Mouvement anti-guerre: sommet mondial à Djakarta

Mouvement anti-guerre: sommet mondial à Djakarta

A cause de toutes les morts et destructions qu’elle a causées, l’invasion de l’Irak par les Etats-Unis a donné naissance à un mouvement antiguerre global tout à fait surprenant et historique, que même le New York Times a été forcé d’appeler «l’autre superpuissance mondiale». L’importance indéniable de ce mouvement n’a jamais été plus vigoureusement démontrée que lors des manifestations massives coordonnées au niveau international qui ont déferlé dans le monde le 15 février dernier.


Après l’invasion et l’occupation de l’Irak par l’une des superpuissances, les représentant-e-s de cette autre superpuissance se sont immédiatement réunis à Djakarta pour analyser la présente conjoncture, pour mettre au point ses prochains plans et élaborer sa future stratégie.


La conférence de Djakarta en Indonésie, organisée dans l’urgence, du 19 au 21 mai 2003, était ouverte à tou-te-s. Les participant-e-s sont venus de certaines des plus grandes coalitions et regroupements nationaux et régionaux pour la justice et pour la paix dans le monde.


Etaient représentés notamment des délégué-e-s de l’Asian Peace Alliance, un large réseau d’organisations antiguerres de toute l’Asie; Stop the War Coalition de Grande-Bretagne, qui a organisé les manifestations historiques de Londres; United for Peace and Justice, la plus grande coalition antiguerre des Etats-Unis; le Forum social italien, organisateur clé de la manifestation d’un million de personnes durant le Forum social européen de l’année passée; Istanbul No to War Coordination, qui était responsable des actions massives en Turquie; et Books not Bombs, un mouvement lycéen australien, ainsi que bon nombre d’autres coalitions nationales antiguerre.



D’autres mouvements étaient aussi représentés: des militants irakiens pour la démocratie, les organisateurs/trices du prochain Forum social mondial en Inde, des déléguées de la Marche mondiale des Femmes, des syndicats indonésiens, le South Africa Anti-Privatization Forum, Greenpeace, Focus on the Global South et Jubilee South. D’autres délégué-e-s du Pakistan, de Palestine et un exilé irakien au Japon avaient l’intention de participer mais n’ont pas reçu le visa indonésien. (…)


Les participant-e-s ont mis au point le «Consensus de paix de Djakarta». Nous publions ici l’essentiel de sa première partie, intitulée «Déclaration d’unité»1

  1. L’ensemble de ce document, traduit en français par nos soins, se trouve sur notre site . Les coupures et les intertitres sont de notre rédaction.

(…) Nous déclarons la guerre et l’invasion de l’Irak injuste, illégale et illégitime et appelons la communauté internationale à condamner cette agression conduite par les USA. Nous demandons un retrait immédiat de toutes les troupes étrangères d’Irak et que les Irakien-ne-s soient autorisé-e-s à déterminer leur futur en lien avec le principe de l’autodétermination. Cette conférence appelle tous les gouvernements à suspendre la reconnaissance de tout régime mis en place en Irak par les occupants étasuniens.

Pour un tribunal des peuples

Nous proposons aux mouvements pour la justice et pour la paix d’établir un Tribunal international des peuples pour juger les fauteurs de guerre et pour enquêter sur les crimes de guerre. Les alliés de guerre doivent assumer la responsabilité politique, morale et économique de leurs crimes.


Ceci inclut le payement de réparations de guerre directement aux Irakien-ne-s, qui devraient administrer la reconstruction de leur pays indépendamment du contrôle des compagnies étrangères, de la Banque mondiale, du Fonds Monétaire International et des Nations Unies. De même, les membres permanents du Conseil de sécurité doivent endosser la responsabilité des effets de plus de dix années de sanctions. Nous appelons à l’annullation totale de la dette de l’Irak. Dans le même temps nous dénonçons l’hypocrisie du gouvernement étasunien qui appelle lui-même à cette annullation pour servir ses objectifs, tout en exigeant le payement de dettes démesurées de tous les autres pays en voie de développement.

Solidarité avec le peuple palestinien

Alors que les tanks et les bombes détruisaient l’Irak, en Palestine voisine, les forces armées israéliennes, soutenues par les USA, continuaient d’assassiner, harceler et incarcérer le peuple palestinien, par des mesures qui rappellent l’Apartheid d’Afrique du Sud. Nous nous engageons dans la lutte internationale pour la fin de l’occupation coloniale de la Palestine et appelons au démantèlement de toutes les colonies israéliennes et le droit au retour de tou-te-s les réfugié-e-s palestinien-ne-s. Nous condamnons l’incessante ingérence étasunienne en Palestine et demandons la reconnaissance des droits nationaux palestiniens comme précondition d’une paix juste et par conséquent durable dans la région.


