Votations du 5 juin 2016

Votations du 5 juin 2016 : «Pro service public», vraiment?

Le seul mérite de l’initiative «En faveur du service public», soumise au vote le 5 juin prochain, est de remettre en cause les salaires indécents des directeurs·trices des anciennes régies publiques. Les initiant·e·s soulignent également à juste titre les dégradations du service public depuis le renforcement du tournant clairement néolibéral pris par le Parlement fédéral à compter de 1998 (démantèlement des PTT, transformation des anciennes régies fédérales en sociétés anonymes gérées selon les principes de «l’économie d’entreprise», etc.).

Les conséquences en sont con­nues: fermeture de 1800 bureaux de poste, augmentation des prix des billets CFF, des frais de téléphones, etc… Les questions soulevées sont donc légitimes. Pourtant, les solutions proposées sont peu pertinentes, voire franchement nuisibles.

Les prestations de base dont parle l’initiative ne sont pas définies, et pour cause, puisque ce texte ne prévoit pas de les développer: le titre de l’initiative est donc trompeur. Le remède pour maintenir un service public de qualité impliquerait de revenir au monopole public (lequel ne subsiste à ce jour que pour les lettres, jusqu’à 50 grammes, pour La Poste, et pour le trafic de voyageurs à longue distance, jusqu’en 2017, pour les CFF) et de tourner le dos à la libéralisation et à la recherche du profit.

Ayant renoncé à remettre en question la libéralisation, les initiant·e·s se rabattent sur «l’interdiction des subventionnements croisés». Il s’agit d’empêcher les anciennes régies fédérales de reverser une partie de leurs bénéfices à la Confédération, donc, en principe, pour d’autres tâches de services publics. Si cette règle entrait en vigueur, la Confédération et les cantons seraient privés d’un total de recettes d’environ 1, 2 milliard de francs par an, qu’il faudrait compenser d’une autre manière (hausses d’impôts ou mesures d’économies dans d’autres domaines des services publics).

Le subventionnement des secteurs les moins rentables grâce aux excédents des secteurs les plus rentables est un mécanisme fondamental du service public. Si le but des initiant·e·s est de lutter contre les hausses de tarifs des services publics, les moyens envisagés ne peuvent que se retourner contre les usagers·ères des services public dans de nombreux domaines, sans que ne soit remis en cause leur libéralisation et leur démontage. Un mauvais projet qu’il convient donc de rejeter.

Pierre-Yves Oppikofer