque les premiers coups de feu résonnèrent. Abreuvées d’informations fallacieuses et orientées, une majorité des citoyen-ne-s se retrouvèrent condamnés à cautionner les atrocités commises contre leurs anciens compatriotes, lesquelles culminèrent avec l’épuration ethnique.

Des journalistes courageux

La propagande officielle parvint à s’imposer d’autant plus facilement dans les esprits qu’il n’existait pas face à elle de médias capables d’informer objectivement de larges franges de la population. Les différents régimes exercèrent d’habiles pressions sur les média alternatifs afin que leur diffusion reste confidentielle. Accusés d’intentions anti-nationalistes et de trahison, plusieurs médias indépendants durent payer de fortes amendes, voire cesser leurs activités. Malgré un contexte hostile, quelques médias non affiliés ont survécu et résisté. Des journalistes courageux se sont opposés au quotidien aux déchaînements guerriers et au nationalisme. Leur combat continue de nos jours. Ils offrent une information de qualité, fondée sur des principes déontologiques, et estiment que la cohabitation pacifique entre les différents peuples de la mosaïque ethnique balkanique est possible.


Paradoxalement, le travail des médias indépendants n’est pas plus facile depuis que les armées ont regagné leurs casernes. Ils évoluent toujours dans un contexte économique, social et politique tendu. En outre, malgré certains progrès, les autorités actuelles ont tendance à brimer les médias s’écartant de la ligne officielle en usant des mêmes méthodes que les gouvernements «va-t’en-guerre» des années nonante. Or, la réconciliation et la compréhension mutuelle ne pourront se réaliser que si les citoyen-ne-s disposent d’un libre accès à l’information, en temps de guerre comme de paix. L’aide aux médias indépendants de l’ex-Yougoslavie revêt une grande importance, aujourd’hui comme hier, puisque ceux-ci posent un regard critique salutaire sur situation dans les Balkans et permettent aux citoyens attachés aux solutions pacifiques ainsi qu’aux «perdants» de la société (veuves de guerres, réfugiés, chômeurs etc.) de s’exprimer.

Une alternative à la propagande

Le conflit yougoslave et ses milliers de victimes et de réfugié-e-s ne laissèrent pas la Suisse indifférente. Les régimes en place en ex-Yougoslavie empêchant la diffusion d’informations alternatives, des représentants des médias et de la politique se retrouvèrent en décembre 1992 à Zurich pour réfléchir aux moyens de contrer la propagande belliciste et chauvine émanant de la majorité des médias de chaque camp. De ces premiers contacts naquit une organisation non gouvernementale vieille maintenant de plus de dix ans: Medienhilfe. Son but: soutenir les médias indépendants en ex-Yougoslavie. Au fil des années, plusieurs dizaines de médias ont reçu une aide. Les besoins se sont progressivement déplacés de la Croatie et la Bosnie-Herzégovine au sud de l’Europe de l’Est (Serbie, Kosovo, Macédoine). Aujourd’hui, Medienhilfe vient en aide aux médias qui donnent une voix aux minorités (ex: réseau de médias destinés aux Roms) et aux groupes les plus fragiles de la société (femmes, personnes âgées, réfugié-e-s, victimes du démantèlement social etc.), qui encouragent la compréhension mutuelle et la réconciliation entre les peuples et qui contribuent à la promotion civile de la paix.


Florent COSANDEY


Informations complémentaires sous: www.medienhilfe.ch, fco@medienhilfe.ch