Nous voyons l’invasion de l’Irak comme faisant partie de la guerre économique en cours contre les peuples du Sud. Soumis aux règles du FMI, de la Banque mondiale et de l’OMC, notre monde devient de plus en plus injuste et inégal. A Cancun au Mexique, en septembre, se tiendra un autre forum, le sommet de l’OMC, au cours duquel les leaders du monde impérialiste mettront au point leurs stratégies. Ils plongent le monde dans une série de guerres pour la quête du pétrole, pour l’hégémonie économique et politique et pour assurer la mise sous le joug de la classe travailleuse et des masses appauvries.

Stopper la «guerre sans fin»

Au nom de la lutte contre le «terrorisme, le gouvernement étasunien a créé le concept indéfendable de guerre préventive. Sous cette bannière il a attaqué l’Afghanistan hier, l’Irak aujourd’hui, tandis que les cibles de demain pourront être la Syrie, l’Iran, la Corée du Nord, le Venezuela, la Colombie, Cuba, ou toute autre nation considérée comme opposée aux intérêts politiques et économiques du gouvernement étasunien.


Nous constations avec inquiétude la militarisation croissante du monde qui s’exprime à la fois par des guerre ouvertes ou cachées et la prolifération de bases militaires étasuniennes, des dépenses militaires en hausse et des opérations de guerre. Nous nous opposons aux actes d’agression, qu’ils soient contre le peuple d’Aceh, de Mindanao, du Cachemire ou du Kurdistan.


Dans cette atmosphère de militarisme, le harcèlement policier de communautés marginalisées, de migrant-e-s et de minorités ethniques augmente. Nous appelons au désarmement global. En particulier, nous demandons le démantèlement de toutes les armes nucléaires. Nous soutenons l’appel à faire du Moyen-Orient une zone libre d’armes de destruction massive, à commencer par Israël, l’Etat ayant la plus forte capacité destructrice.

Un internationalisme par en bas

Nous prenons la résolution de continuer à construire le mouvement international pour la paix et la justice, qui a montré sa force de manière éclatante, les 14 au 16 février, lorsque des millions de personnes ont défilé contre la guerre en Irak.


Nos principes comprennent aussi la construction d’un internationalisme authentique par en-bas, qui établisse une nouvelle communauté internationale basée sur l’égalité et la démocratie. Alors que notre travail est international, nous nous opposerons aussi à nos gouvernements nationaux sur les points où leurs politiques amènent leur contribution à la guerre, au militarisme et au néolibéralisme.


Nous nous opposons aux guerres sous toutes leurs formes, ouverte, déclarée, entre Etats, contre les mouvements sociaux, guerre économique contre les peuples pauvres du monde ou guerre contre les militant-e-s politiques et les opposant-e-s à l’ordre dominant. Nous visons à maintenir l’unité la plus large possible entre nos diverses organisations, y compris celles de la communauté islamique, les groupes de défense de l’environnement et les mouvements qui s’opposent au racisme et au sexisme.


Notre travail sera en lien avec les mouvements sociaux et de classe en expansion qui résistent à la mondialisation néolibérale, parce que la guerre avec des fusils et des bombes n’est que l’expression la plus sanglante de la domination du néolibéralisme et de l’impérialisme.

Paix authentique et justice globale

Nous appelons toutes les organisations, mouvements sociaux et personnes qui partagent notre analyse et plan d’action à se joindre à nos efforts communs orientés vers la création d’un Réseau mondial de Solidarité pour une Paix Globale dans le futur (…).


Nous croyons qu’un monde libre de guerre, d’exploitation, d’inégalité, de pauvreté et de répression est possible. Nous voyons la réalité de cette alternative visible au sein du mouvement croissant de la jeunesse, des femmes, des travailleurs/euses, des étudiant-e-s, des migrant-e-s, des chômeurs/euses, des militant-e-s des droits humains et pour la paix et la justice et des citoyen-ne-s, qui amènent leur énergie et leur ardeur et travaillent ensemble dans la lutte pour une paix authentique fondée sur la justice globale pour les peuples du monde entier.