Occup' à la Citibank


Occup’ à la Citibank


Afin de dénoncer le rôle des multinationales dans l’intensification des massacres
en Colombie, une cinquantaine de manifestants ont occupé les locaux de cette
banque à Genève.

Julie de Dardel

Le 9 mai dernier à midi, une centaine de personnes ont répondu à l’appel de l’Action populaire contre la mondialisation (APCM) en se rendant au rassemblement convoqué en urgence par cette dernière dans la zone piétonne du Mont Blanc. En effet, l’intensification des tueries en Colombie, avec le récent massacre de 300 personnes dans la région Pacifique, nécessitait une mobilisation immédiate pour alerter l’opinion publique. Un représentant du «Processus des communautés noires» (PCN), a rappelé aux manifestants que les mouvements sociaux colombiens exhortent les Etats européens à boycotter le Plan Colombie et a appelé à maintenir la pression internationale.


Après avoir traversé le pont du Mont Blanc, la manifestation a accéléré le pas en direction de la Citibank située au troisième étage d’un immeuble de la rue du Rhône. En quelques minutes, au moins cinquante personnes étaient parvenues à occuper les locaux de la succursale genevoise de la multinationale américaine. Montrée du doigt dans des affaires de blanchiment, elle fait également partie des gros investisseurs en Colombie et est donc l’une des premières bénéficiaires du «nettoyage» paramilitaire. Sous la surveillance d’une quinzaine de policiers, les occupants ont posé comme condition à leur départ une prise de position de la banque au sujet des massacres et de sa responsabilité à investir dans un pays où règnent violence et impunité. Se voyant refuser de rencontrer un dirigeant de l’établissement, une délégation a entamé une négociation avec le conseiller juridique1 de la Citibank. Prétextant tout d’abord des problèmes de compétence, puis des difficultés administratives, celui-ci a attendu plusieurs heures avant de se mettre en contact avec la maison-mère de New York. Finalement, c’est le siège européen de Londres qui a envoyé un fax aux occupants, ventant les mérites de la Citibank. Refusant de quitter les lieux suite à cette réponse inconsistante, les quatorze manifestants restant ont été évacués de force par la police, après cinq heures d’occupation.


Dix-sept heures de garde à vue


Menottes au dos, les personnes interpellées ont été amenées en fourgon blindé à l’hôtel de police de la Gravière. Séparées dans des cellules individuelles, elles ont subi fouille et audition. On les a prévenues qu’elles passeraient encore la nuit en cellule et qu’un officier de police déciderait de leur sort le lendemain. Elles ont été ensuite transférées, à nouveau menottées, dans un autre établissement. Le lendemain, elles ont été soumises à la procédure d’identification, prise d’empreintes et de photos. Parmi les trois personnes refusant cette procédure, l’une d’elles a été relâchée et les deux autres, menacées d’un nouveau mandat et de 24 heures de garde à vue supplémentaires, ont fini par céder. Tout le monde a été finalement relâché entre 10h et midi. Un tel traitement était visiblement disproportionné: l’infraction était mineure, aucune déprédation matérielle n’avait été commise et il n’y a pas eu de résistance aux actes de la police. Mais il faut croire qu’il ne fait vraiment pas bon s’attaquer aux intérêts d’une banque et ces mesures se voulaient exemplaires. Les prises d’empreintes systématiques deviennent aussi une pratique alarmante, à l’heure où l’on parle, au parlement fédéral, de la généralisation du fichier ADN des délinquants. A moins que la banque ne retire sa plainte, un procès aura lieu dans les prochains mois contre les manifestants, pour violation de domicile. A suivre…




  1. Après l’arrestation, les personnes interpellées ont découvert que ce soi-disant conseiller juridique, auteur de la plainte pour violation de domicile, n’était autre que le vice-président de la banque