Recours contre le salaire minimum cantonal

Au lendemain de la victoire patronale contre le salaire minimum national, le parlement cantonal neuchâtelois a avalisé une proposition d’instaurer un salaire minimum cantonal de 20 francs bruts de l’heure (12 fois 3640 francs mensuel pour un horaire hebdomadaire de 42 h), fruit d’un compromis entre organisations syndicales et patronales. Les oppositions UDC (5 députés sur 10) et PLR (17 députés sur 35) laissaient déjà entrevoir qu’il y aurait recours au Tribunal fédéral. Ça n’a pas manqué.

Le député PLR Bauer, ardent opposant au salaire minimum depuis toujours, parade. Il annonce avoir été contacté par des associations patronales fédérales et cantonales, mais aussi par des entreprises et des particuliers. GastroSuisse, organisation des patrons de l’hôtellerie-­restauration en est. C’est elle qui veut faire baisser la TVA sur l’hôtellerie, mais laisser tout le bénéfice aux patrons. Pas question d’un salaire minimum. Pour eux, c’est la liberté économique qui est blessée. Ah, la belle liberté, que ne fait-on pas en ton nom !

 

Au Tribunal fédéral de trancher

La balle est maintenant dans le camp du Tribunal fédéral. Mais ce n’est pas la première fois qu’il se penche sur la question. solidaritéS Genève, qui avait vu son initiative cantonale pour le salaire minimum invalidée par le Grand Conseil genevois, y avait recouru. Le Tribunal fédéral, dans son jugement, avait débouté les autorités genevoises en précisant que le salaire minimum cantonal, pour être conforme au droit supérieur, devrait être «proche du revenu minimal résultant des systèmes d’assurance ou d’assistance sociale sous peine de sortir du cadre de la politique sociale».

 

Pourquoi les cantons ne sont-ils pas libres de choisir le montant du salaire minimum?

La constitution fédérale a un article fondamental : la liberté économique. En vertu de cet article, un patron est libre de fixer le salaire qu’il veut et vous êtes « libre » de l’accepter ou le refuser. Si on veut mettre des limites, c’est dans la constitution fédérale qu’il faut en principe le faire. C’est ce qui a été essayé avec l’initiative nationale 4000 francs. Mais le droit a des subtilités sans fin.

Les cantons sont en effet responsables de la politique sociale, donc de l’aide sociale. Pour les salaires les plus bas, le canton doit donc intervenir pour subventionner les personnes qui autrement ne pourraient pas vivre. C’est un subventionnement déguisé aux patrons qui paient des salaires trop bas pour que les salarié-e-s puissent en vivre; le canton peut décider d’arrêter de subventionner les patrons, mais pas sans trouver une solution pour les salarié·e·s trop mal payés pour s’en sortir.

 

Pourquoi le canton de Neuchâtel a-t-il fixé le salaire minimum à 20 francs l’heure?

La référence qui a été prise pour fixer le montant du salaire minimum dans le canton de Neuchâtel, c’est le revenu garanti par les prestations sociales complémentaires AVS/AI. Définies au plan fédéral, pour un individu seul et sans enfants, il se monte à 19.59. Pour «récompenser» le fait de travailler, le minimum a été fixé un poil plus haut, à 20.- de l’heure. Un argument que personne ne conteste: en travaillant on devrait gagner plus qu’en ne travaillant pas….

Le canton a donc appliqué à la lettre les réserves du TF. C’est pourquoi nous attendons sereins la nouvelle décision suite au recours annoncé, mais Neuchâtel n’est qu’une étape. Il faudra, en temps voulu, revenir sur la modification de la constitution fédérale pour y introduire un salaire minimum dans tous les cantons.

 

Marianne Ebel