Manifestation de soutien pour la maison de paille, 1er décembre !

Rendez-vous: 14 heures place de la Palud

Urgence écologique

Et pour en démontrer l’enjeu, voici le texte de Michel Thévoz paru dans 24 Heures:

Plaidoyer pour la maison de paille

Un chantier collectif et festif; une construction sur pilotis, sans empreinte au sol; une architecture sans architecte (dès que ça se veut artistique, ça devient laid); des matériaux biodégradables, alternative au fioul et au béton; un traitement des déchets par phyto-épuration; un terrain bien plus public qu’auparavant (l’aviez-vous jamais traversé ?), plus propre aussi (il était jonché de déchets). Bref, de la vraie écologie qui se moque de l’écologie, et qui encourt par conséquent l’anathème municipal décidément, le rose-vert du syndic tourne au gris béton, si ce n’est au noir casseur.

La qualité majeure de la maison de paille, à mon sens, c’est justement son illégalité. Depuis qu’un nomade s’est avisé d’occuper un terrain pour l’ensemencer, jusqu’à l’institution régicide de la démocratie, l’innovation a toujours pris la forme d’un coup de force, elle est illégale par définition. Ainsi, la maison de paille déroge-t-elle à une réglementation appropriée à l’affairisme des promoteurs, à la cupidité
des architectes et a la démagogie des responsables politiques, et qui a fait de Lausanne, à la suite de Bruxelles, un cas d’école en matière de catastrophe urbanistique.
La Municipalité évoque la possibilité d’un terrain périphérique et d’une reconstruction dans le respect des normes: encore un effet du délire de «systématisation» qui reviendrait à substituer une horreur «conforme» à la maison de paille, tout comme on a disposé des vasques de fleurs sur les parkings souterrains, des fontaines artistiques sur les rivières enterrées, de la pseudo-convivialité sur Le Flon sinistré, bref, les simulacres racoleurs du réel qu’on a anéanti.Peut-être les constructeurs de la maison de paille accepteront-ils le marché – on comprendrait leur souci de se reloger au seuil de l’hiver –, n’empêche qu’ils se sont engagés dans une entreprise qui dépasse leurs besoins vitaux. La menace qui pèse sur notre biosphère appelle une révolution des mentalités, elle confère une portée pour le moins symbolique à de telles expériences, qui mettent en question les techniques de construction, l’esthétique architecturale, les normes légales, la spéculation immobilière, etc. En réservant à César-Roux un tout petit espace à la vie urbaine résiduelle, les Lausannois expieraient si peu que ce soit un siècle de criminalité urbanistique.Au fait, compte tenu des scrupules légalistes, je proposerais d’octroyer à la maison de paille un statut culturel, historique ou
artistique, qui la soustrairait le plus légalement du monde aux tracasseries administratives. Je pense au Musée de la tradition paysanne à Ballenberg et au personnel qui anime les fermes anciennes: ce ne sont pas de vrais paysans, mais des employés de musée maniant des fourches en bois, ils ne fabriquent pas du vrai fromage conforme aux
normes fédérales mais des spécimens historiques. Bref, puisqu’à Lausanne on ne tolère la vie que sous vitre protectrice, muséifions carrément la zone concernée, convertissons-la en un zoo humain, où les promeneurs dominicaux et les touristes pourront aller observer les derniers représentants d’une espèce qui fut naguère conviviale et inventive.

Michel Thévoz, historien de l’art, 24H 22.11.2007