La France voit rouge


La France voit rouge!


Après les Municipales, aux côtés des salarié-e-s en lutte de Danone, de Marks & Spencer ou de la SNCF, que propose la Ligue Communiste Révolutionnaire ?le 5 mai, elle réunissait ses membres et sympathisant-e-s à Annecy. Nous y étions …

Rédaction

Une vingtaine de militant-e-s de la LCR, ou membres ou ex-membres de la Coordination Communiste (issue du PCF) ou inorganisé-e-s se sont retrouvés le samedi 5 mai, à l’invitation de la LCR Haute-Savoie, pour discuter sur le thème: «Après les municipales, que propose la LCR?». La réunion était introduite par Léonce Aguirre, responsable national de la Ligue. Nous reproduisons ici sommairement les principaux éléments de son intervention, qui allait débuter par un rapide bilan des résultats de la gauche radicale (voir bas de page).


Succès de la gauche anticapitaliste


Les scores électoraux cumulés de l’extrême gauche et des anticapitalistes radicaux, notamment des listes de LO, des listes «100% à gauche» présentées ou soutenues par la LCR et qui étaient largement ouvertes à des militants syndicaux et associatifs ou de coalitions plus spécifiques, comme à Annecy, dans la région lyonnaise, en Bretagne ou à Marseille, ont représenté 5 à 20% de l’ensemble des suffrages, là où elle se présentaient. On se rappelle que LO avait décliné la proposition de la LCR en vue de listes communes parce qu’elle refusait toute proposition d’élargissement et aussi à cause des divergences sur le second tour, alors que la LCR avait pourtant proposé que les têtes de liste ne donnent aucune consigne de vote (ce qui allait dans le sens de l’ortientation de LO), chacune des organisations étant libre de donner les consignes qu’elle entendait. Ces résultats montrent qu’il existe une frange significative des salarié-e-s qui rompent avec la gauche plurielle au pouvoir, sans pour autant tous adhérer nécessairement à un programme de rupture avec l’ordre capitaliste. Des retours en arrière ne sont donc pas exclus, au cas où la gauche et les verts seraient rejetés dans l’opposition.Néanmoins, la question est aujour-d’hui sérieuse: comment amplifier ce phénomène en le liant de plus en plus aux luttes de secteurs sociaux qui refusent la logique du système capitaliste?


Gain de mairies par la droite classique et enracinement de l’extrême droite


La droite classique a gagné de nombreuses mairies à l’exception de Paris et de Lyon. Mais dans ces deux villes, la gauche a d’ailleurs gagné à partir d’une campagne très modérée, auprès d’un électorat moins «populaire» qu’ailleurs, et surtout, en raison des divisions qui déchiraient la droite. Ces résultats traduisent la crise endémique des institutions de la Ve République (du RPR notamment), mais révèlent aussi la capacité de la droite de mener des campagnes de terrain avec un personnel politique rajeuni.


Dans ce contexte, le MEDEF (faîtière patronale) est appelé à jouer un rôle politique croissant, comme centre d’impulsion des initiatives des patrons, non sans tensions et divisions d’ailleurs. C’est pourquoi, la LCR avait décidé de marquer le 1er Mai en bombardant le siège parisien du MEDEF avec des fromages blancs Danone. De son côté, l’extrême droite a payé sa division en termes de résultats électoraux, tout en gardant ses bastions de Vitrolles, Marignane et Toulon, contrairement à bon nombre de pronostics, ce qui montre que son style de gestion municipale a trouvé un certain répondant dans de larges couches populaires.


Gauche plurielle en difficulté


La gauche plurielle a stagné, voire reculé, victime souvent de l’abstention. Le PCF a été frappé de plein fouet, perdant une série de mairies. Il devenait en effet difficile de conserver l’exécutif de villes d’une certaine importance avec des résultats nationaux plafonnés à 6-7%. Surtout du moment que des personnalités âgées, souvent issues de la résistance ou de l’immédiat après-guerre, se retiraient de la course. Les quelques positions conservées, le parti les doit d’ailleurs essentiellement à des maires, mettant en avant leur bilan, et non à son influence politique propre. Cet échec cuisant ne peut que relancer le débat sur la participation gouvernementale, même si, pour l’heure, la messe est dite.


De leur côté, les verts sortent gagnants de l’exercice. Ils paraissent largement épargnés par la vague de contestation de la politique gouvernementale, peut-être parce qu’ils assument des responsabilités limitées (deux ministères relativement périphériques). Sur le front syndical, la CGT apparaît de plus en plus coincée entre la CFDT et les SUD. Il ne faut pas négliger que la politique «ultra-réaliste» de la CFDT a gagné du terrain, dans un contexte marqué par une longue suite de défaites – souvent sans combat – des salarié-e-s. Récemment, la CGT a joué un rôle modérateur (grève à la SNCF, «ouverture du capital» de GDF – Gaz de France).


