Cinéma

Cinéma : «Bande de filles» : film de genre?

Céline Sciamma réalise un film initiatique sur fonds de banlieues parisiennes. Inégalités de classes, de genre, de race, un programme difficile à gérer pour un seul film.

 

Bande de filles vient d’abord éclairer la situation inquiétante du cinéma français, pratiquement incapable de faire exister visuellement la banlieue et restant extrêmement fermé d’un point de vue racial, mises à part quelques exceptions. On en est donc réduit au point de se réjouir qu’un film donne le premier rôle à une bande de jeunes filles noires. Et même si la banlieue est ici fantasmée à travers de très beaux plans des tours la nuit, il est vrai que c’est un plaisir que de voir cet univers enfin filmé. Rien que pour cela, il vaut la peine d’aller voir ce film.

Au delà du décor, le récit de Bande de filles en fait un film de genre, au sens où il s’inscrit dans un genre historique du cinéma : le récit initiatique où l’on suit une protagoniste principale changer de vie à travers la rencontre d’une bande. La grande réussite du film se rapporte peut-être à cet aspect traditionnel; le fait qu’elles soient des jeunes filles noires ne change en rien les moteurs du récit, ce qui résonne comme une affirmation d’égalité. A travers le charisme de Lady, l’amitié fusionnelle adolescente et le modelage des personnalités, Bande de filles parvient à nous émouvoir et nous sentir proches de cette bande.

 

 

Un monde dominé

 

Mais qu’en est-il des perspectives genre, ici au sens de rapports entre les différents sexes ? Le film montre avec force la difficulté de filles à exister dans un monde où ce sont les garçons qui tiennent les barres d’immeubles et les escaliers, tout en ne s’arrêtant pas à ce constat de domination. Cette bande de filles dont il est fait le portrait est puissante et revendique sa liberté. On reprochera simplement au film de tirer en longueur, de se faire un peu trop didactique sur la fin sur cet aspect de la domination masculine et des rôles restreints qu’elle impose aux filles.

Même s’il peut sembler exigeant de demander à un film de rendre compte de l’intersectionnalité de la domination, certaines limites peuvent tout de même être mentionnées. Ainsi, une fois de plus, l’individu de banlieue noir suit une trajectoire descendante, et ses perspectives sont bornées à la vente de drogue. Ce qui n’est certes pas sans lien avec la réalité actuelle, mais qui en perpétue la représentation culturelle d’inéluctables perdants.

 

Pierre Raboud