La mondialisation à coups de couteaux


La mondialisation à coups de couteau


Nous publions le tract de l’Action Populaire Contre la Mondialisation (APCM), intitulé The «Colombia Plan» et diffusé en marge de l’occupation de la Citibank à Genève.

APCM – tract

Parfaitement coordonnée avec le début du Plan Colombie, la violence paramilitaire explose dans tout le pays. L’année dernière, on comptait déjà presque dix morts par jour. A présent, les massacres se multiplient en nombre et en gravité : le dernier n’a pas fait des dizaines, mais des centaines de victimes. Pourquoi? Parce que malgré les politiques néolibérales, beaucoup trop de paysans, d’indigènes et de communautés afro-américaines s’accrochent à leurs terres et à des modes de vie communautaires en marge du marché. Pour les responsables du «développement» il y a trop de paysans! Le «progrès» demande la concentration des terres par les multinationales de l’agroexportation. Les plantations de bananes Chiquita, de fleurs, etc., doivent remplacer l’agriculture destinée à la population locale.


Le progrès requiert l’expulsion des indigènes Uwa ou Embera pour faire place aux pétroliers, à Exxon et à des barrages; l’expulsion des communautés noires au profit de la construction d’un nouveau canal transocéanique et de la plantation de palme; le déplacement de paysans pour creuser des mines d’or ou de charbon à ciel ouvert -le tout financé par Citibank, Bank of America, etc. La pression économique n’étant pas suffisante, les nouveaux Conquistadores recourent à l’ancienne méthode: les massacres. Chiquita et British Petroleum ont été parmi les premiers à financer des paramilitaires, aujourd’hui au nombre de 30’000.


Terroriser les populations


Chaque fois se répète le même scénario sinistre. L’armée débarque dans un territoire convoité prétextant le passage de guérillas dans la région. Elle dit clairement aux gens que les paramilitaires les suivront pour «nettoyer» la zone. Ceux-ci se présentent ensuite, les plus souvent en annonçant tout simplement qu’ils tueront tout-e-s les habitant-e-s encore là après un certain nombre de jours. Les organisations de défense des droits humains, les églises, etc. alertent la police, l’armée, la présidence et l’ONU. Rien. Puis, les paramilitaires arrivent et massacrent. Les habitant-e-s fuient par centaines ou par milliers. Les paramilitaires repartis, l’armée repasse ramassant quelques cadavres… histoire d’avoir l’air de faire quelque chose.


Ainsi, on avait compté plus de 200 morts ces derniers mois rien que dans le Cauca (côte Pacifique). Mais à présent les paracos passent la 2e. A Pâques (et comme annoncé), ils sont arrivés sur le Rio Naya, tuant près de 300 personnes, dans 25 localités. Certaines ont été découpées vivantes à la tronçonneuse, car il ne s’agit pas seulement de tuer, mais surtout de terroriser – pour évacuer les terres.


En quittant Rio Naya, les paramilitaires avaient annoncé que les communautés du Rio Yurumangui, juste au nord, seraient les prochaines victimes. En effet, le 29 avril, ils ont exécuté sept personnes à la hache à El Firme, et ordonné aux gens des Rios Raposo et Yurumangui de quitter leurs terres. Nous connaissons personnellement les leaders de ces communautés, qui étaient à Genève pour la mobilisation de Davos.


D’autres massacres sont annoncés dans différentes régions du pays. Des communautés de Palenque de San Basilio, au nord-est, qui habitent ces forêts depuis qu’ils ont fui l’esclavage, il y a des siècles (ils parlent encore une langue africaine), ont reçu l’ordre de quitter leurs terres sous menace de mort. Au sud, dans l’écotope délicat d’Amazonie, on chasse les paysans par des «fumigations» aériennes qui transforment toutes les cultures (licites ou pas) en un désert.


Il est clair qu’il ne s’agit pas de droits humains dans leur seul sens de droits individuels à la vie. Il s’agit aussi de droits collectifs: le droit à la terre et à l’eau, le droit de choisir une autre organisation sociale, le droit de vivre simplement de la nature sans la détruire, le droit à d’autres valeurs et modes vie que ceux imposés par les dominants. Le Plan Colombie vise très clairement l’imposition d’un modèle agroindustriel «moderne» en provoquant un exode rural… Le volet civil du plan (qu’on demande aux Européens de financer) sert à en maîtriser les conséquences. Il prévoit des camps où parquer les réfugiés internes et le recyclage d’une partie de paysans en travailleurs sans terre sur les plantations du progrès. Les autres iront grossir les bidonvilles.


Et pas seulement en Colombie


Il y a déjà plus de deux millions de déplacés en Colombie et des dizaines de milliers de morts. Qui plus est, le Plan Colombie s’étend maintenant à l’Equateur et à la Bolivie où, depuis deux ans, des insurrections pacifiques massives ont bloqué la politique de la Banque mondiale et du FMI. Les états de siège se succèdent et, là aussi, les tueurs paramilitaires font leur apparition.


Là où elles rencontrent de la résistance, les transnationales utilisent la force. La résistance des mouvements paysans est essentielle à la lutte contre le capitalisme. Les petits paysans représentent aujourd’hui encore près de la moitié de la population mondiale et continuent de garantir une certaine autonomie des populations face aux entreprises globales, dont un des objectifs stratégiques est de se rendre indispensables. La prise de contrôle des capitalistes sur des secteurs touchant à des besoins vitaux est une tendance qui doit être inversée si l’on refuse un système aux tendances monopolistiques de plus en plus apparentes.


Les réseaux contre la mondialisation doivent soutenir les mouvements du Sud en engageant un bras de fer – ici et maintenant – avec les gouvernements et les entreprises responsables de ces massacres.



Intertitres de la rédaction.