Un «casse-noix» pour Pages de gauche!

Face aux accusations d’antisémitisme et d’antiféminisme adressées par le journal Pages de Gauche au collectif de la Grève féministe, il est nécessaire de réaffirmer que nos luttes féministes sont aussi décoloniales et anti-impérialistes.

Une manifestante féministe tient une pancarte en soutien aux femmes palestiniennes
Manifestation pour l’élimination de la violence faite aux femmes, Lausanne 25 novembre 2023

«Un casse-noix est attribué aux trop nombreuses ‹féministes› qui soutiennent le Hamas et son idéologie théocratique patriarcale au nom du féminisme (!)». C’est avec ces lignes, accompagnées d’une image faisant directement référence au logo de la Grève féministe, que débute la rubrique «Le poing, la rose, le casse-noix» rédigée par la rédaction du journal Pages de gauche dans son numéro publié au début du mois de février 2024 [nº 190].  

Dans le corps de l’article, il est question de toutes «ces féministes» et de «ce féminisme» particulier qui «exclut bizarrement les femmes juives», et dont les représentantes auraient «remis en question les violences sexuelles et les féminicides du Hamas». Les rédacteur·rices en concluent que la position de «ces féministes» serait «violemment antisémite et antiféministe» et les «déposséderait de leur humanité, et de toute crédibilité»

La solidarité avec la cause palestinienne…

Que cela soit clair d’emblée. Pour les militantes féministes décoloniales que nous sommes, lorsqu’il s’agit de rapports de domination et de contextes de colonisation évidents – pour rappel, ceux de l’État d’Israël envers le peuple palestinien et cela depuis 75 ans – la solidarité avec la cause palestinienne, réaffirmée depuis le 7 octobre, relève de l’évidence; et transformer cette solidarité internationaliste en antisémitisme relève de la malhonnêteté intellectuelle. Dès lors, nous ne pouvons que déplorer que cette attaque provienne d’un journal se revendiquant de gauche, qui n’hésite pourtant pas à développer un discours raciste et islamophobe au nom de la défense (des droits) des femmes. 

Cette rhétorique est surtout connue sous le nom de fémonationalisme. Elle est généralement défendue par des partis politiques et mouvements de (l’extrême) droite. En attaquant ainsi la position de la Grève féministe et en refusant d’apporter leur soutien aux mouvements féministes pro-palestiniens, les auteur·ices du journal Pages de gauche se réduisent à être des messager·es de la propagande de (l’extrême) droite fascisante, et on ne peut pas dire que c’est indépendant de leur volonté! 

Dans le contexte politique actuel, mais aussi par notre militantisme au sein des espaces politiques de gauche, nous ne sommes pas sans savoir à quel point cette dernière est divisée et déchirée sur la question de la Palestine. Dans la continuité de cette tendance et au-delà des frontières nationales, il ne nous a pas échappé à quel point les partis sociaux-démocrates à travers l’Europe peinent à prendre position sur ce sujet, préférant rester des observateurs silencieux de la situation. 

À la question trop souvent posée tant par la sphère médiatique que par des allié·es au sein de notre camp politique et social, «Condamnez-vous le Hamas?», nous répondons que ce que nous condamnons, ce sont avant tout ces nombreuses «gauches» et ces nombreux·euses «camarades» devant qui nous devons sans cesse nous justifier, alors que la honte est dans leur camp; puisque ce sont elles et eux qui ne prennent pas de position! 

Il est usant de devoir écrire noir sur blanc et répéter que le fait de tuer des civil·es, violer des femmes, brutaliser des enfants est un crime contre l’humanité et que nous le dénonçons et condamnons. Les accusations de Pages de gauche, qui prétendent nous défaire de notre humanité, sont insultantes. À travers leurs attaques, ce n’est pas la Grève féministe mais bien les rédacteur·ices du journal elleux-­mêmes qui perdent toute crédibilité.

Une orientation féministe décoloniale et anti-impérialiste 

À nos yeux, le soutien aux populations opprimées et colonisées est un indice du bord politique auquel nous appartenons et du féminisme que nous défendons. Ce soutien est inconditionnel. Ainsi, si l’on défend le droit à l’auto-défense et à la résistance armée de la population ukrainienne, l’on se doit de faire de même lorsqu’il s’agit du peuple palestinien. C’est là que réside notre humanité.  

Pour conclure, en réponse à Pages de gauche et à tou·tes celles et ceux qui refusent de prendre position, nous pourrions retourner la question: Les femmes palestiniennes, ne sont-elles pas suffisamment des femmes pour s’attirer les bonnes grâces de votre féminisme? Le peuple palestinien n’est-il pas digne du soutien que vous affichez, au même titre et à raison, pour le peuple ukrainien

L’histoire nous a démontré que face à la colonisation, à l’apartheid et aux politiques génocidaires, le dialogue pacifiste et la paix sociale ne suffisent pas. C’est pour cette raison que nous défendons et continuerons de défendre le droit à la résistance du peuple palestinien, quelles que soient leurs armes de résistance. 

Nous profitons pour affirmer une nouvelle fois notre solidarité avec celleux qui luttent pour leur libération et n’avons pas honte de le faire car notre féminisme est décolonial et anti-impérialiste, et il le restera.   

Tamara Knezevic militante du collectif Grève féministe Vaud