Eoliennes industrielles: le coup de grâce  ?

Eoliennes industrielles: le coup de grâce  ?



Ancien directeur du WWF, puis de
l’Office fédéral de l’environnement, Philippe
Roch, n’a rien d’un novice en matière
d’environnement. Le livre qu’il vient de publier,
« Eoliennes, des moulins à
vent ? »* risque donc de peser lourd dans le
débat sur l’implantation des éoliennes
industrielles. Et ce n’est pas un mal.

Dans un premier temps, Philippe Roch rappelle que tout ce qui porte le
label « renouvelable » n’est pas
nécessairement écologique. Le turbinage-pompage dans les
barrages, par exemple, mais aussi, selon les circonstances, les pompes
à chaleur. Dès lors, concernant l’éolien
industriel, il ne s’agit pas d’acheter « chat
en poche », sur la seule bonne mine du produit.

Un fort impact sur le paysage

Car le choix des autorités politiques et d’une bonne
partie des écolos ou assimilés, qui se rallient de fait
aux industriels de l’éolien, est celui des
aérogénérateurs géants. Des monstres de 150
à 200 m de hauteur (plus de deux fois la tour Taoua
projetée à Lausanne), d’un poids de 1 000
à 1 600 tonnes, dotés de pales d’une
envergure de 80 à 126 m. Pour les ancrer au sol,
300 m3 de béton (750 tonnes) sont nécessaires. De
véritables usines donc, chargées de capter les vents
à une hauteur suffisamment productive.

    Si l’on ajoute les routes d’accès
à ces sites industriels et les lignes à haute tension
pour les raccorder au réseau, on se trouve en face d’une
modification profonde du paysage où les éoliennes seront
installées. Or une bonne partie des projets concerne non pas des
coins reculés, mais au contraire des endroits exposés
comme les crêtes du Jura. Le canton de Vaud prévoit par
exemple une production annuelle de 1 TW (mille milliards de watts)
pour l’éolien. Ce qui, d’après nos
estimations, implique l’installation de près de 210
éoliennes géantes, dans le cas le plus favorable
(production annuelle estimée d’une
éolienne : 4 800 MW).

Pour un résultat médiocre

Les chiffres de la production d’énergie éolienne
font justement l’objet d’évaluations
incertaines – le vent souffle quand il
veut ! – allant de 3 à 18 % de la
consommation suisse d’électricité, pour
1 000 éoliennes installées en Suisse. Le dernier
chiffre avancé par le conseiller national Vert Christian van
Singer suppose des engins de 5 MW (contre 3 actuellement),
fournissant 2000 heures d’équivalent pleine puissance. Or,
note Ph. Roch, « Un si grand nombre de tels sites
favorables n’existent pas en Suisse.» Le Danemark a fourni
un effort inouï et s’est couvert d’éoliennes.
Ces milliers d’engins ne produisent toutefois que 1,5 % de
sa consommation totale d’énergie, soit à peine plus
que l’augmentation annuelle de sa consommation
(1,3 %) ! Polluantes lors de leur fabrication, bruyantes
et nocives pour la santé, les éoliennes industrielles
devraient, selon Ph. Roch, être abandonnées, au profit
d’un éolien de petite et moyenne envergure,
intégré dans le territoire bâti et les zones
industrielles.

Daniel Süri

* Philippe Roch, « Eoliennes, des moulins à
vent ? Un chemin entre refus et démesure »,
Ed. Favre, 2011.