Le tribunal fédéral condamne la police et le ministère public bernois

La police bernoise procède de manière routinière à des prélèvements d’échantillons et à l’analyse de l’ADN d’activistes politiques. Le Tribunal fédéral condamne ces pratiques dans un arrêt de principe et met ainsi un frein à la saisie excessive de données et aux pratiques d’intimidation de la police. 

L’arrêt du Tribunal fédéral du 10 décembre 2014 traite de l’arrestation de quatre activistes qui ont protesté contre l’intervention de Mario Gattiker, chef de l’Office fédéral des migrations (ODM), au Symposium suisse sur l’asile en février 2013. Les activistes ont forcé l’entrée de la conférence et ont déposé du fumier sur une table devant Mario Gattiker, avec une pancarte portant le message « Votre politique pue ». Ils ont également distribué des tracts au public, expliquant leur opposition à ce que l’Organisation suisse d’aide aux réfugiés (OSAR) et le Haut Commissariat aux réfugiés (UNHCR), organisateurs de la conférence, offrent une plateforme à des personnes comme Mario Gattiker et Simonetta Sommaruga, responsables de la restructuration répressive et inhumaine de la procédure d’asile, pour propager leurs idées. En effet, quelques jours avant la tenue du Symposium, les cantons et la Confédération ont approuvé les plans de restructuration du domaine de l’asile qui visent à accélérer et « optimiser » les procédures.

 

 

Les pratiques d’intimidation de la police bernoise

 

A la suite de cette action, les activistes ont été arrêtés, soumis à un contrôle d’identité sur place, puis menottés et amenés au poste de police pour des fouilles corporelles. Alors que les trois femmes ont dû se déshabiller, l’homme n’a pas été soumis à ce traitement dégradant. Lors des auditions, les quatre activistes ont refusé de parler et se sont opposés à la saisie signalétique et au prélèvement d’ADN. Sur la base de l’affirmation que les dé­te­nu·e·s sont susceptibles d’avoir commis ou de commettre à l’avenir d’autres délits d’une certaine gravité, la police a obtenu une autorisation orale de la part du Ministère public de procéder à des mesures de contrainte. Après le prélèvement d’ADN par un frottis de la muqueuse jugale, la police a établi un profil ADN. 

 

 

La dernière instance donne raison aux activistes

 

Les activistes ont fait opposition mais ont perdu devant le Tribunal régional de Berne-Mittelland, ainsi que devant la Cour suprême du Canton de Berne. Avec le soutien financier et rédactionnel de plusieurs organisations, ils ont pu aller jusqu’au Tribunal fédéral pour une des personnes. Dans son arrêt du 10 décembre 2014, la dernière instance donne raison aux activistes et critique les pratiques de la police et du Ministère public bernois sur plusieurs aspects.

Les conditions pour un prélèvement d’ADN n’étaient pas données, du fait que l’identité des activistes était établie, que le délit commis était d’ordre mineur et qu’il n’existait pas de soupçons suffisants que les dé­tenu·e·s commettent d’autres délits d’une certaine gravité. Le prélèvement routinier d’ADN équivaudrait à un stockage de données excessif. De plus, les conditions pour une ordonnance orale des mesures de contrainte n’étaient pas justifiées, selon le Tribunal fédéral, du fait qu’il n’y avait pas d’urgence. Enfin, la pratique de la police bernoise d’établir automatiquement des profils ADN après le prélèvement est contraire au droit fédéral. En effet, cela n’entre pas dans les compétences de la police, mais doit être ordonné, après examen au cas par cas, par le Ministère public ou par un tribunal.

 

 

Demande de changement immédiat des pratiques illégales de la police

 

Dans un communiqué de presse, les Juristes démocrates bernois (djb) saluent l’arrêt du point de vue des droits fondamentaux et du respect de l’Etat de droit, car il met un frein à la saisie de données excessive. Ils demandent à ce que la police change ses pratiques immédiatement. En effet, cet arrêt aura aussi des conséquences sur le procès en cours concernant les arrestations et les mesures de contrainte vis-à-vis d’activistes qui avaient protesté contre la tenue de l’élection de Miss Suisse 2014 sur la Place fédérale (voir solidaritéS nº 257). 

 

Mirjam Brunner