Hausse des primes maladie

Hausse des primes maladie : Les mauvais jours finiront-ils ?

Un Black Friday pour les classes populaires : comme chaque année, le dernier vendredi du mois de septembre a apporté des mauvaises nouvelles pour les faibles revenus. Les médias annonçaient l’enième augmentation des factures de l’assurance maladie, de 4 % en moyenne en Suisse. À Genève, dès janvier, il faudra payer 5 % de plus pour les adultes et 7 % pour les enfants. Dans le Jura, la hausse atteint 7,4 % et à Neuchâtel 8,2 %.

Les primes augmentent, les salaires stagnent. À Genève, la prime mensuelle moyenne pour une personne adulte, sans accidents, est passée de 320 francs en 2000 à 525 francs en 2016. Une moyenne de 4 % de plus par année, soit 60 % en quinze ans. Entre temps, les revenus des sa­larié·e·s n’exerçant pas de fonctions de cadre augmentent de 1 % par année. Les grands patrons s’approprient ainsi de la quasi-totalité des augmentations de salaire obtenues par les travailleuses et les travailleurs, qui voient fondre leur pouvoir d’achat.

 

Hausse des coûts: à qui la faute ?

 

Les caisses maladies mentent, de même que les politicien·ne·s qui relaient leurs discours, lorsqu’elles prétendent que l’augmentation serait imputable à l’irresponsabilité des assuré·e·s qui se rendent toujours plus chez le médecin. Cet argument est démenti par les données officielles, qui font état d’une augmentation des coûts de 1 à 3 %, soit bien inférieure à la hausse des primes. Cela d’autant plus que les caisses annoncent chaque année des bénéfices faramineux, à l’image des 153 millions annoncés par Helsana en 2013.

Si les maladies augmentent, c’est la faute aux patrons. En effet, le fait que les travailleuses et les travailleurs ont davantage besoin de soins est bien la conséquence d’un système économique inhumain. La dégradation de la santé est directement en lien avec la péjoration des conditions de travail, conséquence d’une augmentation des cadences, de pressions croissantes en raison de la libéralisation du marché du travail ainsi que d’heures supplémentaires (souvent non payées), imposées sous prétexte de crise économique. Selon la faîtière syndicale Travail.Suisse, les cas de stress liés au travail ont augmenté de 30 % au cours des dix dernières années. En parallèle, la SUVA annonce que les maladies psychiques et neurologiques causées par le travail augmenteront de 50 % d’ici 2030.

À cela s’ajoutent encore les déficits auditifs liés au bruit causés par le travail (25 % des maladies professionnelles), les infections et contaminations contractées en particulier par le personnel soignant, ou encore les maladies de la peau ou des voies respiratoires dans l’industrie. C’est parce que le travail rend toujours plus malade que les travailleuses et travailleurs consultent d’avantage leurs médecins.

 

 

Le double prix payé par les salarié·e·s

 

D’une part, les travailleuses et les travailleurs voient leur santé empirer alors qu’augmentent les profits du patron. D’autre part, une partie toujours plus importante des salaires est destinée à couvrir les frais de santé, donnant de juteux profits aux assureurs privés. Face à cette situation, il faut donc mener une lutte sur deux fronts. D’un côté, lutter pour un système de santé de qualité pris en charge par l’Etat et financé par des impôts progressifs sur le revenu. De l’autre, se battre contre la péjoration des conditions de travail et pour le respect du droit à la santé des classes populaires.

 

 

 Quatre initiatives, quatre rejets

 

Malgré la colère qui gronde, en presque cinquante ans de lutte pour une assurance maladie publique et financée en fonction du revenu, il n’a pas été possible d’obtenir une avancée, même minime, face au pouvoir des assureurs privés. Jusqu’à présent, le combat a été mené par les partis politiques «  progressistes  » à coup d’initiatives constitutionnelles. Entre 1970 et 2014, quatre projets ont été soumis aux électrices et électeurs, avec un taux de rejet se situant entre 76 % (1986) et 62 % (2014, uniquement pour une caisse publique). Le taux de participation à toujours été inférieur à 50 %.

Si la puissance électorale des assureurs privés s’explique en partie par l’inégalité des moyens économiques engagés dans ces campagnes, un clivage qui paraît difficile à combler, il ne faut pas négliger que parmi la majorité des électeurs et électrices qui ne se rendent pas aux urnes se trouvent souvent celles et ceux qui ont un revenu plus faible et qui subissent les premiers l’impact des politiques antisociales. Aux abstentionnistes s’ajoutent les personnes de nationalité étrangère, majoritaires parmi les revenus les plus faibles, qui subissent les hausses des primes sans pouvoir s’y opposer dans les urnes. Mener la lutte contre la privation de la santé par le biais d’initiatives fédérales signifie exclure de la lutte une grande partie des premières victimes. Un choix qui peut expliquer la défaite systématique de cette stratégie.

 

 

Pour des nouvelles formes de lutte

 

Comme le disait à juste titre Albert Einstein  : « La folie, c’est de faire toujours la même chose et de s’attendre à un résultat différent». Pour gagner cette bataille, il faudra donc innover. Les luttes récentes des migrant·e·s nous offrent un exemple intéressant. C’est dans l’organisation des personnes qui endurent les pires conséquences des politiques antisociales que l’on a su trouver l’énergie et la détermination nécessaires à inverser le rapport de force aujourd’hui favorable à la droite. C’est en ayant le courage de sortir des chemins institutionnels, tracés par la social-démocratie, et en osant la désobéissance civile organisée que l’on fera plier les représantant-e-s du grand patronat et que l’on obtiendra des victoires, toujours plus indispensables.

Marie Nozière