A gauche toute! Une autre Suisse est possible

A gauche toute! Une autre Suisse est possible

Cet appel reprend les dix revendications conclusives de l’appel national du même nom, signé par des membres de solidaritéS-Pour une alliance socialiste à Genève, Neuchâtel et Vaud, par des représentant-e-s du Parti suisse du travail dans les mêmes cantons, par des Indépendants de l’ADG à Genève, par des membres d’Alternative Liste à Winthertur, Zurich et Argovie, ainsi que par des membres de Refondation Communiste en Suisse. Il est précédé par une introduction plus fouillée, adoptée aussi comme plateforme commune par le sous-apparentement «A gauche toute!» dans le canton de Vaud. (réd)


Nous, militants-es de diverses sensibilités et formations politiques de la gauche de transformation sociale, constatons, qu’après plus de vingt ans de politiques néolibérales, en Suisse comme dans le monde, les inégalités sociales n’ont cessé de s‘approfondir. La majorité de la population dispose d’une part de plus en plus réduite de la fortune et des revenus. Selon l’hebdomadaire britannique The Economist, en Suisse, les 20% des ménages les plus pauvres disposent d’un revenu 9 fois inférieur à celui des 20% les plus riches (ce même rapport est de 4 à 1 en Suède). Dans ces conditions, l’insécurité sociale, la peur du lendemain et le sentiment d’impuissance ne cessent de croître.

Une guerre sans fin contre nos intérêts

Depuis le 11 septembre 2001, la «guerre sans fin» contre le «terrorisme» et les «Etats voyous», promue par l’administration Bush, a suscité partout une nouvelle poussée autoritaire, dangereuse pour les libertés. Il faut dire que l’opinion avait été préparée à ce «retour à l’ordre» par les adeptes de la «tolérance zéro». Les premières victimes de ces dérives sécuritaires sont les étranger-e-s, désignés comme nouvelle «classe dangereuse», qu’il importe de contrôler de plus en plus étroitement. Les jeunes aussi en font les frais, en particulier celles et ceux qui protestent contre la mondialisation néolibérale; leur liberté de manifester vient d’être restreinte, à Davos, de façon scandaleuse, avec l’aval du PSS.


En même temps, les salarié-e-s ont dû reculer devant les attaques répétées des milieux patronaux à la sécurité de l’emploi, aux conditions de travail, aux salaires et aux retraites. L’effondrement de Swissair a montré quel sort, l’une des compagnies les plus prestigieuses du pays pouvait réserver à ses employé-e-s, en l’absence de toute protection légale, mais aussi de toute mobilisation syndicale sérieuse. Un symbole! Les conventions collectives ont été systématiquement vidées de leur contenu (déjà léger), réduisant un nombre croissant d’employé-e-s au sauve-qui-peut individuel. Le Conseil fédéral et les Chambres ont aussi pris des dispositions pour supprimer une série de règles qui offraient quelques garanties aux salarié-e-s, aux usagers des services publics et aux bénéficiaires des assurances sociales, femmes et hommes. La péjoration récente de la protection des travail et de l’assurance chômage en portent témoignage.


Par exemple, la 11e révision de l’AVS tourne le dos au principe de la solidarité: retraite à 65 ans pour les deux sexes, réduction des prestations et financement accru par la TVA. En même temps, le IIe pilier révise ses prestations à la baisse, révélant au grand jour l’escroquerie du système fondé sur la capitalisation. Quant à l’assurance maladie de base, gérée par un grand nombre de caisses «concurrentes», et financée, pour l’essentiel, par une cotisation indépendante du revenu, elle pèse de plus en plus lourd sur le budget de la plupart des salarié-e-s et retraité-e-s.


Certains services publics, parmi les plus indispensables ont été privatisés, libéralisés et voués à une rentabilisation forcenée, au détriment de l’emploi, des salaires, des conditions de travail du personnel et de l’intérêt des usager-e-s. Nous en avons fait l’expérience grandeur nature avec le démantèlement des PTT, qui a conduit à l’abandon des télécoms aux requins de la finance et à la réduction drastique des services de la Poste.


Pour couronner le tout, les Chambres fédérales ne cessent d’adopter des mesures visant à réduire les impôts des milieux privilégiés. Elles mettent ainsi en cause la redistribution des revenus nécessaire au financement d’une protection sociale et de services publics adaptés aux besoins de la population.

