Pride 03 Jura: faire connaissance

Pride 03 Jura: faire connaissance

Pour sa 7e édition romande, la Gay and Lesbian Pride va se dérouler à Delémont, les 5 et 6 juillet prochains. Cette Gay Pride dans le dernier-né des cantons suisses est l’occasion pour certain-e-s de rappeler avec fierté que la différence existe. Les acquis de liberté demeurent un objet de lutte qui ne se réduit pas à un penchant sexuel. Rencontre avec deux membres du comité d’organisation de la Pride du Jura, Nicole Béguin et Régis Froidevaux.

La pride commémore la révolte du «Stonewall» (voir page suivante), mais se déroule, depuis six ans, le premier week-end de juillet en Suisse romande. Pourquoi ne pas reprendre la date fondatrice du 27 juin?

N.B. En Suisse, c’est la Pride zurichoise, le «Christopher Street Day» (CSD) qui se déroule le dernier week-end de juin. En Suisse allemande, certaines personnes estiment que la Pride romande est moins établie, mais je verrais un risque de concurrence contre-productif si nous l’organisions le même jour. En effet, le CSD est l’occasion de contacts précieux avec les gays et les lesbiennes suisses allemand-e-s. En organisant la Pride romande après le CSD zurichois, ces militant-e-s peuvent se déplacer et apporter une plus grande visibilité à notre cause.


R.F. Le CSD a acquis avec les années un statut nettement plus commercial. En s’établissant, il a grandement perdu en visibilité dans l’affirmation d’une spécificité gay et lesbienne. D’autre part, il n’y a pas de tradition claire par rapport à la date du 27 juin. Par exemple, des Gay Pride se déroulent tout au long du mois de juin dans les villes de province en France.


N.B. La Pride romande a un impact sur toute une région. Chacune a son propre comité d’organisation, qui reçoit l’appui de Pink Cross1, et le bénéfice est réparti entre toutes les associations romandes, en plus d’un fond constitué pour la Pride suivante. Par rapport à la perte de visibilité du CSD zurichois, certaines associations suisses allemandes envisagent de le rendre aussi itinérant et de l’organiser dans des cantons plus décentrés, où l’homosexualité est vécue moins facilement que dans une grande ville.

Votre thème «Faire connaissance» est libellé de manière à faire un jeu de mot entre «connaissance» et «reconnaissance»…

N.B. C’est notre fil rouge. Il s’agit à la fois de faire connaissance, tant avec les gays et lesbiennes, qu’avec le Jura. Notre idée est de faire reconnaître que la composante gay n’est qu’une part de l’identité de certain-e-s d’entre nous, et que le Jura, par sa position géographique, est en lien constant avec la Romandie et la Suisse allemande. Nous avons également choisi de ne mentionner que le mot «Pride» sur notre affiche, sans ajouter gay et lesbienne, pour l’ouvrir à l’ensemble des gens et aux familles. Nous tenons par exemple beaucoup au fait que les discours se tiennent devant l’Hôtel de ville, symbole de la revendication de l’indépendance jurassienne depuis les années 50. Nous voulons faire connaître le Jura au reste de la Suisse romande et faire connaître l’existence de la diversité des attirances sexuelles aux Jurassien-nes. Nous avons opté pour la plus large visibilité possible et demandé la participation d’Amnesty International pour évoquer la situation des gays et lesbiennes dans d’autres pays. Nous voulons être solidaires et contrer les idées fausses: il n’est pas plus difficile d’être gay ou lesbienne dans le Jura qu’ailleurs, le premier cercle d’exclusion étant souvent familial.

Comme le canton, l’association homosexuelle jurassienne, Juragai, est la plus récente…

R.F. Nous venons de fêter nos quatre ans d’existence, mais nous sommes l’association la plus nombreuse. Nous nous trouvons dans une région décentrée, sans lieux commerciaux, mais notre but n’est pas de devenir un club de rencontre. Nous assurons surtout une présence et un soutien, tant pour les gays et lesbiennes, que pour leur famille. Les cotisations couvrent juste la location de notre local.

La Gay Pride de Sion, il y a deux ans, a suscité une polémique, de la part de l’Eglise catholique. Est-ce que les réactions ont été les mêmes dans le Jura?

R.F. Nous avons un contact positif avec les deux Eglises. L’Eglise réformée organise trois conférences sur le thème de l’homosexualité et se montre depuis quelques années ouverte sur ce thème. Dans notre programme pour la journée du 5 juillet, nous invitons les participant-e-s à la Pride à se joindre à la messe de 18h., qui sera célébrée à l’église St-Marcel, au cœur du «village». Pour nous, il s’agit d’éviter la confrontation avec les fidèles. La messe ne fera pas de prosélytisme gay, mais abordera les différences et deux gays liront des prières. Au vu des positions du Vatican, il s’agit d’une grande première de la part de l’Eglise catholique.

Pour conclure, pour quelles raisons est-il nécessaire de participer à cette Pride, a priori, lointaine du reste de la Suisse romande?

N.B. Je dirais à toute personne de venir dans le Jura, un canton ouvert, par solidarité, car nous sommes peu nombreux à être visibles comme gays et lesbiennes parmi nos concitoyennes et nos concitoyens.


R.F. Venez pour faire connaissance, plutôt que ce soit toujours à nous de descendre au bord du Léman. Venez faire la fête avec nous…


Entretien réalisé par Thierry DELESSERT

  1. Organisation faîtière des associations homosexuelles suisses qui coordonne les actions au niveau national. Site: www.pinkcross.ch