Mobilité: pour une vélorution !

Mobilité: pour une vélorution !



La Suisse a beau être championne
du monde de l’usage des transports publics (2258
kilomètres par habitant en train par année) cela
n’empêche pas la déferlante de trafic
d’émettre toujours plus de CO2. Si plusieurs signes
indiquent un recul de la mentalité du
« tout-à-la-voiture », des efforts
considérables restent à faire pour s’engager vers
une mobilité d’avenir.

La question de la mobilité est cruciale, car elle touche
à de très nombreuses problématiques de nos
sociétés développées :
l’énergie, le climat, le paysage, mais aussi la
qualité de vie, l’espace public ou encore
l’aménagement du territoire. Or, le développement
exponentiel de l’automobile individuelle dans la deuxième
moitié du XXe siècle a conduit à des impasses
aussi bien localement (embouteillages, bruit, pollution, stress,
accidents, etc.) qu’au niveau global (épuisement du
pétrole, réchauffement climatique, etc.) : il est
donc plus qu’urgent d’inverser la tendance et de
réduire la dépendance à l’automobile. Trois
pistes à suivre : le développement de transports
publics abordables, l’encouragement à la mobilité
douce et la diminution des déplacements contraints.

Transports publics gratuits

Le droit à se déplacer dans un périmètre
raisonnable autour de chez soi pour son travail, ses achats ou sa vie
sociale fait partie des besoins fondamentaux de chacun·e. Pour
les déplacements difficiles à effectuer à pied ou
à vélo, le recours aux transports publics doit être
encouragé par tous les moyens : il faut évidemment
un réseau de bus, trams et trains dense avec une bonne desserte
horaire, mais aussi des tarifs qui encouragent leur usage.

    Aujourd’hui, la gratuité des transports
en commun à l’intérieur des villes n’est pas
une utopie ! Tout au contraire, elle constituerait un formidable
signal pour reconnaître à chacun·e le droit de se
déplacer écologiquement et une incitation à
délaisser l’automobile individuelle en ville. Et cette
mesure est parfaitement finançable : à
Genève par exemple, les rentrées d’argent des
billets et abonnements sont de l’ordre de 150 millions par
an… soit moins de la moitié de la baisse
d’impôts (favorable aux ménages aisés)
adoptée en 2009 !

Quant aux prix des CFF, ils sont aujourd’hui bien trop
prohibitifs pour les petits revenus et il faut impérativement
les baisser, soit aller exactement à l’inverse des
augmentations que préparent les autorités
fédérales ! Afin de financer les infrastructures
(par exemple la troisième voie CFF Genève-Lausanne), un
premier pas consiste à soutenir l’initiative qui veut
reverser 50 % des taxes perçues sur l’essence aux
transports en commun (contre 25 % aujourd’hui).

Piétonnisation et vélorution

Même si le mode de transport le plus naturel de
l’être humain est la marche à pied, dans nos villes,
les entraves aux déplacements piétons sont souvent telles
(feux rouges interminables, trottoirs trop étroits, absence de
passages piétons, omniprésence des voitures, dangers,
etc.) qu’il est parfois plus simple de se déplacer en
voiture. Un énorme effort doit être fait pour supprimer
cette aberration, notamment en piétonnisant les centres-ville.
Ces zones piétonnes ne doivent pas être l’apanage
des rues commerciales, mais doivent également
s’étendre à proximité des écoles, des
EMS et aussi à l’intérieur des quartiers
périphériques. La re-création d’espaces
publics accessibles à toutes et tous est urgente pour
créer du lien social. Aujourd’hui, les
« places de village » et les rues ressemblent
encore trop souvent à des parkings à ciel ouvert :
impossible d’y flâner, d’y faire des rencontres.
L’occupation de l’espace public par l’automobile
contribue à déshumaniser nos villes et participe au
délitement des liens sociaux et donc à
l’augmentation de l’isolement et du sentiment
d’insécurité.

    L’autre aspect sur lequel nous devons fournir
un effort important (en particulier en Suisse romande) est la
sécurisation des déplacements à vélo. La
plupart des villes du Nord de l’Europe ont investi avec
succès dans ce mode de transport sain, silencieux, non polluant
et peu encombrant. La création de réseaux de pistes
cyclables continues doit donc être une priorité absolue
pour sécuriser les cyclistes, trop souvent en danger.

Diminuer les déplacements contraints

Si la plupart des mesures citées ci-dessous trouvent un
écho auprès de la population (en témoignent les
succès remportés par les « Initiatives des
villes » d’actif-trafiC), il convient de
s’attaquer au plus vite à la racine du problème,
à savoir maîtriser et diminuer les déplacements, en
particulier contraints.
  
 Durant plusieurs décennies, la mobilité a
été considérée comme un
élément positif, un signe de la
« vitalité » de nos économies.
Or les embouteillages et les trains bondés sont autant de signes
que nous sommes arrivés à un point critique. Il convient
donc d’inverser la tendance pour tenter de rapprocher les emplois
des zones d’habitation. En effet, les déplacements
pendulaires sont en réalité du temps de travail non
rémunéré qui devrait être réduit
autant que possible.

    C’est ici l’aménagement du
territoire qui est en cause : il faut densifier (notamment les
zones villas), favoriser la mixité des activités dans les
quartiers (logements, emplois, loisirs, achats), encourager les
entreprises et les services publics à décentraliser leurs
activités (à l’opposé de la tendance
actuelle de concentration pour rentabiliser !), et lutter contre
la maîtrise privée du sol en municipalisant les zones
à bâtir pour y planifier un développement
cohérent et concerté qui évite les
déplacements inutiles.

Une autre mobilité est possible : changeons la vi(ll)e !

Thibault Schneeberger