La crise française

Les élections municipales de mars ont fait éclater au grand jour la crise qui secoue le pays. Depuis, le second tour est venu confirmer les tendances décrites ci-dessous avec une abstention massive et une défaite historique du Parti socialiste en faveur de l’UMP. De son côté, le Front National réalise une percée sans précédent.

Les résultats des élections municipales de ce week-end [celui du premier tour NdR] constituent un véritable séisme politique :

Plus de 38 % d’abstention. C’est sans précédent historique, essentiellement dans les communes populaires, où celle-ci a dépassé les 50 %. Cette abstention marque un rejet populaire des politiques d’austérité.

Une poussée du Front National qui est arrivé en tête dans une dizaine de grande villes, comme Perpignan, et deuxième dans une dizaine d’autres dont Marseille avant le PS et devant la Droite à Lille.

Une défaite de la gauche gouvernementale qui recule entre 10 et 20 points dans une série de villes importantes et qui peut perdre plusieurs villes. Cette claque majeure que reçoit la gauche gouvernementale se fait au profit de la droite et de l’extrême droite.

La gauche radicale, là où elle se présentait unie, a eu des résultats honorables entre 5 et 10 points, et dans quelques cas autour de 15 points, mais ces derniers, face à la poussée du Front National, ne pèsent pas suffisamment pour marquer la situation.

 

Mensonges et crise économique

Ces résultats sont le produit d’un contexte dominé par les affaires, les mensonges d’Etat, la corruption du système de l’ancien président Sarkozy, affaires qui occupent le devant de la scène médiatique et empoisonnent l’ensemble de la vie politique.

Sous cette écume politique, il y a l’aggravation de la crise économique et sociale. Malgré les déclarations sur la reprise, la France comme le reste de l’Europe reste marquée par une croissance économique molle qui reste en dessous de 1 %. Le chômage dépasse les cinq millions de personnes et la pauvreté explose à plus de sept millions de personnes.

Certes le France reste la cinquième ou sixième puissance mondiale et les classes dominantes ont encore des marges pour contenir cette crise, mais il y a dans le pays un vrai sentiment de dépression. Et ce d’autant que le pouvoir socialiste a choisi la fuite en avant dans l’alignement sur les positions du patronat français. Nous savions que le gouvernement Hollande inscrirait sa politique dans celle de l’Union Européenne, dans un cadre dominé par les exigences des marchés financiers et par des politiques d’austérité sans fin. Depuis deux années, cette politique n’a pas cessé de faire des cadeaux au patronat. Elle prend maintenant la forme d’un accord politique entre le MEDEF (organisation patronale) et le gouvernement dans la formalisation d’un Pacte de responsabilité qui sera soumis au vote du parlement. Nous avons, pour ainsi dire, un gouvernement PS-MEDEF. Et malheureusement avec le soutien de toute une partie des directions syndicales.

Cette politique est loin de contenter la droite et les milieux patronaux, mais au contraire les encourage dans leur offensive réactionnaire. Ces derniers hystérisent la vie politique. Les manifestations de la droite la plus réactionnaire – un tea party à la française – et de l’extrême droite anti-ouvrière, homophobe, islamophobe et antisémite s’affichent sans complexes. Cette situation est d’autant plus difficile que les rapports de forces se sont dégradés avec la crise, au détriment des travailleurs. Nombre d’entreprises continuent de fermer. Les licenciements pèsent sur la combativité. Les travailleurs semblent tétanisés par les effets de la crise. Ils refusent l’austérité mais ne voient pas les moyens de résister efficacement à ce rouleau compresseur de la crise et surtout le début d’une alternative aux politiques d’austérité.

 

Absence d’alternative politique

A gauche du Parti Socialiste, le Front de Gauche n’a pu constituer une alternative politique. Il s’est fracassé sur la question des alliances avec le parti socialiste. Dans plus de la moitié des villes importantes du pays, le PCF a fait alliance avec le parti socialiste dès le premier tour de ces élections. Comment refuser les politiques d’austérité du gouvernement et s’allier avec le PS ? Ce choix du PCF, refusé par Mélenchon et ses autres partenaires, a brouillé le message du Front de Gauche, et désorienté bien des militants. Le NPA, quant à lui, a défendu une politique d’indépendance vis-à-vis du Parti socialiste au premier comme au deuxième tour de ces élections municipales.

Dans ces conditions, il n’y a pas d’autres voies que la résistance et la construction d’une opposition de gauche à la politique du gouvernement. Tout faire pour ne pas laisser la rue à la droite et l’extrême droite. Tout faire pour reprendre l’initiative face aux politiques d’austérité. C’est ce que le NPA, avec Olivier Besancenot, a fait en proposant un week-end de révolte à gauche à l’ensemble des partis, syndicats et associations qui rejettent la droite et l’extrême droite et les politiques d’austérité du gouvernement. Cette proposition est devenue réalité par un large appel du front de gauche, du NPA, d’une partie du mouvement syndical, des associations de droits des sans papiers ou de droit au logement à une manifestation nationale le 12 avril. Est-ce que l’unité réalisée sera suffisante pour créer une réelle dynamique de mobilisation ? C’est la question, car il faut reconstruire un rapport de forces au compte du mouvement social. Dans tous les cas, se pose aujourd’hui la nécessité d’un large front social et politique contre la droite et l’extrême droite et contre les politiques d’austérité du gouvernement.

 

François Sabado

Article écrit dans le cadre des tribunes hebdomadaires publiées par « Viento Sur » : http://vientosur.info