Genève 20-24 avril 2009: Durban II • Relancer la mobilisation contre le racisme


Du 20 au 24 avril 2009, la Conférence d’examen de la Conférence mondiale contre le racisme se tiendra à Genève. Elle fera le point après plusieurs années au cours desquelles ce fléau s’est développé. De Gaza au Sri Lanka et sur tous les continents les massacres de peuples minoritaires, de peuples soumis au joug néocolonial se poursuivent comme s’ils étaient des catastrophes naturelles et non le fruit empoisonné de la tutelle impérialiste.

L’antiracisme condamné ?En 2004, un parlement français arrogant voulait reconnaître le rôle positif de la colonisation. En 2007, à Dakar, Sarkozy lançait : « Le drame de l’Afrique, c’est que l’homme africain n’est pas assez entré dans l’histoire. » Ce racisme est présent dans les mémoires des personnes qu’il vise.Un capitalisme brutal élargit les inégalités sociales et des politicien·ne·s peignent les colères qu’elles provoquent comme des manifestations du racisme anti-blanc des « jeunes nés de l’immigration », enfants, petits-enfants – français – provenant des anciennes colonies.
    En Suisse, le  24 septembre 2006, la LEtr et la LAsi étaient votées au terme d’une très forte campagne de propagande. Depuis lors, les législations discriminatoires et la campagne raciste et xénophobe qui les justifient se sont renforcées.
    Dans ce contexte, une rumeur parcourt les blogs et les rédactions, qui dénonce la préparation de la Conférence d’examen et annonce son échec programmé. L’Organisation de la Conférence islamique (OCI), en exigeant que le blasphème soit jugé et condamné comme islamophobe, s’apprêterait à la prendre en otage. Les « excès » de 2001 seraient à craindre.

L’expérience de 2001

La Conférence mondiale contre le racisme s’était tenue du 31 août au 7 septembre 2001 en Afrique du Sud, à Durban.
    Vendredi 7 septembre, elle s’était terminée dans la controverse qu’avait soulevée le forum de la société civile. Le débat sur Israël et la Palestine avait donné lieu à des manifestations d’antisémitisme. Mardi 11 septembre 2001, les attentats de New York modifiaient le cours de notre époque.
    La brutale conclusion de la Conférence est mise en scène. Les réactions des médias et des chancelleries occidentaux sont immédiates.
    D’autres images, d’autres événements sont chassés de la scène médiatique. L’assassinat, le 4 novembre 1995, d’Yitzhak Rabin à Tel Aviv et la mort du processus d’Oslo. L’ascension à Jérusalem de l’Esplanade des mosquées par Ariel Sharon et ses hommes de main, le 28 septembre 2000. N’expliquaient-ils pas la colère qui devait se manifester à Durban ?
    La Conférence aurait suscité de l’espoir et provoqué de la déception. Au-delà d’un cercle de spécialistes, rien n’est connu du contexte dans lequel elle s’est réunie, de la déclaration et du programme d’action qu’elle a adoptés.

Quand l’ONU tirait la sonnette d’alarme

Kofi Annan, alors Secrétaire général des Nations Unies, avait présenté la Conférence dans ces termes : « Le fanatisme, la haine, les préjugés, voici les horribles symptômes d’une maladie dont l’humanité a toujours souffert, partout dans le monde. Le racisme peut, doit et sera mis en échec.»
    L’ONU soulignait que la lutte contre le racisme a été au cœur de sa mission depuis sa fondation, à l’ombre des horreurs de la Seconde guerre mondiale. Elle rappelait que les auteurs de la Charte des Nations Unies s’étaient juré que le monde ne serait plus jamais témoin de persécutions fondées sur la race et qu’ils avaient énoncé, dans ce document historique, que chacun·e, sans distinction de couleur, de sexe, de langue ou de religion, pourrait désormais se prévaloir des droits humains et des libertés fondamentales.
    Que constate-t-elle pourtant à la veille de la tenue de la Conférence de 2001 ? « (…) La xénophobie et d’autres formes d’intolérance continuent de ravager nos sociétés. Au cours des dernières années, le monde a inventé un nouveau terme, la ‹ purification ethnique ›, pour décrire la réapparition d’un phénomène ancien. Il existe une discrimination persistante, voire accrue, contre les minorités, les peuples indigènes et les travailleurs-euses migrants (…) le durcissement des politiques d’immigration et d’asile et la diffusion sur Internet d’idées de supériorité raciale et d’incitation à la haine raciale ont exacerbé les tensions raciales. Même l’esclavage, sous ses formes traditionnelles ou contemporaines, continue d’être pratiqué dans certaines régions du monde et demeure un grave problème. »

Durban tout de même…

L’espoir est parvenu à tracer sa voie à travers un 20e siècle sanglant, soumis aux intérêts des pouvoirs en place. Pouvait-il arriver à bon port le 31 août 2001 à Durban ? Bien sûr que non.
    Résultat modeste d’une rencontre diplomatique écartelée par les contradictions qui opposent les peuples du monde aux puissances qui les manipulent, la Conférence était pourtant parvenue à formuler un message qui conteste ces puissances. Oui, la traite négrière et le colonialisme sont criminels. Oui, les politiques contre les migrant·e·s et les réfugié·e·s sont racistes. Oui, tout cela témoigne du poids de la botte occidentale sur les épaules de l’humanité.
    L’accusation d’antisémitisme portée sur les travaux du Forum de la société civile et clamée à tue-tête a immédiatement brouillé la réception ce message.
    Cette manipulation spectaculaire a donné naissance à une idée dangereuse qui accrédite le mythe du conflit des civilisations : l’Occident ne saurait être raciste car démocratique et respectueux de la mémoire de la Shoah. Il serait un rempart contre l’islamisme antisémite.
    Une première réunion de préparation en vue de l’organisation d’une manifestation internationale contre le racisme et la discrimination s’est tenue à Genève le 5 mars 2009. Dans ses livraisons à venir, solidaritéS publiera des contributions concernant le débat qu’ouvre la Conférence d’examen de Durban et la préparation d’une relance de la mobilisation.

Karl Grünberg
ACOR SOS Racisme