Mexique « Mettre fin à cette guerre contre le peuple »

Mexique « Mettre fin à cette guerre contre le peuple »



Le mouvement contre la militarisation
continue de grandir et de s’étendre à
l’ensemble du pays. La Caravane pour la paix avec justice et
dignité, qui est arrivée à Ciudad Juárez le
10 juin dernier, en est un exemple supplémentaire. Pour tenter
de comprendre ce mouvement, ses origines et sa portée, nous nous
sommes entretenus avec José Martínez Cruz, coordinateur
de la communication de la Commission indépendante des Droits
Humains de Morelos.

Tu as participé à la Caravane pour la paix avec
justice et dignité qui est arrivée à Ciudad
Juárez le 10 juin dernier. Peux-tu nous expliquer quelles sont
les origines de ce mouvement et quels en sont les objectifs ?

La Caravane est partie de la ville de Cuernavaca le 4 juin dernier.
[…] Elle a parcouru 3.400 kilomètres,
jusqu’à Ciudad Juárez, dans l’Etat de
Chihuahua, à la frontière nord du pays, après
avoir traversé des villes fortement touchées par la
violence, criminelle et institutionnelle, comme Morelia,
Michoacán, San Luis Potosí, Zacatecas, Saltillo,
Torreón, Monterrey et Chihuahua. C’est dans ces Etats
qu’ont été recensés la majorité des
40 000 assassinats et des  10 000 disparitions
environ, produits de la guerre contre le peuple menée par le
gouvernement de Felipe Calderón, au prétexte du combat
contre le narcotrafic et la délinquance organisée.

    Le mouvement est né après
l’assassinat de sept jeunes le 28 mars dernier, parmi lesquels se
trouvait Juan Francisco Sicilia, fils du poète et journaliste
Javier Sicilia […] La première action du mouvement fut le
dépôt d’une offrande florale aux portes du Palais du
Gouvernement et la convocation à une première
manifestation, le 6 avril, qui a réuni 25 000 personnes
dans les rues de Cuernavaca. Suite à cela, une marche de
près de 100 kilomètres a eu lieu. Cette marche a
culminé, le 8 mai, avec un rassemblement de 200 000
personnes sur le zócalo de la Ville de Mexico, au cours duquel a
été proposée la signature d’un Pacte
national contre la violence qui comporte six points […] Le
slogan utilisé par Javier Sicilia : « Nous
en avons jusque-là ! » fait écho au
« ya basta ! » des zapatistes en 1994
ainsi qu’à d’autres mouvements sociaux et
politiques, qui se sont fortement opposés aux politiques
néolibérales et autoritaires des gouvernements
« priistes » jusqu’en 2000 et
« panistes » par la suite. […] Mettre
fin à cette guerre contre le peuple, en finir avec
l’impunité et la corruption qui dominent au sein de la
police et de l’armée, mettre à nu les liens
qu’entretiennent les fonctionnaires gouvernementaux avec ces
bandes criminelles, sont quelques-unes des demandes du mouvement.
[…]

La caravane a parcouru plusieurs Etats du nord du pays, parmi
lesquels figurent ceux qui sont le plus affectés par la
violence. Quelle a été la réaction des
gens ?

La réceptivité des gens a augmenté. Durant
plusieurs années, c’est la peur qui a dominé.
Celle-ci était générée par ces pratiques
que l’on peut assimiler à un terrorisme d’Etat et
par la protection et la complicité des autorités envers
les criminels. Le gouvernement assure qu’il combat le
narcotrafic, alors que dans la réalité, la consommation
de drogues n’a cessé d’augmenter tout comme la
quantité d’argent en circulation, produit de ce commerce
illicite, extrêmement lucratif pour certains. […] Dans les
villes du nord du pays, le tissu social a été gravement
affecté par cette violence. Cela se reflète, par exemple,
dans l’existence de près de dix-mille orphelins,
uniquement à Ciudad Juárez. Environ 250 000
personnes ont quitté cette ville pour aller se réfugier
à El Paso, aux Etats-Unis et l’on compte près de
70 000 maisons abandonnées. Le chômage a cru de
manière exponentielle après que de nombreuses
« maquiladoras » ont fermé leurs
portes. A Ciudad Juárez, avant la militarisation, 300 cas de
féminicide avaient été dénoncés.
Actuellement, le nombre de morts violentes, d’hommes et de
femmes, s’élève à plus de 13 000, ce
qui démontre la gravité de la situation. Pour toutes les
raisons évoquées, et étant donné les
circonstances et le contexte, la mobilisation a été tout
simplement impressionnante, pas tant par son caractère massif,
que par son intensité dans les dénonciations et par son
esprit solidaire et fraternel. […]