Tout récemment, alors que le PCF mobilisait contre les licenciements à Calais, en faisant bouger l’un de ses derniers bastions, la CGT a refusé de lui emboîter le pas au niveau national. De leur côté les SUD et la FSU (syndicat enseignant positionné à gauche) n’y étaient pas représentés. En dépit du caractère sectaire et récupérateur de l’appel, la LCR en était, avec un discours critique, en solidarité avec les «LU» (travailleurs des biscuiteries en lutte contre les licenciements).


Toutes et tous à Paris le 9 juin!


Depuis plusieurs mois, le front social se durcit: à la SNCF, à l’ANPE (Agence Nationale Pour l’Emploi), parmi les sage-femmes, les fonctionnaires, les enseignant-e-s, dans les entreprises qui licencient. Les marges de manoeuvre du gouvernement se rétrécissent. Récemment, il a dû revenir en arrière sur la privatisation de GDF! Dans ce contexte, l’initiative prise par l’intersyndicale des «LU» il y a quelques jours, pour une montée nationale sur Paris, le 9 juin, en faveur de l’interdiction des licenciements, prend une signification extrêmement importante. Sans s’opposer à la journée nationale du 22 mai appelée par la CGT, les «LU» ont placé leur initiative au-delà, comme une échéance nationale pour toutes celles et tous ceux qui entendent dire un NON radical au droit de licencier. Le cadre permet une mobilisation unitaire extrêmement large. L’objectif est au centre de la cible: il articule un sentiment profond des salarié-e-s avec une mise en cause des droits discrétionnaires attachés à la propriété capitaliste.


La marche du 9 juin sur Paris a été discutée avec les salarié-e-s de Marks & Spencer. Toute la gauche politique la soutient, à l’exception notable du PS! Sur le front syndical, au moment où nous écrivons ces lignes, la CGT n’a pas encore répondu. Cette initiative ne tombe cependant pas du ciel. Les luttes d’aujourd’hui sont le résultat du travail patient de militant-e-s anticapitalistes depuis des années, dans les entreprises, en faveur d’une politique syndicale unitaire et offensive. Ceci explique pourquoi l’intersyndicale des «LU» présente au-jourd’hui un front sans faille dans l’action et se montre capable de conjuguer le verbe lutter au présent (résister aux licenciements), sans oublier d’en indiquer le sens: la mise hors-la-loi des licenciements, l’illégalisation du chô-mage, c’est-à-dire le refus de la logique même du capitalisme.




Municipales françaises: L’extrême gauche progresse


La LCR soutenait 93 listes, dont une trentaine avec d’autres forces politiques alternatives ou des militants et sections du PCF, notamment à Annecy; en tout 3500 candidat-e-s, soit deux fois plus qu’en 1995. 39 de ces listes dépassent les 5%, 28 les 7,5% et 12 les 10%. Elles totalisent plus de 25 élus.


Quelques résultats locaux: 8,6% à Clermont-Ferrand, 6,5% à Marseille I, 6,4% à Bayonne (1 élue), des pointes de 8 à 11% dans la banlieue bordelaise (6 élus), de 12 à 13,5% dans la banlieue de Rouen, 8,1% à Blois, 14,5% à Guesnain (2 élus) dans le Nord. En banlieue parisienne: Gennevilliers 9,5% (2 élus), Evry 9,7%, Vitry 8,6%, Savigny-le-Temple 10%, Saint-Denis 5,9% (1 élu). Bons résultats aussi des listes unitaires «Tous ensemble à gauche» en Bretagne (7,1% à Brest, 8,0% à Lorient) et des listes «A Gauche autrement» à Lyon (1er secteur 6,5%, 4e secteur 7,8%). De son côté, LO obtient 19,4% à Liévin, 10,6% à Laon, 10,5% à Colomiers ou encore 10,7% à La Courneuve en Seine-Saint-Denis.


Les voix réunies de l’extrême gauche et de la gauche radicale atteignent les 10% voire 15%: plus de 13% à Clermont- Ferrand, plus de 10% à Sotteville-lès-Rouen, près de 9% à Lille, de 7 à 9% dans les arrondissements de Lyon, plus de 8% à Vénissieux ou Marseille II; en banlieue parisienne, plus de 10% à Saint-Denis, Montreuil, Créteil, et même près de 16% à La Courneuve, 20% à Gennevilliers.


Dans cette situation, ce que la presse a baptisé «listes citoyennes», comme les «Motivé-e-s» à Toulouse, expriment aussi une certaine radicalité et une aspiration à faire de la politique autrement.