Un climat de régression sociale

Dans ce contexte, l’écart qui sépare toujours les femmes des hommes, en termes de salaires et de droits, ne s’est pas réduit. Plus que leurs compagnons, elles ont été frappées par le chômage et la précarisation de l’emploi. De surcroît, au printemps 1999, un projet pourtant timide d’assurance maternité a été rejeté en votation populaire, parce que la droite musclée agitait le spectre d’une faillite imminente du système des assurances sociales. Le travail de nuit des femmes et les horaires flexibles comme le travail sur appel ou l’augmentation de l’âge de la retraite ont été imposés sans contrepartie. Le droit constitutionnel à l’égalité se traduit dans la réalité par une péjoration systématique des conditions de travail et de vie pour les femmes. Un comble!


Les immigré-e-s n’appartenant pas à l’Union Européenne ont vu leur statut se fragiliser encore plus, avec le durcissement des lois d’exception qui les frappent (projet de nouvelle LEtr et suppression de facto du droit d’asile). Les familles de travailleurs/euses sans statut, dont l’activité est indispensable aux entreprises, vivent au jour le jour une précarité accablante qui débouche bien souvent sur le renvoi au-delà des frontières. L’UDC n’avait plus qu’à récolter les fruits semés par le racisme d’Etat et les discriminations officielles, ce qu’elle a fait en novembre dernier avec le quasi-succès de son initiative contre le droit d’asile.


Ce climat de régression sociale et de mise en cause des libertés n’est pas favorable au développement d’une politique de protection de l’environnement. C’est ainsi que le lobby automobile s’oppose avec toujours autant de succès à toute restriction du trafic, comme à toute concurrence sérieuse du rail à la route, et que le lobby électrique résiste à tout scénario de sortie du nucléaire. De même, l’industrie chimique et pharmaceutique parvient-elle à éviter l’adoption du principe de précaution en matière de manipulations génétiques, en particulier dans le domaine agricole.


Ce climat n’est pas favorable non plus à l’extension des droits des minorités, en particulier de ceux des homosexuel-les, toujours visé-e-s par des discriminations, que ce soit au travail, ou au regard de l’administration et de la loi. Ces discriminations nourrissent une homophobie latente qui fait encore trop de victimes (suicides d’adolescent-e-s, pressions au travail, agressions, non reconnaissance des droits des couples du même sexe, etc.). Les autorités devraient donner l’exemple en défendant le libre choix pour toutes et tous de son orientation sexuelle, et en menant campagne activement contre toute discrimination à l’encontre des gays et lesbiennes.

Une voix d’opposition indispensable

C’est dans ce contexte que les soussigné-e-s appellent à la constitution d’une alliance électorale nationale qui souscrive à l’appel «A GAUCHE TOUTE!».


Dans la perspective des élections fédérales de cet automne, nous voulons faire entendre une voix d’opposition qui rompe avec le consensus mou dans lequel se laissent enfermer le Parti socialiste et les Verts. Nous ne sommes certes pas d’accord entre nous sur tout, mais défendons ensemble des priorités essentielles. Cela fait toute la différence! Bien sûr, nos combats ne triompheront pas sans des mobilisations populaires importantes, portées par les mouvement sociaux. Il n’est cependant pas indifférent qu’une alliance comme la nôtre se constitue au niveau national pour défendre avec opiniâtreté des priorités sociales, féministes et écologistes dans les mobilisations comme au parlement fédéral.


Nous appartenons à des forces politiques qui envisagent de présenter des listes aux élections fédérales cet automne. Ensemble ces organisations ont mené des combats convergents au cours de ces dernières années: contre les bas salaires, la précarité et le chômage; pour les droits des femmes; contre le démantèlement des assurances sociales et des services publics; pour une politique fiscale fortement redistributive; contre la xénophobie, le racisme et l’homophobie; pour la défense de l’environnement; contre le militarisme et la guerre; pour une politique active d’aide au développement. Il nous faut aller plus loin.