Quelle a été, jusqu’à maintenant, la réponse du gouvernement ?

Le gouvernement fédéral maintient une attitude
fermée et autoritaire afin de maintenir son actuelle
stratégie militariste. Il n’a pas fait marche
arrière, et malgré les justes demandes des victimes,
considère que sa politique est correcte. […] En
même temps, il a ouvert des canaux de discussion avec
l’équipe de Javier Sicilia afin de parvenir à un
dialogue avec les victimes, dans le but de légitimer sa
stratégie de maintien de l’armée dans les rues.
Actuellement, il tente de jouer sur les différences qui existent
au sein du mouvement, pour isoler ceux qu’il qualifie
d’« extrémistes de gauche », et
attribuer aux victimes sa propre attitude de fermeture. Le terrain
épineux d’un dialogue sans objectifs concrets a
été mis en cause, au juste motif que le gouvernement
n’a jusqu’ici jamais honoré ses engagements, lorsque
ceux-ci desservaient sa politique. Les seules demandes acceptées
par le gouvernement, suite aux précédentes
« marches blanches » organisées par
les entrepreneurs et la droite, ont été celles qui
revendiquaient une augmentation du budget de la police et de
l’armée. Il n’a, en revanche, jamais accepté
de s’attaquer aux causes économiques, sociales et
politiques de la violence à l’aide de politiques publiques
spécifiques. […]

Mexique « Mettre fin à cette guerre contre le peuple »

Le mouvement contre la militarisation continue de grandir et de
s’étendre à l’ensemble du pays. La Caravane
pour la paix avec justice et dignité, qui est arrivée
à Ciudad Juárez le 10 juin dernier, en est un exemple
supplémentaire. Pour tenter de comprendre ce mouvement, ses
origines et sa portée, nous nous sommes entretenus avec
José Martínez Cruz, coordinateur de la communication de
la Commission indépendante des Droits Humains de Morelos.

Tu as participé à la Caravane pour la paix avec justice
et dignité qui est arrivée à Ciudad Juárez
le 10 juin dernier. Peux-tu nous expliquer quelles sont les origines de
ce mouvement et quels en sont les objectifs ?
La Caravane est partie de la ville de Cuernavaca le 4 juin dernier.
[…] Elle a parcouru 3.400 kilomètres,
jusqu’à Ciudad Juárez, dans l’Etat de
Chihuahua, à la frontière nord du pays, après
avoir traversé des villes fortement touchées par la
violence, criminelle et institutionnelle, comme Morelia,
Michoacán, San Luis Potosí, Zacatecas, Saltillo,
Torreón, Monterrey et Chihuahua. C’est dans ces Etats
qu’ont été recensés la majorité des
40 000 assassinats et des  10 000 disparitions
environ, produits de la guerre contre le peuple menée par le
gouvernement de Felipe Calderón, au prétexte du combat
contre le narcotrafic et la délinquance organisée.
    Le mouvement est né après
l’assassinat de sept jeunes le 28 mars dernier, parmi lesquels se
trouvait Juan Francisco Sicilia, fils du poète et journaliste
Javier Sicilia […] La première action du mouvement fut le
dépôt d’une offrande florale aux portes du Palais du
Gouvernement et la convocation à une première
manifestation, le 6 avril, qui a réuni 25 000 personnes
dans les rues de Cuernavaca. Suite à cela, une marche de
près de 100 kilomètres a eu lieu. Cette marche a
culminé, le 8 mai, avec un rassemblement de 200 000
personnes sur le zócalo de la Ville de Mexico, au cours duquel a
été proposée la signature d’un Pacte
national contre la violence qui comporte six points […] Le
slogan utilisé par Javier Sicilia : « Nous
en avons jusque-là ! » fait écho au
« ya basta ! » des zapatistes en 1994
ainsi qu’à d’autres mouvements sociaux et
politiques, qui se sont fortement opposés aux politiques
néolibérales et autoritaires des gouvernements
« priistes » jusqu’en 2000 et
« panistes » par la suite. […] Mettre
fin à cette guerre contre le peuple, en finir avec
l’impunité et la corruption qui dominent au sein de la
police et de l’armée, mettre à nu les liens
qu’entretiennent les fonctionnaires gouvernementaux avec ces
bandes criminelles, sont quelques-unes des demandes du mouvement.
[…]

