Crédit d’étude pour le MCBA (2e débat)

Voici l’intervention de Jean-Michel Dolivo lors du 2e débat au sujet du crédit d’étude pour le Musée cantonal des beaux-arts. A noter que Jean-Michel Dolivo fait partie du comité référendaire contre le nouveau musée des beaux-arts, mais que cela n’implique pas solidaritéS-Vaud.

Mon intervention est à placer sous le signe d’une défense inconditionnelle à la culture pour tous et à la réalisation d’un nouveau MCBA ouvert à tous, donc aisément accessible en transports publics, inséré dans un réseau culturel et touristique cohérent (donner à découvrir plus au touriste comme au citoyen lambda), en d’autres termes, à la réalisation d’un musée respectueux des principes du développement durable, si chers à notre Conseil d’Etat et à la Ville de Lausanne.
Il s’agit certes aujourd’hui de ne voter qu’un crédit d’études et d’éviter d’aborder les sujets de fond selon le souhait du Conseil d’Etat. Mais, force est de constater que les éléments de réflexion apportés par l’EPFL sur le site de Rumine méritent une attention certaine. Le collectif du «Grand Rumine» s’en est saisi, et le Conseil d’Etat aurait bien fait de s’en saisir aussi, mais surtout d’y apporter des réponses cohérentes, plutôt que de se draper dans sa dignité d’autorité exécutive qui a certes décidé dans sa grande sagesse, mais certainement pas dans une grande rationalité. L’attitude du conseil d’Etat (on ne discute pas sur les enjeux) ne rend hommage ni aux architectes qui ont œuvré pour Bellerive, ni hommage à la culture au sens large du terme, et ceci est regrettable

En effet, reconnaître qu’on a fait une erreur en oubliant de travailler et d’analyser le site de Rumine (qui vraisemblablement présente un potentiel intéressant, alors qu’il a été exclu d’emblée des sites potentiels) constituerait une démarche saine et constructive par rapport à l’enjeu en discussion. Chaque gestionnaire de projet sait pertinemment que, ce qu’on appelle la variante 0 ou 0+ doit toujours être envisagée dans les scénarios de planification; tel n’a pas été le cas, c’est pourquoi nous nous trouvons aujourd’hui dans cette situation «kafkaienne».

Pro ou anti-Rumine, tout le monde dans cet hémicycle s’accorde à regretter la faiblesse du plan d’affectation cantonal (PAC) sur la question des transports publics et de la mobilité douce, beaucoup s’interroge sur la création d’une fondation de droit public et le rôle des collectionneurs privés cherchant un écrin pour leurs joyaux. L’EMPD n’apporte pas beaucoup de réponses concrètes à ces questions, à tel point que le rapport de majorité précise que «soutenir le MCBA, c’est finalement faire un acte de foi». C’est tout de même un argument assez faible pour porter un projet d’une telle ampleur.
Concernant les transports publics et la mobilité douce, comment le canton peut-il se permettre une telle attitude et une telle absence d’anticipation alors qu’il ne cesse de demander aux communes et à la Confédération de développer des mesures dans ces domaines?
Concernant la mise en valeur des collections privées, en quoi seraient-elles mieux mises en valeur à Bellerive, plutôt que dans un Rumine revisité? Pourquoi ce diktat de la fondation, Bellerive ou rien?
Concernant la planification, comment se fait-il que le Conseil d’Etat ait changé son fusil d’épaule, annonçant dans son 1er EMPD la volonté de définir dans un premier temps les conditions de construction, puis d’organiser le concours d’architecture dans une seconde phase et finalement faire l’inverse ? Pourquoi ce changement d’attitude assez symptomatique (valorisation de l’objet architectural «envers et contre tout»), alors que l’expérience réussie du gymnase intercantonal de la Broye a montré qu’on peut planifier en première étape et réaliser un concours d’architecture en deuxième étape? La réalisation d’un projet «sous contraintes» permet également de faire émerger des solutions créatives, ce qui est le cas du gymnase de Payerne.
Concernant les règles relatives à l’aménagement du territoire (et bien que non spécialiste), comment le canton peut-il prôner la notion d’intérêt public prépondérant pour l’aménagement d’un musée à Bellerive, alors qu’il lui faudrait normalement prouver qu’aucun autre site n’est potentiellement aménageable pour ce musée, ce qui, admettons-le n’est pas vraiment le cas ?
Concernant le plan général d’affectation (PGA) de Lausanne, comment le canton, respectivement la ville de Lausanne pourront-ils assumer ce qu’on appelle la sécurité du droit, un PGA adopté en 2006 peut-il être modifié sans cesse au gré des opportunités des uns et des autres? Comment refuser à d’autres ce que le canton s’octroie?
En conclusion
Pour certains, beaucoup de questions restent sans réponses, pour d’autres, la peur de se retrouver devant un vide et la nécessité d’aller de l’avant sont plus forts.
Pour ma part, je crois surtout, qu’il nous faut éviter de devoir regretter et c’est pourquoi vu l’impossibilité d’agir autrement, j’en appelle à la conscience de chacun pour refuser ce crédit d’étude et remettre l’ouvrage sur le métier.
Pour mémoire, je vous rappellerai 2 cas d’école qui ont valeur d’exemple aujourd’hui et où le pouvoir politique avait pris de mauvaises décisions. Le premier, c’est le cas de Lavaux où quelques iconoclastes (in)conscients se sont battus pour protéger ce patrimoine, ce qui nous a valu récemment une inscription à l’Unesco et le second c’est le tram bernois qui a failli être démantelé dans les années 60, et qui a finalement été maintenu grâce à quelques convaincus avant l’heure de l’utilité du transports public.
Tout ceci pour dire que nous avons déjà la place de la Riponne à Lausanne dont tout le monde se gausse; évitons un autre couac et saisissons l’opportunité qui nous est donné de faire mieux que ce qui nous est proposé.

21/05/2008