Austérité pour les uns, par pour les autres!

Antisociale et anti-fonctionnaires, ainsi se caractérise la « cuvée » 2015 du budget du Canton de Genève. Le breuvage est amer et nuit gravement à la cohésion et la justice sociale.

Le Conseil d’Etat genevois, n’aime ni les pauvres ni les fonctionnaires. Le fait n’est pas nouveau, mais il perdure. Il est temps que ceux-ci s’en rendent compte et refusent de plébisciter des partis – au service des nantis, de la finance et des multinationales – qui laminent les acquis sociaux et génèrent de la pauvreté. Ils devraient aussi se méfier de ceux qui, prétendant n’être ni ceci ni cela, les trahissent constamment par leur obséquieuse allégeance à la droite néolibérale.

 

 

La guerre aux pauvres est déclarée

 

Le Conseil d’Etat, à majorité PDC, PLR et MCG, a lancé ses grandes manœuvres. Il spécule sur une « amélioration » de 154 millions du budget, dont 121 millions proviennent de baisses de charges au détriment des plus dé­fa­vo­ri­sé·e·s et des revenus modestes, ainsi que du personnel de l’Etat et du secteur subventionné. Il envisage en outre 33 millions de revenus supplémentaires, ponctionnés encore sur la population, notamment par l’augmentation de divers émoluments.

Totalement désinhibé, il frappe là où ses prédécesseurs avaient manifesté quelques retenues. Déterminé à miner le rôle social de l’Etat, il cible sciemment les « pauvres ». Il réduit les prestations d’aide sociale, les prestations complémentaires pour ren­tiers·ères AVS/AI, les subsides à l’assurance-maladie, les allocations logement, etc.

Il diminue aussi les subventions aux associations délivrant des prestations à la population, les condamnant à voir la qualité de leurs services se détériorer alors que la plupart fonctionnent déjà à flux tendus, se voyant, pour certaines, poussées à recourir à des statuts alimentant la sous-enchère salariale (EdS et autres activités dites de réinsertion).

 

 

La fonction publique, sempiternel bouc émissaire

 

Quant à s’en prendre à la fonction publique, le fait est devenu coutumier, mais n’en est pas moins inacceptable. Externaliser les devoirs surveillés pour sans doute les privatiser, retrancher 1 % des effectifs pour supprimer environ 130 postes, alors que de nombreux secteurs se sont vus refuser des augmentations d’effectifs pour faire face à l’accroissement des besoins de la population. Baisser de surcroît les salaires du personnel remet en cause les missions de l’Etat et vise particulièrement à fragiliser une fois de plus le statut des fonctionnaires.

Telles sont quelques-unes des mesures que le Conseil d’Etat estime nécessaires, pour revenir à une forme d’équilibre budgétaire, tout en mettant la priorité sur les investissements aux prix d’une augmentation de la dette de 159 millions. A la lecture de l’exposé des motifs du projet de budget, il est piquant de relever combien le Conseil d’Etat s’applique à argumenter la nécessité de rattraper le retard pris ces dernières années dans l’entretien des bâtiments ou d’indispensables investissements.

Pour peu, il nous apitoierait. On en oublierait que c’est ce même Conseil d’Etat, et surtout la même majorité politique, qui ont refusé par le passé ces investissements, présentés aujourd’hui comme indispensables, quitte à imposer sans vergogne le poids de leur inconséquence passée aux couches les plus modestes de la population.

 

 

Pendant que les « petits sont mouillés »

 

Et si le bouclier social est mité, « gros » et « biens nantis » sont à l’abri. Le bouclier fiscal est non seulement soigneusement épargné, mais à chaque occasion, droite et extrême droite du parlement professent leur foi en ce dispositif qui rompt la solidarité fiscale.

Or, au moment où le contexte économique et social est dégradé au point de génèrer des cohortes de chômeurs-euses en fin de droits, que la toute puissance et l’impunité patronale bafouent systématiquement les droits des travailleurs-euses, que la pauvreté et la précarité augmentent, l’Etat est de plus en plus sollicité pour assurer les prestations nécessaires à la population et garantir la cohésion sociale.

Face à l’augmentation des besoins, une évidence devrait donc s’imposer : des recettes supplémentaires sont obligatoires. Pourtant, aucune augmentation substantielle des ressources de l’Etat ne pointe à l’horizon, au contraire, puisqu’une nouvelle perte fiscale de 500 millions par année sur l’impôt des entreprises dès 2019 est agendée par le gouvernement.

 

 

Economies de bouts de chandelles ou politique fiscale conséquente

 

Aujourd’hui, faire payer les timbres pour le retour des bulletins de vote, imposer une taxe pour les demandes de délais pour les déclarations d’impôts, faire payer directement à certaines régies autonomes leurs propres charge, etc.; rien d’autre que de très modestes transferts de charges ou des taxes mesquines. Rien qui ne ressemble de près ou de loin à un renflouement des caisses de l’Etat par une hausse ou un rétablissement d’impôts.

Il est pourtant patent que la situation inacceptable que l’on connaît résulte des baisses d’impôts accordées depuis 1999. On peut évaluer au minimum à 400 millions en moyenne les pertes fiscales entre 2000 et 2010 (Baisse d’impôt de 12 % sur le revenu des personnes physiques en 1999, suppression du droit des pauvres sur les spectacles en 2001, suppression des droits de succession en ligne directe en 2004…) et 500 millions de plus dès 2010 (Modification de la loi fiscale, bouclier fiscal…)

Face au parti pris inacceptable de préserver les intérêts des grandes fortunes et des plus hauts revenus au détriment des milieux modestes, il faut redresser la barre, il faut donner à l’Etat les moyens de répondre qualitativement aux besoins de la population. Pour ce faire, une hausse des recettes est incontournable, le groupe parlementaire Ensemble à Gauche déposera sous peu une proposition dans ce sens.

 

Jocelyne Haller