La caravane a parcouru plusieurs Etats du nord du pays, parmi lesquels
figurent ceux qui sont le plus affectés par la violence. Quelle
a été la réaction des gens ?
La réceptivité des gens a augmenté. Durant
plusieurs années, c’est la peur qui a dominé.
Celle-ci était générée par ces pratiques
que l’on peut assimiler à un terrorisme d’Etat et
par la protection et la complicité des autorités envers
les criminels. Le gouvernement assure qu’il combat le
narcotrafic, alors que dans la réalité, la consommation
de drogues n’a cessé d’augmenter tout comme la
quantité d’argent en circulation, produit de ce commerce
illicite, extrêmement lucratif pour certains. […] Dans les
villes du nord du pays, le tissu social a été gravement
affecté par cette violence. Cela se reflète, par exemple,
dans l’existence de près de dix-mille orphelins,
uniquement à Ciudad Juárez. Environ 250 000
personnes ont quitté cette ville pour aller se réfugier
à El Paso, aux Etats-Unis et l’on compte près de
70 000 maisons abandonnées. Le chômage a cru de
manière exponentielle après que de nombreuses
« maquiladoras » ont fermé leurs
portes. A Ciudad Juárez, avant la militarisation, 300 cas de
féminicide avaient été dénoncés.
Actuellement, le nombre de morts violentes, d’hommes et de
femmes, s’élève à plus de 13 000, ce
qui démontre la gravité de la situation. Pour toutes les
raisons évoquées, et étant donné les
circonstances et le contexte, la mobilisation a été tout
simplement impressionnante, pas tant par son caractère massif,
que par son intensité dans les dénonciations et par son
esprit solidaire et fraternel. […]

Quelle a été, jusqu’à maintenant, la réponse du gouvernement ?
Le gouvernement fédéral maintient une attitude
fermée et autoritaire afin de maintenir son actuelle
stratégie militariste. Il n’a pas fait marche
arrière, et malgré les justes demandes des victimes,
considère que sa politique est correcte. […] En
même temps, il a ouvert des canaux de discussion avec
l’équipe de Javier Sicilia afin de parvenir à un
dialogue avec les victimes, dans le but de légitimer sa
stratégie de maintien de l’armée dans les rues.
Actuellement, il tente de jouer sur les différences qui existent
au sein du mouvement, pour isoler ceux qu’il qualifie
d’« extrémistes de gauche », et
attribuer aux victimes sa propre attitude de fermeture. Le terrain
épineux d’un dialogue sans objectifs concrets a
été mis en cause, au juste motif que le gouvernement
n’a jusqu’ici jamais honoré ses engagements, lorsque
ceux-ci desservaient sa politique. Les seules demandes acceptées
par le gouvernement, suite aux précédentes
« marches blanches » organisées par
les entrepreneurs et la droite, ont été celles qui
revendiquaient une augmentation du budget de la police et de
l’armée. Il n’a, en revanche, jamais accepté
de s’attaquer aux causes économiques, sociales et
politiques de la violence à l’aide de politiques publiques
spécifiques. […]

Propos recueillis par Héctor Márquez,