Amnistie et fraude fiscale

Amnistie et fraude fiscale : Une distinction trouble

Une motion déposée le 17 février conjointement par l’UDC, le PLR et les Vert’libéraux appelle à un projet de loi d’amnistie fiscale cantonale qui récompense les fraudeurs·euses.

Ces partis bourgeois brandissent l’argument qu’il s’agirait d’une «mesure de soutien à l’économie». A l’heure où le troisième projet de réforme de l’imposition des entreprises est lancé, où le secret bancaire et les forfaits fiscaux perdurent, cette motion s’inscrit dans la continuité d’une complaisance des autorités cantonales à l’égard des fraudeurs du fisc qui assèchent les ressources nécessaires pour les soins, l’éducation, les infrastructures, etc. L’enjeu est de taille : selon les estimations les plus basses, quelque 20 milliards de francs sont soustraits au fisc dans toute la Suisse. 

Au niveau fédéral, les frau­deurs·euses qui se dénoncent sont déjà scandaleusement ex­empté·e·s de toute procédure pénale, mais ce n’est pas tout. Plusieurs cantons, principalement romands, vont jusqu’à les récompenser en leur offrant en prime une partie du montant dont ils·elles auraient dû s’acquitter – à Genève, en Valais et au Tessin jusqu’à 70 % ! Tous les autres cantons romands ont vu le nombre « d’am­nistié·e·s » pratiquement doubler de 2013 à 2014. Une augmentation remarquable a aussi eu lieu à Zurich, au Tessin ainsi qu’en Suisse centrale. Seul le canton de Zoug – fief de Glencore, d’une myriade de holdings et autres sociétés boîte-aux-lettres – n’a pas recensé plus « d’amnistié·e·s ». Ils attendent probablement le « bon » moment pour utiliser leur joker fiscal, l’amnistie n’étant actionnable qu’une seule fois.

 

 

Traquer les fraudeurs au lieu de les amnistier

 

Bien que les modalités de l’amnistie ne soient pas encore certaines, il n’y a aucun doute à avoir sur les intérêts de la bourgeoisie vaudoise à maximiser la prime offerte aux frau­deurs·euses. Quelles que soient ses modalités finales, cette loi viole gravement le principe de l’égalité devant l’impôt et le principe de contributions adaptées aux moyens de chacun·e. 

La transparence fiscale promue par cette motion reste un leurre. Une transparence qui ne s’applique qu’à la personne qui le souhaite, qui évite soigneusement de pénaliser les frau­deurs·euses et qui représente un pas de plus dans la soumission des collectivités publiques aux bien loti·e·s et au patronat qui continuent d’accroître leurs profits. Plutôt que de concocter des lois qui permettent aux fraudeurs·euses de se mettre en règle à des frais dérisoires pour mieux pouvoir continuer à frauder, il faudrait d’urgence engager des inspecteurs des finances supplémentaires pour traquer la fraude fiscale. Car on le sait : un inspecteur des impôts dégage 2 à 3 millions de francs de recettes fiscales par an. 

 

Thomas Feron