Pour la transparence des rémunérations dans le secteur subventionné vaudois

Le syndicat du personnel des transports SEV s’est opposé aux mesures d’économie dictées par l’Office fédéral des transports (OFT). Celui-ci a exigé une diminution des charges des entreprises de transports publics subventionnées de 2,5 % en 2014 et de 1% en 2015. Les employeurs se sont empressés de demander aux employés de renoncer aux hausses de salaires prévues dans les conventions collectives de travail. Le SEV qui représente plus de 70 % du personnel de branche a refusé cette manœuvre et, du coup, a décidé de s’attaquer au système opaque de rémunérations des directeurs, a priori intouchables. 

 

Dans la foulée de l’acceptation de l’initiative « Minder » « Contre les rémunération abusives » (deux tiers des vo­tant·e·s dans le canton de Vaud), le SEV exige la transparence également en matière de rémunération des membres des organes dirigeants des entreprises privées, remplissant des missions d’intérêt public et subventionnées par l’Etat de Vaud, notamment dans le domaine des transports en commun, mais aussi dans le secteur des soins. Dans ce but, le SEV a proposé de modifier la loi cantonale sur les subventions afin que les entreprises et les institutions bénéficiaires soient obligées de rendre compte de la rémunération de leurs dirigeants en fournissant toutes les informations à ce sujet dans un rapport annuel spécial. A noter que cette obligation existe déjà pour les établissements et entreprises de la Confédération, notamment les CFF, mais pas sur le plan cantonal vaudois.

Cette démarche du SEV a reçu le soutien du Syndicat des services public (SSP) lequel défend notamment les intérêts du personnel soignant dans le secteur sanitaire parapublic du canton de Vaud (EMS, soins à domicile, hôpitaux régionaux). Au début des années 2000, les dénonciations répétées du SSP concernant de graves manquements en matière de gestion du personnel et de prise en charges des pa­tient·e·s de nombreux EMS vaudois avaient été à l’origine de la création d’une Commission d’enquête parlementaire en 2001. Celle-ci avait publié un rapport déclarant en introduction que : «Passant ensuite aux problèmes rencontrés dans la gestion des EMS qui sont à l’origine de la Commission d’enquête, le Rapport traite de problèmes aussi graves que la maltraitance, la sous-dotation en personnel des services chargés de la surveillance et de la gestion des EMS, le conventionnement parfois inégalitaire des EMS privés, les comptes frauduleux de certains établissements, les salaires exorbitants de quelques directeurs, l’échec du processus d’audit avec l’AVDEMS (Association vaudoise des directeurs d’EMS) et la sous-dotation des EMS en personnel qualifié.?»

Cette démarche avait abouti au renforcement des contrôles par l’Etat de la qualité des soins, de la dotation et de la gestion financière. Par contre, aucune disposition n’avait été prévue s’agissant de la transparence de la rémunération des directeurs des EMS.

La démarche du SEV a été soutenue sur le plan politique par les députés Jean-Michel Dolivo (La Gauche/POP-SolidaritéS), Jean-Michel Favez (Parti socialiste vaudois) Martial de Montmollin (Les Verts), et Jérôme Christen (Vaud-­Libre). Leur motion a été déposée le 14 février 2014. Elle demande d’ajouter une nouvelle disposition à loi cantonale sur les subventions dont le contenu reprend les exigences posées par l’Ordonnance du Conseil fédéral contre les rémunération abusives dans les sociétés anonymes cotées en bourse (ORAb), adoptée suite à l’acceptation de l’initiative « Minder ». La motion demande que «le bénéficiaire de subventions, tenu d’avoir une comptabilité en application de l’article 957 du Code des obligations, rédige un rapport de rémunération qui soit vérifié par l’organe de révision».

L’enjeu est loin d’être négligeable sachant que selon le budget 2014 de l’Etat de Vaud, le montant des subventions versées à des entreprises publiques ou privées ainsi qu’à des entreprises à but non lucratif s’élève à 2,4 milliards de francs, soit le quart du budget cantonal.  Comme souligné par les auteurs de la motion, il s’agit d’une proposition minimale et il est extrêmement important que chaque citoyen et chaque citoyenne sachent comment l’argent public est utilisé. 

 

Pierre-Yves Oppikofer