Burkina Faso

Burkina Faso : Un peuple combatif face aux incertitudes

Du 16 au 23 septembre, le peuple burkinabè a vécu dans l’angoisse en raison du putsch du RSP (Régiment de Sécurité Présidentielle, unité d’élite de l’armée burkinabè, composée de 1300 hommes, et ancienne garde rapprochée de Blaise Compaoré). Actuellement la vie reprend son cours dans le pays, non sans question et incertitude quant à la tenue des prochaines élections et donc au contenu de l’accord actuellement négocié. Légitimement, on peut aussi s’interroger sur les alternatives politiques et le rôle de la France. 

Depuis fin octobre 2014  avec la destitution de Compaoré, le Burkina Faso a été pris en main par un gouvernement de transition, composé notamment de Michel Kafando (président, ancien diplomate) et du lieutenant-colonel Zida (premier ministre, ex-RSP), opposé à son ancien corps d’armes et pris en otage en plein conseil des ministres, le 16 septembre dernier. Le putsch a immédiatement soulevé la colère de la population qui s’est rassemblée pacifiquement, le soir-même, devant le palais présidentiel de Kosyam, manifestation dispersée par le RSP. Durant cette semaine de troubles, des mouvements populaires ont été attaqués à balles réelles faisant 11 morts et 271 blessés selon le bilan officiel.

 

 

Les réactions des instances internationales

 

La communauté internationale, les pays de la CEDEAO (Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest) en tête, a rapidement condamné ces actes… en paroles. En effet, comment évaluer la position de la France, quand plusieurs sources burkinabès affirment que le numéro 2 du RSP, le colonel Coulibaly, se trouvait à l’école militaire de St-Cyr pour une formation, et que ce même pays a exfiltré Compaoré l’an passé. Que dire de la Côte d’Ivoire, dont le président Ouattara réfute un lien quelconque avec les putschistes, mais qui héberge Compaoré depuis fin 2014 et qui permet au chef du RSP, le général Diendéré, de rencontrer en toute discrétion l’ancien président et des hauts-gradés de l’armée ivoirienne… 5 jours avant le coup d’Etat. Quelles ont été d’ailleurs les motivations de Diendéré : œuvrer directement pour Compaoré, fuir en avant pour éviter d’être accusé dans l’enquête de l’assassinat de Sankara, empêcher la dissolution du RSP (exigée par la population au moment de l’insurrection de 2014 et reprise par le gouvernement de transition) ou permettre aux anciens du CDP (parti de Compaoré) de participer aux élections d’octobre 2015. Ces deux derniers points étant les justifications du RSP à son putsch…

 

 

La reprise en main par le gouvernement de transition

 

Le 23 septembre, Kafando et son équipe ont repris les commandes, grâce à la pression et aux mouvements de troupes de l’armée restée loyaliste à Kafando, à une diplomatie de pays de l’Afrique de l’Ouest et à la mobilisation et au courage populaires qui ont conduit à des discussions dès le 21 septembre. Concernant ce dernier point, il est important de relever l’attitude exemplaire de la population, cohérente dans la défense de ses aspirations au changement, et le rôle central du mouvement Balai citoyen, qui avait déjà été déterminant dans l’organisation des luttes pour la chute de Compaoré et ses sbires. Ses responsables ont été particulièrement visés par le RSP cette dernière année, de menaces verbales en incendie au lance-roquette de la maison de Smokey (rappeur et membre fondateur du mouvement).

Par ailleurs, les forces syndicales ont rapidement condamné le coup d’Etat et invité leurs mi­litant·e·s à la résistance…ce dont l’équipe gouvernementale les a remerciés avec en ligne de mire la levée du mot d’ordre de grève générale illimitée. En date du 27 septembre, les avoirs de Diendéré et de ses proches sont gelés, des poursuites judiciaires contre les putschistes annoncées, le RSP en phase de dissolution et son arsenal (impossible à évaluer) repris par l’armée régulière, les soldats de cette unité sommés de se mettre sous les ordres du chef d’Etat-major des armées, le peuple appelé à ne pas se venger des familles et ex-membres du RSP. Il reste à régler les dates des élections, la bonne tenue du processus électoral et le maintien de l’éviction des ex-CDP.

 

 

Quelles alternatives politiques ?

 

Actuellement, les forces prônant une politique de changements radicaux sont peu audibles dans la population même si elles sont implantées dans des syndicats et des associations de la société civile. UNIR PS, la principale organisation sankariste, peine à rassembler.

L’un des favoris de ces élections est Rock Marc Christian Kaboré, président du Mouvement du Peuple pour le Progrès (MPP), parti formé début 2014 par des anciens du CDP, en opposition à la modification de l’art. 37 de la Constitution par Compaoré. Il a travaillé avec ce dernier durant 25 ans. Sur internet, difficile de trouver un programme politique, à part des déclarations d’intention sur la résolution des problèmes d’éducation, de santé, d’accès à l’eau potable, de chômage des jeunes, d’insertion des femmes dans le monde du travail et de réconciliation avec l’histoire.

Ces thèmes sont quasi les mêmes que ceux mis en avant par son rival Zéphirin Diabré, président de l’Union pour le Progrès et le Changement (UPC), parti créé en 2010. Ce candidat est soutenu par le Balai citoyen, il semble avoir eu moins de liens avec l’ancien pouvoir, se décrit sans étiquette politique et a occupé un haut poste pour AREVA.

Ces divers éléments laissent à penser qu’il y aura de « nouvelles » personnes à la tête de l’Etat mais que le peuple burkinabé n’a pas fini de se rassembler pour un changement politique en profondeur, le respect de ses droits et besoins fondamentaux.

Marie-Eve Tejedor