Contre l’homophobie, parlons de sexualité

Contre l’homophobie, parlons de sexualité

Les 11 et 12 novembre prochains se
dérouleront au Palais de Beaulieu deux journées romandes
de réflexion et d’action autour du projet PREOS
(prévenir le rejet basé sur l’orientation sexuelle
et l’identité de genre chez les jeunes). Une occasion pour
les personnes travaillant avec des jeunes de penser en commun les
termes de cette prévention contre l’homophobie. Entretien
avec Stéphane André, enseignant et coordinateur de ces
journées.

Qui est concerné par ces journées et quels sont les objectifs visés par PREOS ?

Ces journées concernent tous les acteurs·trices de
l’éducation, et plus largement les associations actives
sur ces questions, ainsi que les politiques.

    L’objectif principal est
d’élaborer ensemble des réponses et des mesures
concrètes pour lutter contre l’homophobie dans les milieux
scolaires, au sein des maisons de quartier, des centres de loisir ou
encore des lieux de formation des futurs enseignant·e·s.

    Actuellement, il existe déjà des
formations adressées au personnel de l’éducation ou
des guides concernant l’accueil des jeunes se trouvant dans un
processus d’affirmation ou de questionnement. Mais
jusque-là, les mesures  au sein des établissements
scolaires sont appliquées de manière très
individuelle.  Notre attente concerne donc également une
validation au niveau institutionnel, car il est nécessaire
d’avoir des instructions claires de la part des autorités,
afin de rendre notre démarche légitime.

    Par ailleurs, ce qu’on tend à oublier,
c’est que, si les jeunes en questionnement sur leur orientation
sexuelle ont tendance à ne pas s’exprimer dans la
sphère familiale, il existe cependant d’autres milieux que
l’établissement scolaire où ils·elles ont
l’occasion d’échanger. Ces ressources, et notamment
les associations, sont souvent oubliées lors des
réflexions faites en milieu scolaire sur l’homophobie. Or,
prendre connaissance de l’existence et de l’action
proposée par ces milieux, c’est aussi sortir du
cliché qui assimile les jeunes LGBT à des seules
victimes. Une mise en réseau est de fait nécessaire et
ces journées sont également l’occasion de tisser
des liens entre les différents milieux actifs dans la lutte
contre l’homophobie.

Quelle est aujourd’hui la réalité de l’homophobie en milieu scolaire ?

Elle se décline sous différentes formes, mais les
violences physiques ne sont pas les plus fréquentes. Le silence
et l’indifférence sont, elles, des manifestations bien
plus brutales, et c’est à cela qu’il faut
aujourd’hui répondre en ouvrant le dialogue au sein des
établissements scolaires, car ne pas s’opposer aux
manifestations d’homophobie contribue à les valider.

    Aujourd’hui, les principales personnes vers
qui sont orientés les jeunes en questionnement sont des
infirmiers·ères scolaires, des psychologues ou des
médiateurs·trices, ce qui ne fait que cantonner
l’homosexualité au domaine de la santé. Or,
l’identité de genre et l’orientation sexuelle ne
relèvent pas purement et simplement de la sphère
privée mais sont des réalités publiques qui
devraient pouvoir faire l’objet, dans les milieux
fréquentés par les jeunes, d’un débat
ouvert.

Comment rendre ce dialogue possible ?

En intégrant à la réflexion sur les programmes
scolaires la dimension de l’orientation sexuelle et
l’identité de genre. Je ne dis pas qu’il faut parler
d’homophobie à tous les cours, mais qu’il faut
parler de sexualité, puisque ce thème engendre des
malaises pour certain.e.s. Ainsi, je suis partisan d’une
réflexion élargie sur cette thématique au sein du
milieu scolaire, afin que l’on puisse travailler sur les
représentations extrêmement
hétéro-normées qu’ont
certain·e·s jeunes à propos de la
sexualité.

    Cet effort nécessite évidemment une
légitimation institutionnelle, mais également une
volonté de la part des acteurs·trices de
l’éducation. Or, ce que j’observe, c’est que
ce sont actuellement majoritairement des femmes qui évoquent ces
questions en classe. D’une part, elles sont probablement
davantage sensibilisées à cette thématique en
raison des liens qu’elles font avec le sexisme dont elles sont
souvent victimes. D’autre part, les femmes font moins
l’objet de soupçons liés notamment à la
pédophilie, que les hommes. Autrement dit, cela paraît
plus normal qu’une femme aborde ces questions avec des jeunes. Il
y a donc aussi du côté des acteurs·trices, de
nombreuses choses à déconstruire.

Quelle est l’application concrète de cette réflexion à l’école ?

De manière plus pratique, l’homophobie peut être
abordée de manière large et transversale auprès
des jeunes, de manière classique lorsqu’on aborde les
thèmes du racisme, du sexisme, de l’antisémitisme,
mais pas exclusivement. L’histoire et le français sont des
branches qui se prêtent souvent à des discussions
collectives et à des débats.

    Mais il ne suffit pas d’en parler pour faire
émerger une réelle réflexion sur le sujet. Encore
faut-il savoir comment aborder cette thématique,
d’où l’importance d’outils communs aux
personnes concernées. Sortir d’un discours inclusif,
bienveillant et paternaliste consistant à dire
« les jeunes LGBT ont les mêmes droits que les
autres, cessons de les discriminer » permet de prendre un
peu de hauteur et d’aménager un espace de parole pour les
jeunes qui n’osent pas toujours faire part de leur profond
malaise face à l’homosexualité. Car sans
l’expression explicite de ce malaise, pas de discussion possible
sur l’homophobie à l’école.

Propos recueillis pour « solidaritéS » par Maïla Kocher