Grèce

Des élections au goût amer

Le 20 septembre dernier, Alexis Tsipras a une nouvelle fois remporté les élections. Pourtant on est bien loin de l’explosion de joie du 25 janvier.

Syriza obtient 35,5%  des suffrages. Une victoire en double teinte cependant, puisqu’elle s’accompagne d’un taux d’abstention inédit de 45 % (environ 4 millions de personnes ne se sont simplement pas rendues aux urnes). Signe sensible de la désaffection, de la lassitude, après trois votes importants en huit mois, et peut-être de la résignation qui gagne la population grecque face à un gouvernement qui a jeté l’éponge dans la lutte contre l’austérité et s’est rendu pieds et poings liés au diktat de Bruxelles. Une désorientation qui a touché aussi, comme on le sait, les rangs militants de Syriza.

 

 

«TINA» ou la politique du moindre mal

 

Dans une récente tribune, Theodoros Karyotis, enseignant et militant du Comité de solidarité avec la lutte des salarié·e·s de Vio.Me de Thessalonique (cf. solidaritéS, nº 224), parlait de «victoire à la Pyrrhus» ; personne, soutenait-il, même celles et ceux qui s’étaient rendus confiants une fois encore aux urnes, ne trouvaient rien à fêter dimanche dernier. Ce qui s’annonce n’est en effet guère encourageant. Tsipras va appliquer les politiques d’austérité refusées par plus de 60 % des votant·e·s en juillet dernier. Il va le faire en usant de la réthorique du « pragmatisme », rendant vaines les batailles menées depuis des années par la population grecque et poussant à la démobilisation dans ses propres rangs. «En bref, le pragmatisme de gauche va réussir tout ce que l’arrogance de la droite n’est pas arrivée à faire jusqu’ici» (T. Karyotis, occupy.com).

La part des voix obtenues par Syriza l’oblige à former une coalition controversée avec l’Anel, petit parti de la droite nationaliste, pour obtenir une majorité. De son côté, l’Unité populaire – nouvelle formation fondée entre autres par la Plateforme de gauche de Syriza, soit le Courant de gauche et le Red Network – n’a pas atteint la barre fatidique des 3 % (2,86 %) et n’est donc pas représentée au parlement. Un échec important pour la gauche de Syriza, qui n’a pas réussi à mobiliser ses troupes. Le Parti communiste (KKE) (5,55 %) stagne derrière les fascistes d’Aube Dorée qui progressent légèrement (6,99 %) et la coalition d’extrême gauche Antarsya reste en-dessous de 1 % des suffrages (0,85 %). La Nouvelle Démocratie (force conservatrice) est le second parti le mieux élu, avec 28,1 % des voix. On peut donc douter que le nouveau mandat Tsipras y gagne en marge de manœuvre.

Bref, le brassage des cartes n’aura pas vraiment changé la donne et le gouvernement grec se retrouve plus ou moins dans la même situation qu’en janvier. A ceci près qu’à la résignation, qu’à la lassitude et qu’à la désaffection, s’ajoute l’impuissance d’une gauche anti-austérité, incapable de répondre à la soif légitime de changement social d’une population écrasée par un ajustement structurel sans issue.  SP & AM