«Capitaine Thomas Sankara» de Christophe Cupelin

Thomas Sankara représentait un espoir de changement pour toute une génération en Afrique. Il était considéré, selon le réalisateur, comme le « président des pauvres », le porte-parole des laissés pour compte. Ce film documentaire, uniquement basé sur des archives audiovisuelles, raconte les quatre années passées à la tête du Burkina Faso, depuis sa prise de pouvoir en août 1983, jusqu’à son assassinat le 15 octobre 1987.

Le film débute par le premier discours du président Sankara, tout juste après la prise de pouvoir. Une première chose frappe, son charisme, son franc-parler et son discours radical contre l’impérialisme, le colonialisme et le néocolonialisme. Tout au long du film, le spectateur découvre progressivement toute une série d’actions et de réformes radicales mises en place par Sankara. A travers une sélection d’extraits de discours, que ce soit face au peuple dans les villes et villages du Burkina, ou lors de rencontres internationales à l’ONU ou encore lors de sommets des chefs d’état africains, ces images permettent de se rendre compte de son humour et de son discours décomplexé, notamment face à François Mitterrand.

Les archives donnent à voir son combat pour le développement du pays, et son émancipation totale de la France. L’accroissement massif des services publics, tels que les écoles, les hôpitaux et dispensaires, la mise en place du droit de vote des femmes et, entre autres, la lutte contre la corruption, étaient au centre de son programme. Dans un extrait d’interview, il explique ainsi qu’il faut absolument abandonner et condamner l’excision. Il s’est battu contre les préjugés sur les femmes, en organisant la journée des femmes à moto, ou l’interdiction d’accès au marché pour les femmes afin d’obliger les hommes à s’y rendre. Un autre axe politique, exposé dans le film parmi d’autres, concerne les réformes pour l’autosuffisance alimentaire, et la lutte pour l’écologie par la protection des forêts et des campagnes de reboisement.

 

Fascination

Le réalisateur du film, Christophe Cupelin, n’a pas choisi de faire un film sur Sankara par hasard. En effet, il a voyagé plusieurs fois au Burkina Faso, son premier séjour datant de 1985. Il le dit lui même en interview : il était fasciné par le personnage de Sankara, par son charisme, par la façon dont il menait ses réformes radicales, et l’espoir qu’il représentait pour les Burkinabé·e·s.

Le résultat donne certes un film intéressant, qui met un coup de projecteur sur cet homme, ce dirigeant, très peu connu, en particulier par la jeune génération. Mais il reste dommage de n’avoir pas un regard un peu plus critique, montrant plus clairement les limites et défauts du régime de Sankara. Par exemple, rien n’est explicitement dit sur son arrivée au pouvoir. Ainsi, il ne présente qu’en creux les limites de cette révolution décrétée, débutée par un coup d’état, et dirigée par un homme et son appareil d’état.

 

Julien Nagel