Les accords de Las Tunas II

Les accords de Las Tunas II

Le 9 août, les leaders des travailleurs-euses agricoles, les représentants du gouvernement, les maires de Matagalpa, San Ramón et La Dalia ont signé ce qu’on appellera les Accords de Las Tunas II. Les négociations, laborieuses, qui ont duré cinq jours et quatre nuits ont finalement abouti grâce à la mobilisation des 5000 marcheurs-euses contre la faim, restés unis et déterminés et à l’engagement de l’évêque de Matagalpa, à la fois comme habile modérateur des discussions et, en coulisse, comme catalyseur de contacts indispensables.

Tournant dans la lutte


Sadrach Zeledón, maire sandiniste de Matagalpa participant à la négociation, estime que la solidarité croissante envers la lutte des travailleurs-euses agricoles de la part de la société civile, ainsi que la couverture médiatique internationale, ont poussé le gouvernement à la négociation. Selon lui, à l’issue de cette nouvelle lutte, trois points novateurs ont émergé:

  1. Le gouvernement ne pourra plus tergiverser et les accords devront être appliqués. D’une part car ils sont concrets et comportent un calendrier précis, d’autre part parce que l’Eglise, comme d’autres organismes de la société civile, se portent garants de leur application.
  2. Les travailleurs-euses agricoles ont gagné une grande bataille, celle de la terre. Pour la première fois depuis la défaite sandiniste, ils ont retourné le cours de la contre-réforme agraire, imposant leurs revendications d’accès à la terre pour 2500 familles dans le département de Matagalpa, porteuse d’espoirs de renouveau syndical de l’ATC.
  3. La longue marche des travailleurs-leuses du café a payé. D’autres secteurs agricoles en lutte pourraient suivre l’exemple: celui du tabac, de la canne à sucre, des petits paysans d’Achuapa, des coopérativistes de Chinandega.

A chaque famille sa terre

En résumé, les Accords de Las Tunas II stipulent que 2500 familles sans terre, n’ayant jamais bénéficié d’un programme de réforme agraire, recevront trois hectares de terres cultivables. Ces parcelles familiales ne pourront pas être vendues et sont destinées à assurer l’autosubsistance. Les bénéficiaires payeront 50% de la valeur des parcelles, par contributions annuelles à partir de la 5ème année, et ceci sur 30 ans si nécessaire, sans intérêt. Un plan d’appui à la production avec répartition de semences et d’animaux de basse-cour sera mis sur pied, puis dans un an, un plan de logement rural débutera.

Dernière chance pour les coopératives

Les 15 haciendas de café passées aux mains des travailleurs-euses agricoles lors de la défaite sandiniste de 1990, en dispute depuis des années suite aux réclamations d’anciens propriétaires ou à la banqueroute frauduleuse d’un gros consortium agricole (Agresami), seront définitivement accordées aux travailleurs-euses et aux démobilisés de l’Armée ou de la Résistance (ce qu’on appelait la «Contra»). A part trois haciendas déjà parcellisées au titre de la réforme agraire pour les démobilisés, les 12 autres seront vendues à 40% de leur valeur, à payer sur 20 ans sans intérêt, aux 12 coopératives agricoles qui les exploiteront en commun.

Mesures sociales et urgentes

Un emploi temporaire sera accordé à 5000 personnes jusqu’à la prochaine récolte de café de novembre 2003. L’emploi pourra être productif (travail sur les parcelles ou les haciendas) ou communautaire (route, reforestation). Le montant du subside est d’environ 35 cordobas (2.25 dollars) par jour.


Les mesures sociales (cantine scolaire, éducation, attention sanitaire et médicaments gratuits) seront intensifiées.

De nouveaux défis

Jamais depuis la Révolution Sandiniste les travailleurs et travailleuses agricoles n’ont été aussi près d’obtenir une parcelle de terre propre qui assure la survie de leur famille. Quant aux travailleurs-euses qui vont obtenir des titres de propriété des haciendas de café, un immense défi les attend désormais après la lutte: celui de la production, du développement et du commerce équitable, auquel les organismes d’entraide seront évidemment appelés à participer!


VL-GF
(de Matagalpa 11 août)