Inégalités sociales

Inégalités sociales : On progresse, on progresse

Il y a une dizaine de jours, le Tages-Anzeiger zurichois ouvrait le feu sur les bas revenus dans le pays, coupables de faire pression sur les moyens revenus en bénéficiant de trop de prestations de l’Etat. Cette affirmation s’appuie sur une étude de Monika Engler, publiée il y a trois ans déjà par le laboratoire d’idées néo­libéral Avenir Suisse.

Elle examine pour chaque ménage les impôts et les taxes payés et les prestations et transferts reçus de l’Etat. Mais comment fait-elle pour arriver à ce résultat de bas revenus vivant en quelque sorte aux crochets des moyens revenus ? Y’a un truc ? Ben oui : dans les revenus dits de transfert figurent les rentes AVS, AI et LPP. Si vos revenus ne sont constitués que par ces rentes, c’est-à-dire si vous êtes un ou une retraitée sans autres revenus, comme c’est souvent le cas pour les bas salaires, vous êtes d’épouvantables profiteurs des prestations étatiques, selon la savante présentation de Mme Engler, reprise par le Tages-Anzeiger. Qui, faisant l’âne pour avoir du son, laisse ainsi croire que ces rentes résultant de cotisations sont des prestations de l’Etat à ses nécessiteux…

L’étude englérienne, qui contient quelques autres perles du même acabit, est évidemment démentie par la réalité. Dans son rapport sur la répartition des revenus et de la fortune en Suisse, l’USS a bien mis en évidence que les inégalités de revenus dans le pays le mettaient au troisième rang européen (seules l’Allemagne et la Grande-Bretagne font mieux) et que la fonction redistributive de l’Etat, qui devrait amoindrir ces écarts, était faible.

Sur son blogue, Daniel Lampart, l’économiste en chef de l’USS, a publié le graphique ci-­contre, qui compare les charges pesant sur les bas et les hauts salaires. 

La démonstration est parlante : la redistribution est quasiment nulle entre les salaires de 3000 francs et ceux de 19 000 francs par mois. Ces derniers payent certes plus d’impôts directs, mais sont proportionnellement bien moins grevés par les autres ponctions, en particulier par les dépenses d’assurances. Quant aux informes « classes moyennes » dont les médias nous battent et rebattent les oreilles, censées supporter tout le poids de la pauvreté des classes inférieures, elles sont dans la moyenne justement, loin de la saignée supposée. Hauts ou bas salaires, il leur reste environ 60 % pour vivre. Sauf que 60 % de 3000 francs, c’est pas tout à fait équivalent à 60 % de 19 000 francs… DS