Les astéroïdes en ligne de mire

L’exploitation d’astéroïdes pour leurs réserves de métaux précieux est-elle réalisable, nécessaire, et surtout avec quelles conséquences? Questions peu importantes pour des compagnies telles que Deep Space Industries ou Planetary Resources Incorporated dont les capitaux sont d’ores et déjà engagés dans la ruée vers l’or spatial. Quand la terre aura livré ses dernières richesses, c’est au-delà du ciel qu’ils iront les chercher!

Ces derniers mois, on a pu assister à des déclarations étonnantes. En novembre 2015, les Etats-Unis acceptaient une loi permettant aux entreprises américaines de s’approprier des ressources extra-­planétaires. En février dernier, c’est le Luxembourg qui annonçait la mise en place d’un cadre juridique pour que les investisseurs privés puissent acquérir des richesses provenant de l’espace. L’ironie pousserait à dire que ces gouvernements font des plans sur la comète.

 

 

Des juteux profits extra-terrestres

Malheureusement, ces annonces ont été prises très au sérieux par les entreprises de la branche dont Deep Space Industries et Planetary Resources Incorporated, deux startup basées aux Etats-Unis, représentent les leaders actuels. Ces deux compagnies engrangent à elles seules plusieurs milliards d’investissements privés chaque année. Les fonds ainsi réunis sont actuellement utilisés pour le lancement de satellites d’observations qui remplissent la première tâche de toute entreprise d’exploitation minière: l’exploration. Ces appareils ont pour but de repérer et caractériser les astéroïdes proches de la terre contenant des ressources potentiellement intéressantes. En juillet dernier, Planetary Resources Incorporated lançait avec succès son premier satellite pour la somme «dérisoire» de 1,5 millions de dollars.

Les éléments du groupe du platine (EGP) constituent la première cible de l’exploration minière spatiale, car ces métaux valent leur pesant de cacahuètes (~30 000 francs le kilo de platine). Selon l’institut d’études géologiques des Etats-Unis, les ressources mondiales en EGP sont d’environ 100 millions de tonnes tandis que la production mondiale varie aux alentours de 450 000 tonnes par année. En théorie il faudrait donc environ 2 siècles pour extraire la totalité des EGP de la croûte terrestre. Cependant, le coût et la difficulté de production des métaux augmentent de façon exponentielle à mesure que les ressources diminuent. En effet, plus on extrait plus il est difficile d’extraire d’avantage.

C’est de ce constat qu’est née l’idée d’augmenter les stocks de minerai accessibles en incluant le matériel «disponible» au-delà de la surface de la planète. De cette manière, la société répondrait aux besoins de la consommation moderne tout en offrant aux entreprises impliquées des perspectives de profits faramineux. En résumé, il s’agit une fois de plus de proposer des solutions aux implications incertaines afin d’éviter de poser la vraie question de la gestion de la production et de la consommation des ressources naturelles actuellement à notre disposition.

Un progrès spatial plutôt que sociétal

Sur la question de la faisabilité de l’exploitation minière spatiale, les scientifiques les plus optimistes estiment qu’il faudra encore une vingtaine d’années de développement avant de pouvoir ramener les premières tonnes de métaux extraterrestres à un prix permettant d’obtenir des profits satisfaisants. Les projets actuels incluent des stations spatiales entièrement automatisées construites directement sur le sol des astéroïdes à l’aide d’imprimantes 3D et autres technologies expérimentales.

Un problème rarement traité par les acteurs de la branche est l’impact environnemental que suggère un tel développement du transport Terre-espace. A l’heure actuelle, chaque lancement de fusée coûte environ 1,3 millions de kWh et dégage 700 tonnes de CO2, soit l’équivalent de la consommation annuelle de 150 personnes en Suisse! Rappelons au passage que les fusées sont dotées de la technologie de propulsion la plus efficiente, autrement dit des moteurs propres et peu gourmands…

A cela s’ajoute les dommages à la couche d’ozone occasionnés lorsqu’un engin lui passe au travers. Aujourd’hui les vols sont suffisamment peu fréquents pour que l’ozone se régénère, mais une augmentation importante du transit aurait des conséquences catastrophiques.

La perspective de l’exploitation minière spatiale peut laisser sceptique, mais elle est surtout un élément révélateur du fonctionnement de la société actuelle. Face aux problèmes que représente l’épuisement des ressources naturelles en raison du développement industriel moderne, la solution envisagée est de parier sur le progrès technologique et technique, en sacrifiant l’environnement au passage, plutôt que de repenser l’organisation de la société.

Dans le domaine des métaux précieux comme pour toute autre ressource non renouvelable, les premières mesures à prendre afin d’éviter une pénurie devraient avant tout inclure une diminution du gaspillage engendré par des secteurs tels que l’armement ou le marketing alliée à une diminution du temps de travail tout en cessant de valoriser la consommation. Toutefois, de telles mesures ne pourront être appliquées tant que profits et croissance resteront les maîtres mots.

Florian Martenot