Manifestation déterminée contre le paquet Berset

Manifestation déterminée contre le paquet Berset : Un premier pas

Un millier de personnes ont manifesté le samedi 30 avril dans les rues de Lausanne pour dénoncer le projet de contre-réforme de la prévoyance vieillesse conduit au nom du Conseil fédéral par le ministre socialiste Alain Berset. C’est un petit pas dans la bonne direction, celui du rejet d’un paquet qui représenterait une véritable régression des conditions de la retraite.

Malheureusement, le front du refus est encore faible, cantonné à ce jour, du moins de façon explicite, uniquement à la Suisse romande. La manifestation était convoquée unitairement par les Unions syndicales des cantons de Genève, Vaud et Fribourg, par les organisations féministes (Feminista, Marche mondiale des femmes, etc.) l’AVIVO et toutes les organisations à gauche du PS, dont solidaritéS, bien mobilisées. Parmi les partis représentés au parlement fédéral, seules les sections genevoises du PS et des Verts ont soutenu cette manifestation. Et encore du bout des lèvres si on le vérifie à l’aune de la faible participation de ces deux formations. Du côté syndical, le potentiel de mobilisation n’a de loin pas été atteint et ce sont principalement les syndicalistes les plus actifs qui étaient présent·e·s. 

Ce succès en demi-teinte de la manifestation est tributaire de la position majoritairement adoptée par l’Union syndicale suisse ainsi que le Parti socialiste suisse (PSS). Pour ce dernier, le paquet Berset a le mérite de prévoir une réforme globale du système des retraites en s’attaquant à la fois à l’AVS et au IIe pilier (LPP). Le caractère global du projet serait positif en soi, indépendamment de son contenu. Certes, le PSS s’oppose à l’élévation de l’âge de la retraite des femmes à 65 ans, tant que le principe de l’égalité des salaires ne sera pas respecté. Il s’oppose à la baisse du taux de conversion des rentes du IIe pilier «telle que proposée». Il prétend vouloir redéfinir la répartition du résultat d’exploitation entre les assurances-vie et leurs as­su­ré·e·s tout en ne remettant pas en cause le principe du bénéfice pour les premières. 

Il ne remet pas en question l’orientation principale du paquet Berset qui prévoit un renforcement du second pilier au détriment du premier (l’AVS). Il ne s’oppose pas au relèvement des cotisations LPP entre 1,5 % et 2,5 %, tout en rappelant que l’initiative « AVSplus » de l’USS, qui prévoit une augmentation de 0,9 des cotisations AVS pour une augmentation des rentes AVS de 10 %, serait la meilleure solution. Il passe donc comme chat sur braise sur le fait que le Conseil fédéral et son ministre des assurances sociales, loin d’intégrer cette initiative dans le paquet, la combattent frontalement. Il ne s’oppose pas à la réduction de 20 % du montant des rentes de veuve tout en exigeant en contrepartie une augmentation de l’offre en place d’accueil extrafamiliale. Le PS « exige » tous ces correctifs et contreparties tout en sachant que le ministre Berset ne va pas les retenir. 

Pourtant, le PSS maintien toutes ces ambigüités au nom du fait qu’aucune reforme du système des retraites n’aurait une chance d’aboutir sans son soutien. Avec une estimation aussi confiante dans le rapport de force au niveau national, le PSS ne devrait-il pas plutôt s’opposer sans détour au paquet Berset ?

En effet, sachant que le PLR et l’UDC, de même que les milieux patronaux (USAM et economiesuisse) sont opposés au même paquet, car ils trouvent qu’il ne va pas assez loin dans le démantèlement de l’AVS (à savoir augmenter l’âge de la retraite pour tous), il y a de très fortes chances que les prétendues contreparties demandées par le PSS soient purement et simplement rejetées par la majorité du parlement. Et ce n’est pas le PDC, principal soutien au paquet Berset à ce jour, avec le PBD, qui va vouloir sortir de l’emballage des mesures déplorées par le PS pour les remplacer par les prétendues contreparties qu’il demande. 

La stratégie du PS et de l’USS, ainsi que des Verts, est donc plutôt dangereuse, car elle prépare l’acceptation d’une contre-­réforme en la présentant comme le moindre mal face aux projets encore plus anti­sociaux du patronat, des assurances et de leurs alliés du bloc bourgeois (PLR, PDC, PBD et UDC). Dans ce cadre, l’initiative « AVSplus » apparaît plus comme un vague moyen de pression sur le parlement que comme un objectif à atteindre réellement et prioritairement. Exagération, accusation infondée ? Seuls les faits comptent et il est encore temps pour le PSS et l’USS de rejoindre le front contre le paquet Berset.  

 

Pierre-Yves Oppikofer