Le capitalisme n’est pas pour nous un horizon indépassable. Il ne s’agit ni de chercher à «l’encadrer», ni de vouloir l’adapter. Nous voulons rassembler les forces sociales pour lui résister et le dépasser, en faisant prévaloir d’autres finalités, donnant la priorité à l’être humain et non au pouvoir et à la richesse de quelques-uns. C’est là que se trouve notre différence avec la gauche simplement réformiste et bien entendu avec la gauche institutionnelle ou d’Etat.

Une autre Suisse est possible!

A Florence en novembre, à Porto Alegre en janvier, des centaines de milliers de représentant-e-s des mouvement sociaux et du mouvement autonome des femmes ont débattu d’un autre projet pour l’Europe et le monde, en rupture avec la logique du profit, qui réponde aux aspirations du plus grand nombre. En Suisse aussi, un Forum Social s’est constitué avec les mêmes aspirations.


Il appartient aussi à des organisations politiques comme les nôtres de définir clairement leurs priorités pour dessiner les contours d’une autre Suisse, notamment dans le cadre d’une campagne électorale. Dans ce sens, nous appelons nos organisations à se rassembler et à prendre des engagements pour défendre ensemble les dix objectifs suivants:

  • Droits démocratiques. Non à toutes restrictions aux droits démocratiques: défendons la liberté de réunion et d’expression; défendons aussi nos espaces de libertés vis-à-vis de l’intervention de l’Etat. Non à la Police Fédérale de Sécurité.
  • Droits des femmes. Pour la réalisation de l’égalité effective des salaires entre femmes et hommes comme priorité de l’action politique et syndicale. Appuyons toutes les mesures qui contribuent à faire progresser la prise en charge collective et le partage égal des tâches ménagères et éducatives entre femmes et hommes. Pour une assurance maternité garantissant 100% du revenu pendant 16 semaines, comme en France et en Allemagne, financée selon le principe de l’AVS. Pour un renforcement des dispositions légales réprimant les violences faites aux femmes.
  • Droits des travailleurs/euses. Pour un salaire minimum légal de 3500 francs nets par mois, indexé au coût de la vie. Renforcement de la protection légale contre la précarisation du travail et les licenciements. Contre la dérégulation des horaires de travail (travail sur appel, travail de nuit et du dimanche). Diminution du temps de travail hebdomadaire.
  • Sécurité sociale. Pour une intégration du IIe pilier à l’AVS; pour un système unique de retraites populaires fondé sur la solidarité qui permette de vivre dignement. Pour une caisse nationale d’assurance maladie avec primes proportionnelles aux revenus.
  • Bien commun. Pour un service public répondant aux besoins de la population, respectueux de l’environnement et accessible à toutes/tous (gratuits ou bon marché) et contrôlé démocratiquement, dans les domaines de la santé, de la formation, de la culture, des transports en commun, des communications, de la poste, du logement social, de l’eau, de l’énergie et du traitement des déchets.
  • Fiscalité. Pour une politique fiscale redistributive, fondée sur l’Impôt Fédéral Direct et non sur la TVA. Pour une imposition plus forte de la richesse, des gains en capitaux et mouvements spéculatifs à court terme (taxe Tobin); pour un impôt fédéral sur les grosses successions affecté au financement solidaire de l’AVS.
  • Immigration. Pour le droit à la naturalisation après cinq ans de résidence. Régularisation de tous les sans-papiers. Rejet de toute législation et police d’exception concernant les étranger-e-s. Non à la Loi sur les étrangers (LEtr) et à la nouvelle révision de la loi sur l’asile. Droit à l’emploi pour les requérant-e-s d’asile.
  • Droits des gays et lesbiennes. Refus de toute discrimination juridique ou administrative fondée sur l’orientation sexuelle. Les autorités fédérales doivent mener une campagne active contre l’homophobie.
  • Environnement. Pour le développement des transports publics: abonnement général CFF (SBB) 2e classe au prix de l’impôt auto le moins cher. Sortie rapide du nucléaire. Opposition à l’agro-business et aux OGM.
  • Paix et solidarite internationale. Pour la suppression de l’armée et le transfert de son budget à la sécurité sociale; non aux exportations d’armes. Exigeons de l’ONU qu’elle condamne les guerres d’agression et défende le droit à l’autodétermination des peuples. Appuyons les demandes de réparations des populations spoliées par le colonialisme. Pour l’annulation de la dette du tiers monde et la fixation de l’aide publique au développement à 0,7% du PNB.