Élections cantonales zurichoises

Élections cantonales zurichoises : Deux sièges de plus à la gauche du PS en attendant un siège au national

Lors des élections cantonales à Zurich du 12 avril dernier la « Liste alternative » de nos ami·e·s de l’Alternative Linke (AL), a décroché 5 sièges, une forte progression de 3 à 5 sièges, qui donne à cette force politique à la gauche du PS une députation suffisamment nombreuse pour lui permettre de constituer une fraction autonome propre au Grand Conseil. Jusqu’ici, en effet, les 3 élu·e·s cantonaux d’AL avaient été contraints de s’associer au groupe parlementaire des Verts.

Le candidat d’AL au Conseil d’Etat, Markus Bischoff, n’a quant à lui pas été élu, mais de justesse, en créant la sensation avec son résultat exceptionnel de 67 103 suffrages qui lui a permis d’arriver en 9e place.

Les deux nouveaux élu·e·s d’AL au Grand Conseil, Laura Huoneker et Manuel Sahli, contribuent à féminiser et rajeunir le parlement zurichois qui en a bien besoin. Pour le Grand Conseil, ce sont 8533 élec-teurs·trices qui ont choisi la Liste 10 d’AL, soit 2,98 % de l’électorat… ainsi c’est de justesse qu’AL a raté son sixième siège sur les 180 du parlement zurichois.

Interview commune de deux représentants d’AL : Niggi Scherr, l’un des dirigeants historiques de cette formation qui siège aujourd’hui au conseil municipal de la Ville de Zurich et Stefan Wyss, membre du comité d’Alternative Linke.

 

Comment expliquer la progression d’AL dans le canton de ZH de 3 à 5 sièges. Dans votre communiqué, vous insistez sur le rôle joué par la candidature au Conseil d’Etat de Markus Bischoff, qui n’a pas été élu mais a fait un très bon résultat. Quelles autres raisons voyez-vous à cette progression?

 

Stefan Wyss et Niggi Scherr: La raison principale du succès électoral se trouve dans l’avancée qu’a enregistré l’AL il y a une année en Ville de Zurich, quand notre candidat Richard Wolff a été élu à l’exécutif. Nous sommes un parti frais et novateur, une gauche libre de conditionnements qui fait de la politique autrement que le PS et les Verts.

Nous ne nageons pas dans le sens du courant majoritaire et politiquement correct de la gauche et des Verts, mais nous représentons des positions de gauche indépendantes et nous nous permettons même parfois de voter avec des bourgeois. Cette autonomie est reconnue par la population.

Après les résultats record aux élections communales de 2014, nous avons à nouveau progressé en Ville de Zurich où nous arrivons à près de 8 %, dans notre bastion, le Kreis 4/5, nous sommes le deuxième parti avec 17,8 % et pour la première fois ce succès s’est répercuté sur le canton.

Nos trois slogans électoraux étaient «Avec conséquence pour les droits fondamentaux», «Pour des crèches abordables» et «Pour des logements bon marché». Sur des questions relevant des droits fondamentaux comme la surveillance d’Etat, le concordat sur les hooligans ou les internements dans la centrale de dégrisement, nous avons des positions nettement différentes de celles du PS.

Il en va de même dans la politique culturelle, lorsqu’il s’agit de projets de prestige coûteux comme la rénovation du Kunsthaus, à la différence du PS, nous nous permettons des positions critiques. S’il faut choisir, nous préférons nous engager pour davantage de moyens pour les écoles ou pour la garde des enfants. Dans l’initiative cantonale que nous avons déposée l’an passé nous demandons que les entreprises contribuent au financement des crèches et d’autres lieux d’accueil afin que ces lieux soient accessibles pour tou·te·s.

AL s’engage depuis des décennies pour du logement à prix abordables. La gentrification avance de manière incroyablement rapide dans la ville de Zurich sans que l’on prépare des logements abordables en nombre suffisant pour les gens forcés à se déplacer. Dans ce domaine, le PS a un problème de crédibilité puisqu’en tant que parti gouvernemental il a en partie lui-même porté cette évolution, que pendant de longues années il n’a rien entrepris pour contrer ce phénomène.

 

 

Quels sont vos rapports avec le PS et les Verts dans le canton de Zurich? Comment expliquez-vous le revers particulièrement sévère subi par les Verts, qui ont perdu 6 de leurs 19 sièges?

 

Malgré nos positions en partie différentes, nous avons réciproquement appelé à un soutien électoral pour les élections au Conseil d’Etat, puisque nous préférons une majorité rose-verte au gouvernement au lieu d’une majorité bourgeoise. Mais ce positionnement n’était pas unanime à l’intérieur du parti. La défaite des Verts était attendue mais son ampleur nous a surpris. Ils ont perdu leur monopole sur le thème de l’environnement et montrent en même temps des signes d’usure. Les élec­­teurs·trices de gauche tendent à se tourner du côté du PS et, dans le cas spécifique de Zurich, vers l’AL. C’est un phénomène que l’on peut observer au niveau suisse.

Comment envisagez-vous la perspective des élections fédérales de cet automne? Ne pensez-vous pas que quelques engagements communs devraient être rendus publics par les listes de la gauche combative dans les cantons de Genève, Vaud, Neuchâtel et Zurich, où des élu·e·s sont possibles?

 

En 2015, Zurich aura un siège de plus au Conseil national. Le quorum pour un siège se situe à 2,77 %. Avec les 2,98 % que nous avons atteints, nos chances d’obtenir un siège sont réelles. Il est très probable qu’aux côtés de l’AL il y aura aussi une liste du Parti du Travail, avec un sous-apparentement des listes.

L’AL de Zurich est intéressée à un accord et une stratégie au niveau national pour les élections fédérales. Selon notre perception, la situation en Suisse romande est insatisfaisante et nous serions contents si le succès de l’AL à Zurich – et d’ailleurs aussi celui d’AL Schaff­house, contribuait dans toute la Suisse à une poussée de la gauche alternative.

 

 

Quelles perspectives voyez-vous de construire une gauche antilibérale, indépendante du PS et des Verts à Zurich et en Suisse alémanique dans les années à venir?

 

Nous espérons que notre succès à Zurich donne une impulsion aussi à la gauche radicale dans d’autres cantons et nous espérons naturellement que les partis de la gauche alternative se renforcent. Quand il y a des pertes nettes chez les Verts, le besoin d’une vraie alternative à gauche du PS se renforce. Si les forces à gauche du PS s’unissent au-delà des espaces cantonaux, cela peut donner une nouvelle force. 

 

Propos recueillis par Mirjam Brunner

Traduction Tobia Schnebli